Site hosted by Angelfire.com: Build your free website today!

Ma Deuxième Dactylo

Après avoir constaté l'extinction définitive de ma dacty si chère à mon coeur, je me résolus à la remiser sous mon lit et à partir, cette fois seule et par moi-même, à la recherche d'une autre dactylo. J'allai donc au point de départ qui m'apparut évident, chez Sears. Je constatai que le stock de dactylos avait grandement baissé (il est dommage que ces machines-monuments soient malheureusement de nos jours en voie d'extinction, depuis l'apparition de l'ordinateur, qui, malgré son utilité indéniable -avec quoi je ferais ces pages sans ça?-, ne remplacera jamais une machine qui ronronne, qui tape, qui bloque et qui tache les doigts d'encre, qui imprime les lettres sur le papier avec la force ou la douceur de celui qui actionne les touches... je trouve énimemment regrettable que les prochaines générations, qui apprennent à se servir d'un ordi à 3-4 ans, ne connaîtront peut-être même pas le sens du mot "dactylo") et, après de longues délibérations et devant le peu de choix de machines Brother disponibles, je me décidai pour une Canon (la pire erreur de toute ma vie....). Vous vous dîtes sûrement que j'aurais pu magasiner plus que ça, mais il faut aussi vous dire que j'avais 14 ans, et il vous faut prendre conscience que je vivais à Lévis et que pour moi Québec était encore une bien grande jungle, qu'il n'y a pas grand magasin vendant des dactylos à Lévis et que déjà pour une petite fille de 14 ans pesant moins de 100 livres à l'époque le fait d'avoir à transporter une dactylo dans sa boîte en autobus du centre d'achats à la traverse puis quinze minutes à pied de la traverse à chez moi en plein hiver ne fut pas de tout repos, je ne me serais pas vue le faisant prenant 3 autobus + le traversier et me perdant dans le traffic à Québec. Bref j'achetai cette Canon qui allait me faire décupler mon vocabulaire de sacres..... Elle était grise pâle à touches grises pâles et noires, avec une tonne de petits gadgets modernes (ce qui m'avait poussée à l'acheter au départ). On pouvait même monter ou descendre d'une demie-ligne, elle faisait *bip* à la fin de la ligne et *bip-bip-bip-bip* à la dernière ligne de la page, elle avait le "reloc", le centrage vertical, etc etc. Sauf que ça ne marchait pas bien dans sa petite tête. Dès la deuxième année de service, elle donna des signes de malfonctionnement; s'arrêtant ou sonnant pour rien, se bloquant et ne repartant que quand je tapais dessus, etc... La touche 2 se dérégla un jour et je fus un bout de temps sans pouvoir utiliser ce chiffre, puis cela revint tout seul. Ensuite, les problèmes continuèrent. Des touches se bloquaient ou la dactylo refusait d'écrire en se mettant à sonner pour rien. Le fait que je renverse une pleine coupe de bière sur le clavier à Noël 1996 n'aida sûrement pas son cas et provoqua le bloquage de la touche G, qui se bloquait parfois totalement, couvrant la page de Gs à ma plus grande frustration. L'effaçage cessa de fonctionner en 1997, ce qui rendait donc le problème du G encore plus criant. Chaque mot contenant la lettre g devenait un risque potentiel de devoir recommencer la page au complet. Je ne sais, quand j'y repense, comment j'ai pu endurer ces désagréments pendant si longtemps. Cette dactylo m'avait suivi lors de mon déménagement à Vancouver en Juin 1997 et fut installée sur ma petite table de travail dans mon deuxième appartement au #11B, 1425 Haro St. Taper sur cette machine était devenu un véritable combat, si bien qu'à la fin même le système de frappe se détériora au point que le ruban ne pouvait plus être frappé par les lettres et c'est en me servant de papiers carbones que je dûs terminer laborieusement l'écriture de mon roman in the works à l'époque, "Cab Ride". Aussi, lorsque je décidai de revenir au Québec au Printemps 1998, j'étais bien décidée à ne pas m'embarasser de cette cochonnerie. Un beau matin du mois de Mars 1998, alors que le départ approchait et que je m'étais bien assurée que je n'avais plus rien à taper avant de partir, je sortis par la porte arrière de mon building, dans l'allée du côté de Robson St. et, armée d'un marteau vengeur, je m'en donnai à coeur joie à démolir la saleté de machine qui m'en avait tant fait baver. Elle fut réduite en morceaux en moins de deux et gladly jetée dans le container nearby. Ce fut en quelque sorte un meurtre, mais la pauvre qui souffrait d'arthrite chronique, de Parkinson et de tous les maux de la terre devait m'en remercier intérieurement au fond. J'en ai quand même gardé un morceau.. on s'attache à n'importe qui qu'on a côtoyé aussi intimement pendant 7 ans, même un aussi grumpy fellah.

Suite >>

<< Précédent