Ma Troisième Dactylo

Aussitôt revenue au Québec, une de mes premières préoccupations fut de me trouver une autre dactylo. Cette fois-là, j'avais 21 ans, et j'étais parfaitement en mesure de magasiner, de comparer et de marchander. C'est ainsi que j'en arrivai non seulement à dénicher une super dactylo, mais une véritable perle rare. Ma dactylo actuelle, baptisée Béatrice, est une IBM Selectric II, un modèle de dactylo créé par IBM dans les années soixante et considéré comme le modèle de dactylo le plus fiable et le plus solide au monde. C'est même la dactylo utilisée par la secrétaire de J.R., dans la célèbre série télévisée *Dallas*! Ces classiques ne se vendent plus à l'état neuf depuis longtemps et sont difficilement dénichables même à l'usagé du fait que leurs propriétaires en sont généralement si satisfaits qu'ils ne veulent pas s'en départir, mais comme ils sont encore modérément utilisées dû à leur grande longévité, leurs rubans et accessoires ne sont nullement difficiles à trouver. Je l'ai achetée chez Mino, dans le Vieux-Québec (près du Omer DeSerres), je l'ai payée 200$ comprenant deux *boules* (sur ces modèles, il faut installer des boules, sortes de demi-sphères en métal, pour changer le font), *Artisan* et *Manifold*, 5 rubans à écrire et 3 rubans à effacer. Comme elle pèse 40 livres, je l'ai fait livrer. La Selectric est disponible en plusieurs couleurs, dont les principales sont noir, gris et bleu. La mienne est bleue, à touches grises à lettres blanches (comprenez-vous enfin le rapport des couleurs là dans mes rubriques Dactylo?). C'est une manuelle électrique, c'est-à-dire qu'elle fonctionne à l'électricité mais que plusieurs réglages, fixés électroniquement dans les modèles plus récents, doivent être arrangés à la main, comme les tabs de fin de ligne, l'interligne, etc. Cette dactylo est la meilleure machine que je n'aie jamais eu en ma possession. Les touches ne sont jamais coincées et offrent une frappe smooth au possible. On n'a qu'à les effleurer. La frappe est modérément bruyante, mais j'aime mieux ça que la petite Canon silencieuse qui moffait tout. Elle ne fait pas *bip* à la fin de la ligne, mais un authentique *ding* qui réchauffe le coeur. Elle évite aussi tout débordement, puisque le cran manuel de fin de ligne empêche de continuer à taper passé la marge, alors que sur plusieurs dactylos automatiques, le *bip* se fait entendre, mais la frappe peut continuer si la personne est distraite et, comme je suis souvent assez passionée par mes écrits, il m'est arrivé souvent, avec la Canon, de ne pas entendre le bip et de continuer à écrire à l'extérieur de la feuille (sur le rouleau de la dactylo!!). Le changement du ruban est salissant mais plutôt simple, sauf pour le ruban d'effacement qui est un peu compliqué, mais on y arrive. Béatrice est une dactylo qui a besoin d'être réchauffée, comme un char l'hiver, car si on tente de s'en servir juste après l'avoir ouverte, elle couvrira la feuille de tirets, avec le bruit d'une mitrailleuse en furie. Après 5 ou 10 minutes, elle ronronne et est prête à faire une job impeccable. Les boules sont très faciles à changer (on n'a pas à l'éteindre ni même à ouvrir le couvercle) et l'impression est très nette, étonnant pour une machine de cet âge. Les rubans coûtent environ 8$ chaque et chacun me dure environ 2-3 mois (il faut bien sûr prendre en considération que je suis une personne qui écrit énormément; j'estime qu'un de ces rubans, qui sont très bien remplis, durerait à la moyenne des gens environ un an). Cette machine a aussi connu sa part de voyagement c'est-à-dire qu'elle me suivit à Vancouver en Décembre 1998, et quelle ne fut pas mon horreur quand il s'avéra que 3 de mes boîtes étaient "perdues" par les déménageurs, et que celle contenant Béatrice, enveloppée dans des couvertures et une grosse épaisseur de foam, était de celles-là! Elle a donc fait un détour imprévu au Nouveau-Brunswick avant de m'être finalement livrée au #703, 1952 Comox St. (et une chance). Ensuite, elle a fait le voyage de retour avant de me suivre ici, sur de la Couronne. Elle trône sur mon bureau dans le salon et je m'en sers à tous les jours. C'est, avec mes journaux, quelques lettres et souvenirs du genres, l'un de mes biens les plus précieux et si j'avais un choix à faire dans un incendie par exemple, elle l'emporterait haut la main bien au-dessus de mon ordinateur, bien que j'aie payé ce dernier plus de 10 fois plus. Cette dactylo est très spéciale pour moi et j'espère qu'elle fonctionnera le plus longtemps possible.

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