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Fanfictions


En Mémoire De...  



Basé sur des personnages crées par
Chris Carter
The X.Files / Aux Frontières Du Réel

Prologue.1867, Willamette Point, Oregon.  

La pièce, plongée dans le noir aurait dû le rendre nerveux, mais Guarry était préoccupé par autre chose: pouvait-on condamner un homme parce que l'on ne savait rien de lui?

Son regard se posa sur les silhouette de ses comparses, quatre hommes en livrée noire, qui avait décidé de faire de cette nuit une purification. La table, vaguement éclairée par la lune, témoignait d'ailleurs de leurs intentions: cordes, couteaux, linges découpés en bandes, de quoi faire disparaître un homme.

Tout avait commencé deux ans plus tôt, lors de l'arrivée d'un étranger, Tobias Kemper, dont l'austérité avait soulevé nombre de rumeurs. On racontait qu'il avait été chassé de Salem. Qu'il était le seul survivant du convoi qui l'avait amené vers l'ouest. Pour certains, il avait provoqué une épidémie de choléra, et pour d'autres il aurait mangé du cadavre lors de l'hiver 51, dans les montagnes Rocheuses, alors que son groupe s'y était retrouvé coincé.

Guarry balaya toutes ses suppositions d'un haussement de sourcils. Elles étaient le reflet de l'âme humaine, toujours en quête de démons. Il avait quitté l'Irlande, puis Kansas City à cause d'elles, et les retrouvait dans cette ville nouvelle.

Il était vrai que les disparitions avaient commencé avec l'arrivée de Kemper. D'abord les soeurs Bridgelow, le jeune Hogan... jusqu'au fils Rumfort, 7 ans, dont on n'avait plus de nouvelles depuis 3 jours. Mais dans un pays si rude, aux forêts encore inexplorées et parcourues d'Indiens amers, fallait-il tout faire reposer sur les épaules d'un homme peu bavard? Ou était-ce de la jalousie? Ses complices d'un soir focalisaient-ils sur le mystère Kemper - d'où lui venait son argent? pourquoi avait-il insisté pour bâtir sa maison si loin des autres? - pour s'approprier ses richesses?

Guarry leva les yeux sur l'horloge de Kemper, 23h50, et ressenti l'excitation croissante de ses comparses. Un homme qui rentrait si tard le soir avait forcément quelque chose à cacher... Combien de temps encore fallait-il attendre pour régler cette histoire? Et serait-il de taille à maîtriser tout débordement de ses amis?

*****

Dix minutes plus tard, un couinement sortit Guarry de ses rêveries et ébranla les autres. Ils avaient déplacé la lourde table pour faire face à l'entrée et surprendre Kemper dès son arrivée, mais le bruit était venu de derrière. Et dans l'obscurité qui régnait, il réveillait des peurs enfantines.

Comme les autres, il céda à ses instincts et se précipita vers le grincement. Rumfort avait eu le temps d'allumer une lampe, leur laissant voir le bâtant d'une trappe qui se refermait sous leurs doigts.
Il leur fallut quelques minutes pour venir à bout du bois brut, qui finit par céder sous le poids de leurs talons. Tout se passa ensuite très vite. Rumfort en tête, ils traquèrent les bruits de pas qui les emmenaient de plus en plus loin dans un dédale souterrain. L'odeur était insupportable, du sang à n'en pas douter, mais au lieu de les tétaniser, de leur faire réfléchir à ce qu'ils pourraient trouver au bout de ces couloirs, elle doubla leur volonté de rattraper Kemper - si c'était bien lui qui se trouvait devant eux. Courir, dans l'espoir de ramener le petit Cordell Rumfort...

Guarry ne sut jamais combien d'escaliers ils avaient descendu, ni combien de trappes il avaient deviné. Lorsque ses pieds foulèrent les crânes d'une des nombreuses pièces qu'ils traversaient, sa mémoire - et sur le coup sa raison - l'abandonnèrent.

Ils tombèrent sur Kemper quelques mètres plus loin. Non content de leur fausser compagnie, il voulait aussi emporter avec lui des livres et des fioles, qu'il jetait pêle-mêle dans un grand sac en toile, décoloré par les atrocités qu'il avait connues.
Les quatre hommes se jetèrent sur lui dans un élan de fureur. Lorsque Kemper n'opposa plus de résistance, Rumfort parvint à les calmer. Il voulait le faire parler, comprendre le but de tout ceci. Pour quelle sorcellerie il avait volé tant de vies humaines? Mais Kemper, dans un rire fou, leur déclara qu'ils étaient trop bêtes pour comprendre. Qu'ils auraient dû savoir qu'en s'emparant d'une terre qui ne leur appartenait pas, il fallait se soumettre à ses lois.

*****

Lorsque les hommes sortirent de la maison, le soleil était haut dans le ciel et les villageois s'était déjà convaincus de leur disparition. Pressés de questions, ils se contèrent de dire qu'ils avaient forcé Kemper à quitter Eugène, et qu'ils avaient fouillé sa maison, sans rien trouver.

A la vérité, après avoir ligoté Kemper, leur curiosité les avait poussé à explorer les tunnels, et leurs découvertes les avaient changé à tout jamais: des générations de squelettes, dont les lambeaux de vêtements indiquaient qu'ils étaient pour la plupart Indiens. Seul le parapluie de dame encore attaché à des phalanges blanchies et une paire de chaussures, taille 32, étaient plus révélateurs...

Agissant toujours comme un seul homme, le quatuor avait utilisé toutes les lampes pour incendier les possessions de Kemper, puis, alors que l'homme les injuriait, ils l'emmurèrent vivant. Travail qui prit plusieurs heures, pendant lesquelles Kemper n'arrêta jamais son chapelet de malédictions.

Il criait encore le lendemain lorsque Guarry revint dans le sous sol de la maison, vérifier si leur ciment tenait toujours, et s'il n'avait pas rêvé les événements de la veille.

Chapitre I  

20 Octobre 1994, Washington DC
De retour dans le bureau de Mulder, après la pause déjeuner, Dana Scully réfréna son Xième soupir de la journée. Son collègue n'avait pas changé de place. Il était toujours devant son bureau, à éplucher des revues collectionnant les bizarreries de ce monde.
Si elle devait passer l'après-midi devant ça, autant remonter à la cantine, dans le monde des vivants...
- Alors, tu as trouvé quelque chose d'intéressant? demanda-t-elle ... Je vais te dire, tu prends le premier article, et on ouvre une enquête, c'est simple.
- Skinner ne veut pas disperser son personnel pour rien, marmonna-t-il. Il faut une affaire qui ait des implications récentes. Du sang frais quoi...
Le téléphone sonna. Mulder brancha le haut parleur.
- Salut Mulder. Byers. Une maison hantée, ça t'intéresse?
- Dis toujours.
- L'amie d'un ami vient d'acheter une maison qui pose problème. Deux ouvriers y sont morts la semaine dernière. Aiguillée dans le trip fantômes et compagnie, elle a fait des recherches, et a découvert qu'elle traîne une sale réputation depuis des siècles. J'ai aussi un pote, photographe, sur le coup.
- Tu veux dire Frohike?
Scully qui s'ennuyait trop pour cacher sa curiosité, haussa un sourcil. Elle était loin d'être en adoration devant l'équipe des Bandits Solitaires.
- Non, reprit Buyers. Un ancien collègue de bureau, maintenant installé dans l'Oregon.
- Hum, fit Mulder, qui savait vaguement que Buyers travaillait chez Ranx Xerox. Son nom?
- Appleton. Un chasseur de fantômes. Quand il m'a dit qu'il enquêtait sur cette maison, j'ai pensé à toi. Ca pourrait disons, officialiser un peu son boulot... Je te faxe un article et on se recontacte?
- Ca marche.

- On va enfin pouvoir respirer! lança Mulder, faisant pivoter son siège vers le fax.
Un bip signala l'arrivée de la page promise par Buyers.
Esprits infernaux à Willamette Point? fut le gros titre qu'ils virent apparaître.
Mulder lut le papier avec soin, puis le tendit à Scully.
- Il faudra que tu examines les corps des deux dernières victimes, ajouta-t-il en se levant, à la recherche d'un livre sur le sujet.

Scully regarda la date de l'article. Il n'était heureusement que du 18 Octobre. Autopsier faisait partie de ses attributions, mais l'état de putréfaction était un extra dont elle aimait se passer. Quand aux lignes qui suivaient, elles étaient loin d'être convaincantes : une énumération de morts mystérieuses depuis l'arrivée des premiers colons dans cette région. Plus un fait était ancien, plus il était douteux... Et elle imaginait déjà le résultat de l'autopsie : crise cardiaque. Mais tout semblait mieux que de rester confinée ici.

- Les oncles de Casper vivent donc dans l'Oregon? ironisa-t-elle. Mulder sourit pour la première fois de la journée..
- Tu t'imagines, une grande maison rien que pour nous!
- Parce qu'on va y loger le temps de l'enquête?
- J'y compte bien. Ce sera plus facile pour détecter les phénomènes. Par tradition, les fantômes se manifestent souvent la nuit. Mais comme tu n'y crois pas, tu n'as aucune raison d'avoir peur...

23 Octobre, 18h30. Aéroport d'Eugene, Oregon.
A leur arrivée à l'aéroport, Mulder chercha anxieusement dans la foule un visage qui serait intéressé par deux passagers venant de Washington D. C. Il en trouva un rapidement qui arborait un carton à leurs noms. Kent Appleton, à leur service. Tellement qu'il s'empara de la valise de Scully, et les dirigea vers le parking, balayé par une pluie digne de la région.

Leur guide était plus petit que Mulder, mais c'était ses sourcils noirs, très épais, qu'on remarquait d'abord. Quelque soit son attitude, ils lui donnaient un air... amusé. La quarantaine, il portait un bonnet bleu qui ne lui allait pas. Un jean délavé, des baskets, plus un blouson noir et rouge à ses initiales achevant de lui donner un air décontracté.
Il avait une petite Volswagen rouge éclatante dans laquelle il fut difficile de caser passagers et bagages. Lors du démarrage, le moteur, pourtant bruyant, ne parvint pas à couvrir la radio qui entonna un titre de Madonna remixé façon disco.
- Holà, elle va se calmer la petite, fit Appleton en arrêtant ce vacarme.
- Vous avez déjà fait un peu de prospection dans la maison? demanda Mulder à côté du chauffeur.
- Juste le temps d'y déposer quelques affaires. Mais je n'ai pas vu de fantômes.
- Il paraît qu'ils se manifestent la nuit, se moqua Scully.
- J'en ai déjà rencontré qui adoraient faire du tapage matinal, répondit Appleton. Leurs effets doivent dépendre de leur humeur.
- Je vois que vous êtes un connaisseur, répliqua Scully.
- J'aime le prétendre...
- Et que pensez-vous de cette maison? demanda Mulder.
- Si on s'en réfère à son passé, elle est coriace. Mais vous savez, le schéma est toujours le même : les lieux sont hantés par un esprit qui veut quelque chose. Et dans la plupart des cas il s'agit d'une sépulture décente. A mon avis une fois que nous aurons trouvé l'identité de la personne qui hante cette maison, et dans quelles conditions elle est morte, l'affaire sera réglée. Et avec de la chance, entre deux nous auront de bons effets.
- A vous entendre ça va être du gâteau, pourtant il y a récemment eu deux morts, continua Mulder.
- C'est vrai, mais on ne sait pas ce qu'ils ont fait. Ils ont peut-être défié la présence... Il ne faut pas plaisanter avec ces choses-là. Allons donc, pensa Scully, comme si elle n'avait pas assez de la crédulité de Mulder, elle faisait maintenant équipe avec un maître ès fantômes.
- Je suppose que les deux victimes se trouvent à la morgue? demanda-t-elle.
- Elle doit s'y rendre pour examiner les corps, expliqua Mulder.
- Oh... Moi je préfère mille fois voir un fantôme qu'un cadavre... Il doit y avoir une carte dans la boîte à gants, ça nous dira où se trouve ce charmant endroit.
Mulder s'exécuta.
- 124 Roses Street, dit-il.
Appleton jeta un oeil sur le plan.
- De l'autre côté de la ville alors. Dommage, on était presque arrivé.
- Vous pouvez toujours me déposer, dit Mulder. Cela me permettra de me faire une idée de l'endroit.
- Mulder, protesta Scully, je ne suis pas sûre que cela soit prudent, il pourrait y avoir quelqu'un.
- C'est justement pour ça que nous sommes là. Déposez-moi, confirma l'agent.
- Mulder, je suis sérieuse. Tu ne considères que l'issue paranormale, mais rien ne le prouve. Le problème de cette maison pourrait bien être matériel.
- Scully, il se passe des choses étranges dans cette maison depuis des siècles, la réponse ne peut être que paranormale.

Dana soupira, et quelque minutes plus tard la maison fit effectivement son apparition. Elle était entourée d'un grand jardin, lugubre à cause de la saison. A l'une des extrémités se trouvait un saule pleureur, le seul arbre à ne pas être dépouillé de ses feuilles. Il était éclairé par un lampadaire, qui, à moitié caché par les branches, donnait un air vert maladif à cet endroit.

- Ravissant, dit Mulder, si cela ne ressemble pas à une maison hantée...
- Vrai, une touche de brouillard et ce serait parfait, ajouta Appleton.
- Si je vois quelque chose d'étrange, je vous raconterait, continua Mulder, amusé, avant de descendre et de prendre sa valise.
La voiture ne redémarra que lorsqu'il eut escaladé la volée de marches menant à la porte.

*****

Mulder posa sa valise à l'entrée déjà encombrée de plusieurs sacs, et se fit un devoir d'explorer la maison. Une façon de prendre de l'avance sur les autres. Au premier abord, la seule chose qu'il ressentit, fut que cet endroit n'avait rien de particulier. Il s'était imaginé que l'atmosphère aurait eu quelque chose de spécial, qu'elle lui aurait fait sentir qu'il n'était pas le bienvenu. Mais peut être avait-il vu trop de films...

La décoration était stylée, mais trop surchargée à son goût. Il y avait des tableaux partout, des meubles massifs couverts de bibelots. Un paradis pour poltergeists. Les fauteuils, classiquement recouverts d'un drap blanc, procuraient la seule touche de mystère à l'ensemble.

Il n'était pas stressé, mais sursauta lorsqu'une pendule sonna 19h00. Le rez-de-chaussée n'ayant rien d'exceptionnel, il monta au premier. Les escaliers arboraient quelques portraits de famille, assez antipathiques pour espérer que le peintre, ne maîtrisant pas assez son art, ne leur avait pas rendue justice. Il y avait six chambres, quasiment identiques. Il ne s'y attarda pas lorsqu'il remarqua une trappe au plafond, donnant sur un grenier.

*****

L'entité se réveilla, faisant craquer quelques meubles. Un nouvel intrus s'était introduit à l'intérieur. La conscience poussa ses ramifications le long des murs, dans les parois creuses, pour mieux définir l'inconnu. Masculin, d'un bon poids. De quoi se sustenter pendant des semaines...

*****

Dana quitta la morgue satisfaite. Il n'y avait rien de bizarre sur les cadavres, ce qui la confortait dans l'idée qu'il n'y avait pas plus d'esprits malins dans cette maison que d'extraterrestres dans Central Park. Elle pressa le pas vers la Coccinelle, se protégeant le visage de la pluie avec fichier plastifié. La portière étant verrouillée, elle frappa à la vitre avec impatience, faisant sursauter un Appleton assoupi.

- Verdict? demanda-t-il une fois qu'elle fit au sec.
- Crise cardiaque et rupture des vertèbres, récita-t-elle. Il s'agit donc de deux accidents. D'après le rapport, les deux hommes ont été trouvés dans les escaliers. Le premier aura fait une chute, et le second une crise cardiaque suite à la mort de son camarade.
- Le tout est de savoir pourquoi... fit Appleton en démarrant.
Scully lui lança un regard interrogateur.
- Il faut bien que le premier homme ait eu une raison de se tuer dans les escaliers.
- Je ne savais pas qu'il fallait un motif pour tomber, contra-t-elle, agacée par le chuintement des essuie glaces, qui peinait pour chasser l'eau du pare-brise. Les deux hommes ont très bien pu avoir une discussion houleuse, peut-être se chamaillaient-ils...
- Pourquoi, leur dossier dit aussi qu'ils étaient pédés? s'enquit Appleton.
- Les mâchoires serrées, Scully préféra garder le silence et fit semblant de consulter son fichier. Mais Appleton n'abandonna pas.
- Sinon, vous n'avez rien remarqué de bizarre sur leurs corps?
- Rien que des petites blessures dues à leur profession, répondit-elle, sans relever les yeux.
Cette fois-ci Appleton comprit et la laissa tranquille, lui donnant tout le loisir d'essayer de deviner, à travers le rideau de pluie, s'ils arrivaient bientôt à la maison.

*****

En ouvrant la porte Dana s'attendait à être accueilli par Mulder, mais elle ne buta que sur un amas de bagages.
- M. Mulder? appela Appleton, juste derrière elle.
Pas de réponse.
Un haussement de sourcil dénotait son étonnement, mais sa physionomie ne lui donnait que l'air amusé. Connaissant mieux les lieux, il dépassa Scully.
Le manque de bruit l'inquiétait. Il appela de nouveau. Toujours rien. Après avoir inspecté le rez-de-chaussée, il escalada les escaliers quatre à quatre, précipitation qui provoqua un effet de mimétisme chez Scully. Ils virent tout de suite la trappe ouverte et empruntèrent l'escabeau. La lampe torche de Mulder, tombée à terre - trouvaille de mauvais augure - rendit service à Appleton, qui se voyait déjà tâtonner dans le noir.

Mulder gisait, inanimé, sur le sol. Sous l'effet de la lumière, il se réveilla en gémissant, et les regarda hébété. Il remarqua en même temps qu'eux que ses paumes étaient couvertes de minuscules lacérations. A en juger par la douleur qu'il éprouvait, il devait en avoir sur tout le corps. Appleton éclaira le visage de l'agent, vérifiant ce que Scully pressentait : les marques étaient également présentes sur son visage. Ils échangèrent un regard, se rappelant leur conversation au sortir de la morgue: les blessures des ouvriers...

- Que c'est-il passé? demanda-t-elle.
- Je ne sais pas, j'ai dû glisser...
Scully haussa un sourcil. On ne s'égratignait pas comme ça en tombant. Après que Mulder se fut relevé avec leur aide, Appleton dirigea la torche vers le sol, puis le plafond, où tous les regards se portèrent. Mulder tendit la main pour toucher les poutres. Du bois sec, tout ce qu'il y avait de plus normal.
- Je vais regarder tout cela d'un peu plus près, dit pensivement Appleton, éclairant les autres recoins de la pièce.

*****

Lorsqu'Appleton descendit, les agents étaient assis dans la salle à manger. La femme pianotait sur un portable.
- Comment allez-vous? demanda-t-il à Mulder, s'installant face à eux.
- Pas si mal, mais je déteste mon nouveau look.
Il était en effet zébré de petits traits roses, donnant l'impression d'être affligé d'une maladie de peau.
- Vous avez trouvé quelque chose? s'enquit Scully.
- Si on veut, répliqua Appleton, retirant son bonnet en signe démonstratif. Pas de poussière, ni de toile d'araignées. Cette propreté est suspecte. Lorsque je laisse mon appart' deux mois, quand je reviens c'est presque Arachnophobie, mais ici il n'y a rien. Vous avez vu des insectes, vous?
- Non, dit Scully, enlevant ses lunettes pour se donner une certaine contenance. ( Pour le moment, elle était surtout intriguée par l'étonnante coiffure de son interlocuteur. Trop courte, très mal coupée. Cela accroissait l'effet de ses sourcils et la confortait dans l'idée que tous ceux qui travaillaient pour le Bandit Solitaire avaient quelque chose de bizarre. ) Mais nous n'avons pas cherché non plus.
- Cela tendrait à prouver que ce ne sont pas des bestioles qui m'ont laminé, conclut Mulder.
- Je ne trouve pas cela des plus rassurant, dit Scully.
- Malheureusement, tu as raison. Habituellement, quand les petites bêtes disparaissent, c'est qu'une plus grosse les a dévoré.
Le silence s'installa entre eux.
- Et si on mangeait quelque chose? demanda Appleton pour chasser la mauvaise ambiance.
- Subtile transition, fit Mulder. Qu'avez-vous à nous proposer?
- Sandwiches et Coca.
Il se baissa vers un sac glissé sous la table et exposa sa collection. Thon - salade, jambon - fromage, poulet - Ketchup. Il y en avait bien trois de chaque, et une grosse bouteille de Coke.
- Je vois que j'aurais dû venir avec ma cantine, fit Scully. Je vais voir si je peux trouver des verres.

Mulder retira l'emballage Cellophane d'un sandwich poulet.
- J'ai vu que vous n'étiez pas venu les mains vides, commença-t-il avant de mordre dans son pain.
- Hum. Caméras de surveillance et tout le toutim, pour avoir des preuves en cas de présence paranormale, expliqua Appleton.
- Et vous en avez déjà eu?
- Une fois des formes bizarres dans la farine. J'en répand toujours dans les couloirs principaux. Une façon de détecter les canulars. Si un fantôme chausse du 44, je suis fixé.
- Et c'était quoi ces traces?
- Comme des traces de doigts, toutes droites, expliqua Appleton en glissant deux doigts sur la table. Mais il n'y avait pas d'empreintes de pas. Il aurait fallu un lutin en delta plane pour faire un truc pareil, et ça j'y crois pas trop.

Scully revint de la cuisine à ce moment, munie de trois verres à pieds nacrés et de couverts en porcelaine fine. Manger aussi mal dans un cadre si luxueux faisait aussi partie des choses étranges de cette maison.
- Alors, tu ne t'es pas fait agresser par l'abominable monstre du placard? plaisanta Mulder.
- Non, dit-elle froidement, reprenant sa place.
- Il n'y a rien de ridicule à avouer que l'on a été victime de quelque chose d'étrange, dit Appleton.
Dana le détailla de nouveau. Ses sourcils froncés ne contribuaient qu'à lui donner l'air heureux. Comment prendre un homme pareil au sérieux?
- Par contre, il est ridicule de vouloir faire croire à tout prix qu'on a été confronté à un événement bizarre, répondit-elle. Et puisqu'on est là pour une histoire de fantômes. Ce n'est pas parce que l'on voit notre arrière-grand-mère que son esprit est effectivement là. C'est une réaction du cerveau lorsqu'il est coupé du monde extérieur, ou encore lorsqu'il est émotionnellement touché.
- Certes, convint Appleton. Le meilleur moyen de savoir si on a affaire à un fantôme, c'est d'être plusieurs à le voir.
- Encore que les hallucinations collectives existent, enchaîna Dana.
- Scully, reprocha Mulder. Pourquoi être sceptique avant même d'avoir eu la moindre preuve de ce qui se passe ici?
- Pour ne mettre aucune piste de côté. Et puis il faudrait peut-être déjà trouver un fantôme. Jouer aux contes de la crypte c'est bien un temps...
- C'est vrai qu'à part l'incident de Mulder tout est calme ici, reconnu Appleton. J'ai déjà eu des maisons où l'atmosphère était tout de suite pesante, malsaine. Mais ce n'est pas le cas ici.
- Alors puisque tu es si supérieurement intelligente à nous, Scully, quelle est ta théorie?
Dana le fixa dans les yeux. Elle détestait lorsqu'il l'a défiait, surtout en présence d'une tierce personne.
- Je soupçonne un complot immobilier. Cette maison est ancienne et a donc de la valeur. Elle intéresse probablement quelqu'un.
- Mais elle est restée plusieurs années fermée, fit remarquer Appleton, de son air toujours aussi jovial.
- La personne qui convoite cette maison n'a peut être pas les... moyens de se l'offrir, termina Dana, perturbée par le fait que son collègue ne semblait pas l'écouter. Quelque chose ne va pas Mulder?
- L'heure! s'exclama-t-il.
- 21h00, répondit-elle, surprise.
- Non, sur la pendule. En arrivant j'ai sursauté lorsqu'elle a sonné 19h00. C'était juste avant de monter au grenier. Or elle n'a plus sonné depuis.
- Un caprice de vieille maison, dit Appleton, déjà penché sur l'horloge, qui se trouvait juste derrière lui. Cette pendule est cassée. A moins qu'elle ait donné son coup de grâce pour vous tout à l'heure, il s'agissait d'une hallucination auditive. C'est intéressant à savoir. Même si ce n'est jamais un bon présage pour une personne d'entendre les derniers coups d'une pendule...
Mulder examina l'horloge puis se redressa.
- Je ne suis pas trop pour les superstitions moi. C'est trop restrictif. On ne peut pas avoir de chat noir, se balader lors de la pleine lune, ouvrir un parapluie chez soi...
- Vrai, acquiesça Appleton. En plus tout ce qui est déconseillé fait envie... Mais je pencherais plutôt pour une action directe de la maison. Toutes les habitations ont une âme, conférée au fil du temps par ses locataires. Une sorte de mémoire collective inscrite dans les murs, qui se déclenche souvent dans les maisons hantées. C'est à ce phénomène que l'on doit cette image populaire du fantôme tirant ses chaînes. Un esprit, ou une mémoire, emprisonnée...
Le délire... pensa Scully, en les observant. La seule chose que lui aurait confirmée cette journée, était que l'impression que les choses ne pouvaient jamais être pires, était toujours fausse. S'ils étaient restés à Washington, à cette heure-ci elle serait tranquillement chez elle. Loin des élucubrations de ces deux phénomènes.
- D'accord pour cette pendule, continua Mulder, mais dans le grenier je me suis fait attaqué par quelque chose. Comment un souvenir peut-il avoir une action matérielle?
- Une forme de télékinésie, Mulder, chapitra Scully avec un grand sourire, qui trahissait à quel point elle était excédée. Le Grand Livre du Savoir Paranormal. A la lettre P : poltergeists.
- Oui, fit Mulder sans se démonter. Mais les poltergeists sont brutaux . Une forme d'énergie mal contrôlée. Mes marques ne font pas penser à quelque chose de violent. C'est comme si des centaines de petites pattes m'avaient effleuré.
- Mais il n'y a pas d'insectes ici, contra Appleton. Et j'ai du mal à imaginer un monstre mille pattes tapi dans un coin de la maison. Pour moi il s'agit d'une force immatérielle, qui s'expliquera lorsqu'on en saura plus sur le passé de cet endroit. J'irai en ville demain pour me renseigner.
- Vous auriez dû commencer par là, reprocha Scully.
- Je n'en ai pas eu le temps agent Scully. Je viens juste d'arriver de Yakima.
- Je croyais que vous habitiez dans l'Oregon.
- Portland, oui. Mais j'étais en mission.
- Une forêt enchantée, peut-être? Ou une apparition d'elfes en centre ville?
Vexé, Appleton se leva. Ses traits ne lui donnèrent que l'air surpris.
- Si le FBI n'y voit pas d'inconvénient, mon entreprise m'y envoie régulièrement pour des stages de remise à niveau. Le monde de la photographie avance beaucoup plus vite que la compréhension humaine... Agent Mulder, vous voulez bien m'aider à brancher mon matériel?
Mulder opina et suivit le photographe.
- Appleton 1 - Scully 1, murmura-t-il, passant à hauteur de sa partenaire.

Scully se leva, tâta les sandwiches et en prit un au jambon. Se souvenant qu'elle n'avait rien bu depuis le jus d'orange de la compagnie aérienne, elle attrapa la bouteille de Coca. Ni allégé, ni décaféiné, bien sûr...

Lorsqu'elle monta au premier, Appleton était occupé à poser deux caméras dans le couloir menant aux chambres.
- Comme ça on pourra dormir tranquille! lança-t-il. Les esprits ont horreur de laisser des traces.
Dana haussa un sourcil à cette idée stupide et fit attention de ne pas marcher sur la poudre blanche déversée par le «spécialiste».

La tête de Mulder apparut dans l'encadrement de la dernière porte.
- Nous t'avons réservé la chambre du milieu, la plus confortable, dit-il en sortant, une trousse de toilette sous le bras. Tu trouveras ta valise sur le lit.
- Tant de considérations, il ne fallait pas...
- C'est la moindre des choses... A tout dire, il n'y a qu'une salle de bains, au rez-de-chaussée, pas d'eau chaude, et les toilettes se trouvent à l'extérieur. Alors autant que tu dormes bien.
- J'espère au contraire rencontrer tous les fantômes de la rue, pour en finir au plus vite, Mulder.
Sur ce, elle entra dans sa chambre. S'adossa quelques secondes contre la porte, puis se tourna pour mettre le verrou. Il n'y en avait pas. Elle soupira et contempla ses quartiers : froids, spacieux. Papier peint fleuri et décati, parquet en bois, nu, qui couinait à chaque pas. Literie d'un blanc cassé, imposé par les années.

Elle se dirigea vers la fenêtre, donnant sur une nuit noire. Le vent s'était levé et il pleuvait toujours. En bas, une silhouette attira son attention. Mulder, recroquevillé par le froid, courrait rejoindre un amas de planches, à peine visible de sa position.
- Ca, c'est moi dans 20 minutes, marmonna-t-elle. Bienvenue à l'âge de pierre...
Elle tira sur les couvertures pour éviter toute mauvaise surprise, puis ouvrit sa valise.

Chapitre 2

Autre Fanfic :  Lusus Naturae