Un roman..., une critique : Flashback
"Flashback" est cet épisode de la troisième saison que s'est offert "Voyager" pour fêter le trentième anniversaire de la série Star Trek classique. Dans la plus pure tradition trekkienne, on y voit la rencontre de deux capitaines appartenant à deux époques distinctes : Kathryn Janeway et Hikaru Sulu. On compare souvent "flashback" à "trials and tribble-ations", épisode anniversaire de Deep Space Nine. La comparaison se fait à la défaveur du premier, et c'est dommage car il ne manque pas de charme.
"Flashback" doit sa novelisation à Dian Carey (tout comme "Trials and tibble-ations", d'ailleurs). Sa lecture permet bien plus qu'un simple complément de l'épisode. Par son roman, Dian Carey enrichit l'histoire et les personnages en accord avec les données de l'épisode et de la série télévisée. Et c'est en cela qu'une critique en parallèle de l'épisode et du livre me paraissait intéressante.
Résumé
"Help me, Tuvok ! Don't let me fall". La petite fille blonde d'une huitaine d'année s'accroche désespérément au sommet du précipice. Sa chute mortelle paraît inévitable. Seul un petit Vulcain noir, du même âge qu'elle, tente de la retenir par le bras. Peine perdue. Le fardeau est trop lourd pour lui et dans un cri déchirant, la gamine n'en finit pas de tomber, sous les yeux horrifiés du petit Vulcain.
Alors que l'USS Voyager a stoppé son voyage aux abords d'une nébuleuse présentant des propriétés physiques intéressantes, Tuvok est malade. Vertiges, nausées, désorientation l'assaillent sans répit. La scène de la chute mortelle de la petite fille se répète à l'infini dans sa tête, menaçant de le rendre fou. Tuvok ne comprend pas l'origine de ce souvenir dont il ignorait même l'existence. A-t-il réellement vécu cette scène ? Si oui, quand ? Et cette illogique culpabilité qui accompagne le souvenir finira par lui faire perdre le sens commun...
Le Docteur a identifié ce problème typiquement vulcain : le t'lokan. Le sujet tente désespérément de garder enfoui dans son inconscient un souvenir douloureux. La lutte entre le conscient et l'inconscient est purement physique chez le Vulcain et peut se terminer par une autolobotomie du sujet.
Une seule solution : une fusion mentale avec un autre Vulcain permettra à l'individu de faire remonter le souvenir dans sa conscience. Malheureusement, aucun membre de la famille de Tuvok n'est à bord du vaisseau. Le Vulcain décide alors de partager ses souvenirs avec la personne en qui il a le plus confiance : Janeway.
Kathryn et son officier s'uniront par la fusion mentale et revivront ensemble les souvenirs du Vulcain jusqu'à ce qu'ils assistent à la fameuse "scène du précipice". Invisible pour les individus que rencontrera à nouveau Tuvok dans son passé, Janeway devra le guider et lui rappeler le but de leur étrange voyage.
Honorée par la demande de Tuvok, la capitaine accepte sa mission. De toute façon, elle n'a guère le choix. La vie de Tuvok ne tient qu'à un fil et Kes, dont les capacités télépathiques sont remarquables, est elle aussi menacée par le phénomène.
"My mind to your mind..." Le temps d'un éclair et Janeway est précipitée dans le passé de Tuvok. Mais en lieu et place de la falaise qu'elle s'attendait à voir, la jeune femme échoue sur la passerelle d'un vaisseau archaïque, mais pas inconnu. Des tirs de phasers retentissent de toutes parts... Alors qu'elle repère Tuvok, portant un uniforme ayant au moins cinquante ans d'âge, Janeway croise Hikaru Sulu, le légendaire capitaine de l'USS Excelsior, dont elle avait étudié tous les exploits à l'académie.
Tuvok a jadis servi à bord de ce vaisseau. Alors que Tuvok se penche sur le corps de son ami et collègue Boris Valtane, tué par l'explosion de sa console, la petite fille blonde tombe du précipice dans un cri déchirant...
Quel rapport entre ces deux souvenirs ? Ni Tuvok, ni Janeway ne peuvent le dire.
Mais leur irruption sur la passerelle de l'Excelsior n'est pas due au hasard. Janeway décide d'y retourner et de revivre avec Tuvok les quelques jours qui précèdent ce moment historique que sera la conférence de Khitomer. Car, à l'époque où StarFleet combattait encore les Klingons, Sulu et son équipage, Rand, Valtane et Tuvok notamment, joueront un rôle important dans ce traité de Khitomer en assistant James Tiberius Kirk, capitaine de l'USS Enterprise...
Par trois fois, Janeway et Tuvok échoueront sur cette même passerelle. Au fil de l'aventure, Kathryn se sent de plus en plus proche de Tuvok, qui lui raconte ses souvenirs, lui explique ses choix. Elle se sent également de plus en plus semblable au Capitaine Sulu qui, avant elle, a eu la lourde tâche de prendre la responsabilité d'un vaisseau et de son équipage dans une situation critique.
Mais l'état du Vulcain s'aggrave, les souvenirs de Kathryn remontent aussi à la surface et se mêlent à ceux de Tuvok, les menaçant de mort tous les deux...
Critique
Une fois n'est pas coutume et je commence par le côté négatif de ce récit. Il en est au moins un, de taille, l'incroyable histoire qui sert de prétexte au retour du capitaine Sulu. Il fallait bien s'attendre, vu la longévité des Vulcains, à ce que l'irruption des personnages de Voyager dans le passé se fasse par le biais de Tuvok.
D'ailleurs, faire du Vulcain un enseigne à bord de l'USS Excelsior est à priori une bonne idée. La fascination des fans pour les fusions mentales dont sont capables les Vulcains devait être à l'origine d'un épisode. Il n'est pas étonnant que les scénaristes aient mêlé ces deux éléments.
Etant donné l'éloignement géographique et temporel du Voyager et de l'Excelsior, il fallait se douter qu'à défaut d'un wormhole dans les parages, cette rencontre Janeway/Sulu soit "imaginaire". Mais tout de même, cette histoire de virus qui crée dans l'esprit d'un individu un souvenir traumatisant est assez dure à avaler.
Et une fois de plus, on nous l'a saupoudrée d'une overdose de termes médico-techniques incompréhensibles que nous déblatère le Docteur. Par ailleurs, cette histoire de souvenirs mortels ne va pas sans rappeler "Dark Page", épisode de la septième saison de Next Generation. Lwaxana Troi se trouvait en danger de mort car elle refusait de revivre la mort accidentelle de Kestra, sa fille aînée, âgée alors de sept ans.
Deuxième défaut, à force de revivre plusieurs fois la même scène et d'en revenir au même endroit, on finit par ressentir l'impression de tourner en rond. On sait qu'il y a un rapport certain entre la mort de Valtane et celle de la fillette blonde mais on finit par se demander si Tuvok et Janeway vont le découvrir. Frustration quand on découvre que c'est le Docteur, un élément extérieur à la fusion mentale, qui trouve la solution.
A noter que le roman corrige ce défaut car, j'y reviendrai, Dian Carey profite de l'occasion pour explorer la personnalité des protagonistes.
Enfin, troisième faiblesse, l'épisode se centre exclusivement sur Tuvok, Janeway, le Docteur et à moindre mesure, Kes. Le livre donne un rôle plus important à Neelix. Chakotay, Torres et Paris sont absents dans l'épisode mais plus présents dans le livre. Quant à Harry Kim, ses fans le trouveront sans doute en vacances dans le holodeck.
Ceci dit, il est évidemment impossible de donner un rôle important à sept personnages dans un épisode de cinquante minutes. De plus, il me semble que la série fait l'effort de consacrer au moins un épisode par saison à chaque personnage. Malgré tout, j'aurais pour ma part préféré que Sulu et son équipage aient un rôle plus important.
Passons à présent aux éléments qui donnent à "Flashback" tout son intérêt. Le retour à cette glorieuse époque du 23ème siècle est évidemment la pierre angulaire de toute l'histoire. Se balader à nouveau sur une passerelle "archaïque", croiser des individus portant exclusivement des uniformes rouges et passant leur temps à combattre les Klingons peut paraître simplement amusant.
Quelles différences, tout de même, entre l'ancienne et les nouvelles générations ! Les réactions de Janeway, et à moindre mesure de Tuvok, le soulignent. Voir la surprise de Kathryn quand elle apprend que les ennemis sont des Klingons, l'entendre parler avec nostalgie de cette époque où les capitaines paraissaient sans doute plus héroïques est simplement jubilatoire. Et ne parlons pas du pauvre Harry Kim qui prend conscience tout à coup que la moitié des objets qui font son univers quotidien n'existaient même pas à cette époque.
Il fallait s'attendre à une rencontre entre deux capitaines. Le choix s'est porté sur Sulu. Voilà l'occasion de voir enfin ce capitaine asiatique à l'action. Dans "Star Trek VI, Terre Inconnue", on n'avait pas vraiment pu le faire. On connaissait déjà son efficacité et sa loyauté envers Kirk. On prend conscience ici de son courage et de son professionnalisme, le tout souligné par de l'humour. C'est aussi un plaisir de revoir Janice Rand (même si son rôle est mineur) et le sympathique Boris Valtane, dont la mort stupide paraît bouleversante, surtout dans le roman, où on nous décrit la réaction de Tuvok face à cette perte.
Dans son livre, Dian Carey va plus loin. Elle commence par introduire Uhura dans l'histoire (comme c'était également prévu pour l'épisode, d'ailleurs). Mais surtout, elle permet à Tuvok et Janeway de rencontrer le légendaire Capitaine Kirk et son équipage ! A Janeway qui a partagé ses souvenirs et donc sa souffrance, Tuvok fait un merveilleux cadeau : il l'emmène à la Conférence de Khitomer, au moment où sont démasqués les conspirateurs opposés au traité de paix. Janeway se rend compte à quel point ces personnages "légendaires" dont elle connaît tous les exploits, ont réellement changé le cours de l'histoire. Inutile de dire que ce passage du roman est chargé d'émotions.
Dernière rencontre marquante, dans le roman uniquement, celle de Janeway et d'Amelie Earhart, cette pilote disparue au-dessus du Pacifique, alors qu'elle tentait de boucler un tour du monde en avion. Quels éléments justifie cette rencontre ? Sans doute le fait que Janeway avait déjà croisé, en chair et en os, Amelia Earhart dans l'épisode de la deuxième saison de Voyager, "The 37th". Janeway s'était sentie très proche de cette pionnière du passé qui pourrait être, finalement, son "alter ego".
N'ont-elles pas partagé les mêmes craintes face à l'inconnu ? On comprend donc que ce personnage important hante les souvenirs du capitaine Janeway.
Passons aux personnages. Tuvok est évidemment au centre du récit. Enfin, on se décide à explorer le passé de cet officier, un Vulcain, en qui Janeway a toute confiance.
Il était temps qu'on nous dévoile un peu ce que Tuvok cache pudiquement sous le contrôle de ses émotions. On le sait, vu sa longévité, Tuvok a une vie bien remplie. On découvre ici que cette vie est loin d'avoir été facile. Les choix de Tuvok ont souvent été conditionnés par sa situation familiale et son appartenance ethnique.
Comme Spock, qu'il croise d'ailleurs, il a dû sacrifier la tradition vulcaine sur l'autel de son engagement à StarFleet. Un engagement compromis par le pon farr et un mariage avec T'Pel. Il faudra un retour à l'Academy et son expérience à bord de l'Excelsior pour que Tuvok constate sans regret que ce destin d'officier de StarFleet était ce que la vie avait de mieux à lui offrir.
Tuvok, on le savait, était très proche de Janeway. N'est-ce pas pour partir à sa recherche que Janeway a pris le chemin des Badlands ? Ne se connaissent-ils pas depuis longtemps ? Il était temps là aussi que cet état de fait soit souligné. C'est le cas ici, et avec brio. Tuvok demandant à Janeway de partager ses souvenirs et de la guider tout au long de leur voyage, l'entendre la remercier chaleureusement (façon vulcaine) soulignent une complicité solide et inaliénable. Janeway remplit sa mission avec tous les honneurs s'impliquant au risque de ne pas en sortir indemne.
Elle est plus que le guide que Tuvok désirait, elle devient sa confidente, notamment quand il lui raconte son échec lors de sa première carrière dans StarFleet. Plus sensible que Tuvok aux émotions, elle l'aide à contrôler le flot d'angoisse et de culpabilité qui se déchaîne autour d'eux lors de la mort de Valtane et de la fillette.
Kes, par ses capacités télépathiques plus importantes, souffre aussi de la maladie qui touche Tuvok. Cette situation passe quasiment inaperçue dans l'épisode mais est mainte fois soulignée dans le roman. Dian Carey se souvient avec raison que Kes est un personnage sensible. L'intrusion de l'Excelsior dans sa mémoire doit être traumatisant pour cette extraterrestre du quadrant Delta qui n'y connaît rien en histoire de la Terre.
Neelix, voyant son amour menacé, est plus touchant - dans le roman, uniquement. Il y perd son côté bouffon au profit d'un aspect plus sérieux de sa personnalité. Neelix ne ressent pas seulement pour Kes cette jalousie puérile qui le rend drôle ou agaçant - c'est selon.
Enfin dernier aspect du roman qui, à mon avis, parle en sa faveur, la présentation structurée du récit. Chaque chapitre est préfacé par la transcription de paroles prononcées par un personnage "historique" : Amelia Earhart, Chang, Kirk, Sulu... Cette idée donne un ton réel au récit et est un agréable clin d'oeil aux fans.
Conclusion
Faut-il lire "Flashback" ? Si on a aimé l'épisode, il me paraît dommage de ne pas lire sa novelisation. Si l'épisode a semblé bon mais lacunaire, il me semble intéressant de lire le roman car, vous l'aurez compris, il est plus qu'une mise en page du scénario de Brannon Braga. Autant que l'épisode, et si pas plus, il enrichit d'un important chapitre l'histoire de Star Trek Voyager.
Références
CAREY Dian (d'après le scénario de Brannon BRAGA), Flashback, Pockets Books,(roman Star Trek Voyager) 279 pages.
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