Site hosted by Angelfire.com: Build your free website today!
Fanfictions


Lusus Naturae  


Chapitre II  

Banlieue de Longster, 10h08. 12 Novembre.
Jack redescendit dans les profondeurs de son domaine. Il allait tous les jours voir ce que le monde extérieur avait pour lui. Même si, au fil du temps, tout avait bien changé. Seuls quelques irréductibles continuaient de venir. A part pour Halloween où cette maison restait le quartier général des gamins. Il s'allongea sur son matelas éventré et laissa son esprit vagabonder. C'était le même rituel chaque matin. Sa façon à lui de vivre. Il sentit la fatigue le gagner, toujours suivie de cette impression qu'il n'était pas seul. Puis le bruit dérangeant de crissement de pneu, qui annonçait le raidissement de son corps. Il fit une vague tentative - infructueuse - pour bouger la tête, afin de vérifier le bon fonctionnement du processus, et la seconde d'après, se retrouva au-dessus de la végétation insalubre entourant la maison. Il ne se lassait pas de voir que, dans ce monde astral, les couleurs étaient toujours plus rayonnantes qu'en réalité. Même ici, l'herbe terne, le bois mort, et les vieux potirons délaissés à l'entrée, étaient brillants.
Une pensée le propulsa en centre ville, où il s'éleva de façon à dominer les rues. Où allait-il trouver sa nouvelle victime?
L'indécision l'avait emmené très haut dans le ciel, lorsqu'un détail attira son attention...

Irving Symon recevait de la visite. Cela méritait qu'il s'y attarde. Il avait eu la maladresse d'effrayer la créature avec ces plaquettes décorée, et maintenant avait du mal à la coincer... Deux inconnus sortirent d'une Ford rose, qui, d'où il était, avait l'air encore plus rayonnante. Chose étonnante, l'aura de ces personnes étaient d'un bleu limpide, d'une pureté jurant avec celles, vaseuses, des hommes de Symon. Trois d'entre eux se trouvaient justement là, chargés de les accueillir et de les fouiller. Ce qui occasionna un incident entre la femme, dont l'aura vira au pourpre, et l'un des escrocs qui, lui, tourna au jaune sale.
- Non mais ça ne va pas!? s'exclama-t-elle.
- Ca suffit! lança Weston du haut de ses escaliers, laissez les tranquilles.
Alors que les vigiles s'éloignaient calmement dans la pelouse qui bordait le chemin, Symon fit signe aux visiteurs d'avancer.
Jack précéda ce beau monde dans l'antre de Symon, dont l'aura reflétait tous les méfaits. Un véritable guide touristique de la criminalité...
Il choisit de se placer sur la télé. Obnubilé par la fraîcheur des inconnus.
- Je suis désolé pour cet incident Mlle... Scully, lut Symon sur sa carte. Vous auriez dû me prévenir de votre arrivée. J'aurais pris d'autres dispositions. Mais par les temps qui courent...
- Nous sommes justement là pour ça, coupa Mulder, découvrant le salon de leur hôte, d'une blancheur absolue, maladive. Les seules tâches de couleur se trouvaient dans la plante verte près de la fenêtre et l'aquarelle très pâle du Mont Hann en Australie, sur le mur opposé, un des lieux sacrés aborigène les plus connu.
Assis dans son fauteuil, Symon, en impeccable costume blanc, se fondait dans son milieu. Alors que lui, en bleu marine et Scully, en marron foncé, faisaient plutôt décoratifs. Deux tâches de suspicion dans le living...
- Quelle est votre approche sur cette affaire? demanda Symon. J'ai lu un article sur vous... laissa-t-il entendre. Croyez-vous qu'il puisse s'agir d'un phénomène paranormal?
Il était trop matérialiste pour y croire. Mais les méfaits qu'il avait commis en Australie, pays de légendes Aborigènes, commençaient à le faire raisonner bizarrement...
Dana serra les mâchoires. Même dans des circonstances normales elle détestait les gens qui adoptaient d'emblée les thèses de Mulder.
- Sans fil conducteur, déplora Mulder, il nous est difficile d'étayer la moindre hypothèse.
Le bleu de son aura se fit plus intense...
- Nous avons ici une liste de personnes qui ont potentiellement disparu, ajouta Scully, sortant une feuille de sa poche. Nous aimerions avoir des détails sur leurs vies, les endroits qu'elles fréquentaient, leurs amis
- Je connais cette liste, dit Symon, refusant de prendre la page. La plupart de ces hommes travaillaient pour moi.
- Dans quel secteur d'activité? demanda-t-elle.
- Les affaires.
- Lesquelles?
- Les miennes, le défia Symon. Mais il m'est difficile de vous renseigner sur leurs vies privées. Je ne les espionnais pas voyez vous. Je sais cependant que Jamielson a été vu pour la dernière fois à mon club, le Blue Jelly Fish, en compagnie de Geelong, l'un des employés.
- Nous avons déjà interrogé cette personne, intervint Mulder. Lui non plus ne sait pas grand chose.
- Il était pourtant ami avec tous les disparus. Voilà un fil ( flic, faillit-il dire ) conducteur. Peut-être qu'il suffirait de le mettre à l'abri un moment pour que cette sauvagerie prenne fin?
- Les choses ne sont pas si faciles, Mr Symon, expliqua Mulder. Nous n'avons aucune charge contre lui.
- Allons bon. Vous êtes du FBI, vous pouvez...

Déçu par la tournure de la conversation et lassé du jaune fielleux de Symon, Jack préféra s'envoler vers d'autres cieux. Ecouter ses discussions était une pure perte de temps. Le moindre son qu'il émettait était assorti d'un mensonge...
Le FBI, lui, était beaucoup plus intéressant. Jack dû se concentrer sur une destination pour ne pas quitter l'atmosphère. Un Terrien qui s'intéressait authentiquement aux extra-terrestres. D'une façon si viscérale, si honnête...

Scully quitta la charmante demeure du Sieur Symon avec grand plaisir. Non seulement sa richesse et son arrogance étaient écoeurantes, mais en plus elle avait été humiliée. N'ayant pu réellement protester face à leur comité d'accueil, elle avait insisté pour prendre le volant. Dans l'espoir que cela lui calme les nerfs.

- Qu'y a-t-il? demanda Mulder au bout d'un moment.
- J'étais seulement en train de penser que la vie serait beaucoup plus agréable si les hommes étaient moins grossiers...
- Oui, il y a de meilleures façons de commencer la journée, mais ce ne sont que de pauvres types, Dana. Je parie qu'ils se retrouveront en prison avant que tu n'aies oublié cet incident...
- C'est tout ce que tu as trouvé pour me remonter le moral? Un pseudo discours sociologique faisant des repris de justice de pauvres créatures à qui il faut tout pardonner?!
- Euh, non, ça n'allait pas jusque là, fit Mulder désolé d'avoir pris la parole.
Scully repensa à Symon. Sa maison d'un blanc lugubre, sa supériorité... Il était aussi froid que ses murs, et sa fixation sur Geelong le rendait encore plus antipathique. En fait si ce n'étaient ses hommes qui disparaissent, il aurait fait un très bon suspect. Sa rêverie fut interrompue par le portable de son collègue.
- Weston a reçu les premiers résultats du labo, expliqua-t-il. Les cheveux trouvés chez Jamielson sont de types caucasiens, blonds, raides. Aucun troubles sérieux détectés, mais ils sont imbibés d'une substance capillaire inconnue ici.
- Pitié, ne mets pas les extraterrestres dans cette histoire..., murmura Scully.
- Je parlais commercialement. Un produit qui n'est pas importé chez nous. Un truc australien. Philip Geelong, ça sonne australien, non?
- Géographiquement, oui. Mais moi j'opterais plus pour Symon...
Mulder écouta quelque chose au téléphone.
- Il y a cependant un point étrange, ajouta-t-il, les sourcils froncés. Il s'agit de cheveux sans bulbes, coupés deux bonnes semaines avant que la police ne les trouvent. Hors à cette époque Jamielson était encore parmi nous.
- Les auraient-on placé là pour qu'on tombe dessus...? insinua Dana avec complaisance.

Centre ville, 16h00.
Mulder se gara, et vérifia que personne ne le suivait. En déjeunant avec Scully, il s'était vite aperçu que Korda les espionnait à quelques tables, et il ne tenait pas à l'avoir dans les pattes. Surtout depuis qu'il s'était aperçu que ce gros tas avait écrit un article calomnieux sur eux. Un cassage de gueule risquait d'être le seul fruit d'une nouvelle entrevue. Il claqua sa portière, et se dirigea prudemment vers le n° 161. Avec ce sol gelé, il devenait difficile de se déplacer. Il examina le bâtiment de briques rouges où il devait se rendre. De par sa vétusté, il ne payait pas de mine, mais, situé en plein centre ville, le loyer devait être conséquent. De toute façon, depuis ce matin, il n'entrait que dans des quartiers cossus. Où il avait trouvé à plusieurs reprises des cheveux blancs, toujours éparpillés quelque part dans les salons, a croire que le petit Poucet avait changé de méthode...
- Bonjour, fit un piéton en le dépassant.
- Bonjour, répondit-il sans conviction. Sur le coup il n'avait pas reconnu le type, mais le voir de profil, quelques mètres plus loin, ranger des courses dans une vieille Volvo vert pâle, réveilla ses souvenirs : Geelong.
Cédant à une impulsion, Mulder oublia le n°161 et retourna dans sa voiture. Il était trop tôt pour que leur seul et unique suspect aille au BJF, et le suivre pourrait s'avérer intéressant. Le 161, lui, pouvait attendre. Il ne changerait pas d'ici son retour. Surtout si, comme certains des autres appartements de la liste, il avait déjà été reloué.

Undermountain, Californie.
Protégé par de larges lunettes noires, Jack regarda le ciel. Satisfait que le soleil lui ai fait la grâce d'être voilé. C'était toujours aussi bizarre de se sentir loin de chez soi, dans un milieu différent... Il se dirigea vers le saloon, se revoyant le soir du drame. Ils étaient tous les trois au bord d'un champ, lui, sa femme, et un autre biologiste, à relever des échantillons indigènes, dans l'espoir d'apporter à leur gouvernement des découvertes scientifiques ou médicales. Lorsqu'une fusillade entre bandes rivales avait éclaté, amenant un véhicule à déraper vers eux. En quelques secondes il avait tout perdu, son épouse, et sa raison de vivre. Le début d'une longue agonie...

Il s'assit sur le cercueil encore vide de Flagg, l'esprit embrumé par les souvenirs.
Après quelques semaines d'apathie, seul survivant, il avait tout de même repris son travail de fourmi, hanté par le seul visage humain qu'il ait vu ce soir là. Il y a des gens qu'on ne devrait jamais rencontrer... comme on disait chez lui.
Il était arrivé sur cette planète, qu'il chérissait tant, trois ans plus tôt, et l'espoir d'être relevé dans quelques mois par une autre équipe l'avait motivé.
Mais personne ne l'avait jamais contacté. Peut-être que cela avait achevé de détruire son équilibre. Il se le demandait parfois. Mais pour survivre en milieu hostile, il n'avait trouvé qu'une issue : la vengeance. Il s'était plongé dans les anciennes traditions, du temps où son peuple, divisé en clans, se déchirait pour la moindre offense. Cela l'avait aidé à oublier sa situation et même le passage du temps...

Les gémissements de Flagg, ligoté sur le sol, le sortirent de son cauchemar.
Jack, sourit, conscient d'afficher un peu de sa folie. Mais qu'importe. Le principal était d'alléger sa souffrance.
- Bienvenue en enfer, dit-il avec son accent particulier, reprenant un concept qui, à sa connaissance, existait partout dans l'univers. Vous êtes l'heureux gagnant d'un séjour au soleil, tous frais payés.
Dix minutes plus tard, Jack, assis sur un cercueil qui avait trouvé son occupant, lisait à haute voix la dernière édition du Longster Gazette, trouvé un peu plus tôt dans une poubelle.
Deux Citrouilles A Longster. Le FBI monte chez nous et donnera probablement une nouvelle tournure au mystère qui frappe notre ville. Puisque, parallèlement au mépris des grandes métropoles envers le Nord, Washington nous a envoyé deux «spécialistes» des phénomènes paranormaux. La perspective que l'argent de nos impôts puisse aider ces agents à trouver chez nous quelques sorcières égarées, ou fantômes en rupture de bail, nous émeut...
Jack repensa à Fox Mulder. Peut-être avait-il déjà rencontré des gens de sa race? Il faudrait qu'il trouve un moyen d'aborder l'humain. Mais d'abord, Symon, seule sa mort lui rendrait sa liberté...

Le paysage était beau, pourtant, à l'inverse de ce que proclamait une chanson, le ciel de Californie n'avait rien de sexy. Ni pour lui, ni pour ce cher Mr Flagg...

Banlieue de Longster. 16h20.
Pour ne pas se faire remarquer, Mulder s'était garé à l'abri d'un petit bosquet et observait de loin la maison, apparemment abandonnée, où Geelong était allé. Il était impatient de la visiter à son tour, mais l'Australien prenait son temps. Ce qui lui avait permis de se renseigner auprès de Weston sur l'endroit.
Scully allait adorer. L'inspecteur lui avait expliqué qu'au fil des années cette ville avait développé sa propre légende au sujet d'Halloween : l'homme à la citrouille, surnommé, ici aussi, Jack, avait sa propre maison et réalisait les voeux de ceux qui lui faisaient des offrandes raisonnables.
Culte qui était surtout populaire chez les enfants. Il imaginait déjà sa partenaire contester que des légendes elle aussi pouvait en raconter, mais qu'ils étaient ici pour enquêter. Raison pour laquelle il ne parlerait de tout ceci que s'il découvrait du nouveau.

Mulder s'approcha de la maison en se mordillant les lèvres. La grille d'entrée, rouillée, était entrouverte. Il dut la pousser pour passer et provoqua un grincement amplifié par le silence qui régnait jusqu'alors. Au delà, les mauvaises herbes avaient investi les lieux, mais le chemin d'accès se devinait encore.
Mulder observa la façade : érosion des murs, volets rouges fermés, de guingois. Cette maison devait être abandonnée depuis une éternité. Ou habitée par Jack depuis des lustres, se reprit-il. Il espérait même le trouver chez lui. En tout cas, les vieux potirons abandonnés sur le rebord des fenêtres attestaient d'une récente célébration d'Halloween.
Il passa la porte. Au premier abord, tout n'était que poussière et débris. Sa torche éclaira des fauteuils retournés, éventrés, des morceaux de verres. Un escalier démuni de rambarde, menant au premier. Plusieurs traces de pas indiquaient que cet endroit était plus populaire que ne le pensait Weston. Des tas d'objets s'entassaient sous les fenêtres fermées. Des victuailles défraîchies, un vieux chapeau mou, une peluche géante, des médailles... Il y avait même des notes : des enfants voulant retrouver des animaux familiers, se débarrasser d'un voisin... Vraiment des histoires de gosses.
En regardant tout cela de plus près, Mulder trouva une enveloppe plus blanche que les autres, garnie de billets. Une personne cherchait des renseignements sur Jamielson, tiens donc...
L'agent sortit son carnet pour griffonner une question, qu'il glissa dans une enveloppe, où il mit la même somme : 33 dollars.
Puis il se dirigea vers l'escalier, dont les empreintes étaient trop grandes pour être celles d'enfants.
Le premier étage arborait la même vision apocalyptique qu'en bas. Il s'arrêta au milieu du couloir. Un bruit métallique venait de résonner. Jack qui avait fait tomber ses clefs? Il ouvrit la porte du fond, d'où le bruit était venu.
A l'intérieur, sa torche éclaira une forme allongée sur le sol, roulée dans une couverture. Un craquement le fit se retourner, et il reçut un coup en pleine figure. Son corps s'étala dans la poussière. La torche, roula, éclairant sur un mètre tout ce qui se trouvait sur le plancher. Une Doc Martens qui avait bien vécu finit par l'arrêter.
- Lumière, mec! se plaignit l'homme au sol. Le mec en question ramassa la torche et la pointa sur Mulder, inconscient.
- On a du beau monde, Ernie, dit-il. Ernie sortit de sa couverture.
- Costard cravate! s'exclama-t-il.
Il s'accroupit pour s'emparer de cette dernière. Le faisceau lumineux révéla des doigts jaunis par la nicotine, et le tatouage fait main d'une toile d'araignée.
- Tailleur à domicile! continua-t-il. Je m'en voudrais de laisser passer une occasion pareille. Dommage qu'il ait des pompes de merde!

Hôtel Jefferson, 18h00.
Scully poussa la porte de l'hôtel avec l'impression d'avoir piétiné toute la journée. Elle avait commencé par une déception. Geelong avait un parcours banal : quelques arrestations mineures, récentes, qui le rangeait dans la catégorie du menu fretin. A laquelle n'appartenait définitivement pas Symon. Dans les fichiers de la police, et même du FBI depuis les années 50, il avait passé quinze ans en prison pour meurtres. Cela ne devait pas être difficile de trouver quelqu'un qui lui en veuille...
Puis elle avait tenté de retracer la vie des disparus, leurs habitudes, leurs relations. Chose peu aisée, puisque la seule personne qui aurait pu les aider, Symon, s'était montrée très peu coopérative. Même les quelques truands qu'elle avait contactés l'avaient envoyée balader.
Mais Mulder avait raison, le casier judiciaire des victimes - tous des hommes - étaient de moins en moins rempli. Il était vrai que Longster n'étant pas une grande agglomération, le nombre de ses grands criminels s'en trouvait réduit. Surtout maintenant. En fait, si le responsable de tout ceci s'était installé à New York, il serait passé inaperçu...
La seule chose concrète qu'elle rapportait concernait ces Shurigas trouvés chez les deux premiers disparus. Ils étaient gravés sur de la pierre, alors qu'en Australie les Aborigènes préféraient le bois...

En entrant dans le couloir conduisant à leurs chambres, Dana haussa un sourcil réprobateur - un palliatif à son envie de soupirer. Aucune lumière ne filtrait de la porte de Mulder ; il n'était pas encore rentré. Il exagérait. Ils avaient déjeuné ensemble, mais elle ne l'avait pas revu depuis.

Assise sur son lit, elle délaça une chaussure en composant le numéro de Mulder. A rester toute la journée dans une pièce surchauffée, ses pieds, confinés dans des snow-boots, étaient sur le point de rendre l'âme.
- Allez, décroche!, s'impatienta-t-elle.
Mais son appel resta sans suite.
Elle se rendit en chaussettes dans le couloir et frappa à la porte de son collègue. Personne. Voulant s'assurer qu'il n'avait pas laissé de mot, elle crocheta la serrure.
Rien.
Dana jura. Elle détestait que Mulder ne la mette pas au courant de ses faits et gestes. Elle pensa tout de suite au Blue Jelly Fish, mais une femme lui répondit que le club n'était pas encore ouvert. Scully fit de son mieux pour éviter de penser aux mots disparition subite et appela Weston. Si le pire était arrivé, une Ford rose comme la leur devait être facile à localiser.

30 Charlotte Street. 18h35.>
Un bruit fit sursauter Geelong. Il somnolait devant la télé. Une émission touristique sur la Floride, remarqua-t-il en bâillant. Un coup d'oeil à l'horloge murale lui rappela son service au BJF. Boulot de merde, pensa-t-il.
Lorsqu'on l'avait envoyé ici, il n'aurait jamais imaginé devoir faire tout ce cirque. Ni que cela sentirait autant le roussi.
Il se dirigea vers le réfrigérateur et examina le contenu. Il avait soif, mais toutes ces bouteilles entamées ne l'inspiraient pas. Avec le rôle qu'il devait tenir, il avait l'impression que même ce frigo n'était pas le sien. Autant se faire du café, se réveiller un peu, pour ne pas avoir l'air d'un mort vivant ce soir...
Il sortait une tasse délicatement ornée d'un kangourou lorsqu'un coup sur la nuque lui fit perdre l'équilibre. Il se brûla la main à la gazinière et se ramassa sur le parquet. Une arme enfoncé dans la nuque, et le genou de son agresseur planté dans le dos, l'empêchèrent de se redresser.
- Un télégramme de Mr Symon, fit une voix féminine. Vous êtes viré. Stop. Quittez la ville ce soir. Stop. Où vous disparaîtrez également. Stop.
Pour plus d'effet, Brenda Hagen cogna la tête de l'homme contre le parquet.
- Je vous conseille d'attendre mon départ avant de battre le moindre cil, Mr Geelong, murmura-t-elle, sinon vous ne danserez plus...

Dana Scully bondit du taxi et sonna au n°30. Weston lui avait parlé du coup de fil qu'il avait reçu de Mulder. De cette stupide maison recyclée en galerie Halloween, qu'il était allé visiter en suivant Geelong - à qui elle allait maintenant demander des explications.
Elle ne fut pas surprise qu'on ne veuille pas lui répondre. Par discrétion elle s'approcha de la porte de derrière, et sortit son arme en voyant qu'elle avait été forcée.
La cuisine était sans dessus-dessous. Une tasse brisée et des gouttes de sang maculait le sol. Elle avançait lentement vers la pièce d'en face lorsqu'elle sentit le canon d'un gros calibre contre sa tempe.
- Lâche ton arme ma jolie, si tu ne veux pas finir en morceaux de choix dans la gamelle du chien, exigea Geelong d'une voix saccadée.
- Agent Scully, dit-elle fermement, mais sans oser bouger.
Le canon s'enfonça davantage dans sa tempe, la faisant grimacer.
- Et moi je suis la reine des fées en pleine représentation, ironisa-t-il en enlevant la protection. Tu aurais mieux fait de ne pas t'attarder...
Dana laissa tomber son arme, qui rebondit avec un son mat sur le tapis.
- Interrupteur à ta gauche, Agent Scully, ordonna-t-il.
Elle obéit et le canon quitta aussitôt son visage.
- Bon dieu! souffla Geelong. Que faites-vous ici?!
Scully ramassa son arme.
- J'enquête ici, vous vous rappelez? Que s'est-il passé?
L'Australien avait le visage tuméfié.
- Symon m'a envoyé une colombe pour m'avertir que j'étais viré, lui apprit-il, se frottant le nez avec un Kleenex.
- Je peux vous examiner si vous voulez, je suis médecin.
- Légiste, oui je l'ai lu, ajouta-t-il, se laissant tomber dans un fauteuil. Alors vous vous occuperez de moi quand je serai mort. Dites-moi plutôt quel bon vent vous amène. Pas la voyance j'espère?
- Mulder a disparu, commença-t-elle pour reprendre le dessus, agacée qu'à cause de Korda, Longster riait autant d'eux que s'ils avaient monté un chapiteau en ville.
- Et alors? fit-il, la tête ailleurs. ( Il avait envie d'un remontant, mais n'avait que de l'alcool de kiwi, proprement dégueulasse. ) C'est pas le bureau des objets perdus ici.
- C'est arrivé alors qu'il vous suivait dans ce que l'on appelle la Maison de Jack.
Ce fut à son tour de se sentir stupide. Il se passa une main sur le front. Le cauchemar continuait, les gens disparaissaient autour de lui, réduisant de plus en plus son champ d'action...
- Vous connaissez cet endroit, n'est ce pas? continua Scully pour le sortir de son mutisme.
- Comme tout le monde ici.
- Vous y êtes pourtant allé pour une raison particulière, j'imagine?
Geelong ferma les yeux quelques secondes.
- Si vous voulez, je peux m'allumer un spot blanc sous le nez pour faire plus interrogatoire. Vous n'avez pas l'air de saisir ma position. C'est moi la victime. Harcelé par les flics, Symon, et maintenant le FBI!
Dana, qui ne raffolait pas des Caliméros de service, détourna le regard vers le capharnaüm de la pièce, qui donnait toute sa saveur au mot célibataire.
- Reconnaissez-vous ceci, demanda-t-elle, montrant une photo des Shurigas.
- Non. Je devrais?
- Il s'agit de symboles australiens.
- Et alors? s'affecta Geelong. Il avait passé ses soirées à étudier la culture Aborigène, pouvait citer le nom de leurs dieux, des endroits mystiques, et elle venait le narguer avec ça!
- Ce sont des messages de mort.
- Et vous me les plantez sous le nez! s'exclama Geelong, les repoussant pour se donner contenance.
Il avait envie de cracher le morceau, de dire que lui aussi venait de Washington. Peter Derns, en mission spéciale, mais il se contenta de regarder pensivement l'agent dans les yeux, comme pour mesurer s'il pouvait se mettre de son côté. D'après ses sources elle et Mulder enquêtaient exclusivement sur le paranormal. Singulier, mais au moins leur but n'était pas de saboter les missions des autres...
- Pourquoi êtes-vous allés dans cette maison? répéta Scully d'un ton glacial, afin qu'il arrête de la fixer.
- Vous connaissez sa réputation, n'est ce pas? Dana hocha la tête.
- Comme il est toujours trop tôt pour désespérer, j'y suis allé dans l'espoir d'obtenir une réponse qui pourrait me sauver la vie. Je ne savais pas que j'étais suivi.
- Vous ne savez pas grand chose...
- Malheureusement... Mais ce n'est pas à moi de trouver des réponses.
Pour résister à la tentation d'en dire trop, Geelong se leva.
- Puisqu'on ne résoudra rien ici, je suis prêt à vous conduire à cette vieille bicoque. Si ça peut aider à retrouver votre collègue...
Devant l'air perplexe de l'agent, il lui tendit son arme, par le canon.
- Tenez, ajouta-t-il, ça vous en fera deux pour me surveiller. Je peux difficilement faire plus, hein...

Motel Jupiter Four, 19h00.
A peine la porte fermée, Brenda se défit de ses vêtements de travail : pantalon et blouson noirs. Pas très original, mais l'idéal pour les tâches ingrates. Convaincu que Geelong était lié aux disparitions, Symon voulait lui mettre la pression, l'esquinter un peu pour qu'il commette une erreur. En temps normal, un de ses hommes se serait chargé du travail, mais ils étaient tous devenu parano.
Elle sourit en se voyant en sous-vêtements dans le long miroir mural, au bout du couloir. Nul doute que Mr Symon trouvait cela jouissif de l'envoyer affronter un homme...
Enfin, il était maintenant au courant que Geelong avait reçu son message. Elle venait de le lui apprendre par téléphone. Cela faisait un moment qu'elle ne rencontrait plus directement ses employeurs. Nécessaire pour se mettre à l'abri des mauvais coups. Mais la plupart du temps, il lui suffisait de lire la presse pour voir les visages de ses commanditaires. Et Mr Symon n'échappait pas à la règle : un vieux monsieur pas très grand, qui, paradoxalement, avait l'air très sympathique. Comme elle. Elle cultivait son apparence pour ne pas refléter la noirceur de ses actes. Ressembler à Mme tout le monde était le meilleur moyen de se faire oublier.
Après avoir rangé ses vêtements avec soin, elle enfila une sortie de bain en coton rose. Puis s'installa devant sa radio. Toujours pas de nouvelle de la voiture du FBI. Mais les choses se précisaient. La femme cherchait comme une malade après son partenaire et était allée trouver de l'aide auprès de l'incontournable Geelong. Voilà qui était distrayant...

Maison de Jack. 19h15.
Geelong freina brutalement devant la grille, et, pendant que Scully s'escrimait à retirer la ceinture de sécurité - le côté passager avait toujours été récalcitrant - il fouilla la boîte à gants pour trouver une torche.
Munie de sa propre lampe, Scully balaya frénétiquement chaque recoin de l'entrée, non sans redouter de découvrir quelque chose de déplaisant. Elle tomba rapidement sur les présents faits au propriétaire : de vieux trucs poussiéreux , parmi lesquels deux enveloppes blanches. Dana les ramassa, empochant celle où Mulder avait écrit 'Curiosity killed the cat, Scully!'
Elle se tourna avec l'autre enveloppe sur Geelong.
- C'est à vous, n'est-ce pas?
L'homme hocha la tête sans plus d'intérêt et examina le grand escalier derrière eux.
- Comment pouvez-vous croire à de telles choses?
- Ecoutez, mademoiselle. J'ai été assez sympa pour vous conduire ici. Cela devrait suffire non? s'indigna-t-il en montant l'escalier. Si vous voyez quelque chose de bizarre, vous n'aurez qu'à crier! ...
- C'est pas vrai, si je mets les doigts dans le nez, elle intervient aussi? murmura-t-il pour lui même.
Pauvre débile, pensa Scully, rejetant l'enveloppe à terre.
L'examen du rez-de-chaussée lui révéla que seul le hall d'entrée portait des traces d'empreintes, assez nombreuses pour se brouiller les unes les autres, mais certaines appartenaient d'évidence à des enfants, et à Mulder.
Elle monta au premier, où il ne semblait y avoir que des empreintes adultes. Elle était en train de soulever du bout des doigts une couverture, lorsqu'un horrible craquement la fit sursauter.
Elle se précipita dans le couloir, où Geelong se relevait avec difficulté d'une chute de plusieurs mètres. Le plancher s'était effondré sous lui, au grenier.
- Rien de cassé? demanda Scully, se sentant un peu bête de ne pas avoir lâché la couverture nauséabonde.
- Non, dit-il en s'époussetant. Pourtant je suis allergique aux chutes... Par contre, ça, ce n'est pas génial, marmonna-t-il, remarquant son jean éventré de haut en bas, qui laissait apparaître une grande griffure sur une jambe parfaitement épilée.
Scully fit de son mieux pour réprimer un sourire et examina le trou du plafond.
- Content de vous amuser, agent Scu... Linus... Dana regarda stupidement la couverture.
- J'ai trouvé ça dans la pièce d'à côté, dit-elle. Un clochard qui n'est pas dans son abri par un temps pareil, ce n'est pas normal.
- Exact, confirma Geelong. A moins qu'il n'y ait une petite fête quelque part... D'ailleurs, vous m'excuserez, mais j'en ai une moi même, ajouta-t-il, se dirigeant vers l'autre bout du couloir.
Embêté que la femme ne le suive pas, il se retourna, plus calme.
- Pour être franc, agent Scully, je ne pense pas que votre ami ait disparu comme les autres. Il ne correspond pas au profil. Et s'il était ici, sa voiture serait devant la maison. Vous feriez aussi bien de m'accompagner au BJF, il faut que j'y récupère des affaires, ce sera l'occasion de vérifier si votre ami n'y est pas...
- Pourquoi faites-vous tout cela? demanda-t-elle, perplexe.
Geelong, l'invita d'un geste à le suivre.
- Je me dis que si je me comporte de façon civilisée dans cette vie, j'aurai plus de chance dans la prochaine.
- Encore de l'humour... se plaignit-elle en avançant.
- Non, sans blague. Comme ça je serais parfait dans ma prochaine incarnation. Un savant mélange d'Einstein et de Clark Gable. Si je vous dit que c'est parce que je vous aime bien, vous allez insister pour rentrer à pied...
Scully se contenta d'esquisser un sourire et de le suivre jusqu'à la voiture.

Chapitre 3

Autre Fanfic :  En Mémoire De...