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Premier extrait de Destinées

Une classe. Une sur douze.

Rémy Gaucher songea qu'il faudrait vraiment jouer de malchance pour qu’il s’agisse de la classe de deuxième année dans laquelle se trouvaient les filles de ses amis.

Le journaliste, accompagné du cameraman, arriva à l'école Sacré-Coeur immédiatement après un confrère de la presse écrite. Les policiers avaient délimité un vaste périmètre de sécurité et la lutte commença : les reporters arrivaient en nombre et étaient à l’affût des toutes dernières informations, les primeurs. Le relationniste de la police leur expliqua qu'un homme, armé d'un fusil de chasse, retenait en otage une classe de deuxième année. Un coup de feu avait été tiré avant que l’évacuation du reste de l’école ne soit complétée et le forcené jurait qu'il allait tuer des enfants si quiconque tentait de le déloger de la classe. Il n'avait pas encore déclaré ce qu'il exigeait en échange de la libération de ses petits otages et refusait de répondre lorsqu’on lui demandait si quelqu’un avait été blessé par le coup de feu. Les policiers chargés de la négociation tentaient de prendre contact avec lui, ce qui était difficile car l’homme décidait des moments où il utilisait son cellulaire.

Rémy, fébrile, fut le premier à mettre la main sur la liste des enfants inscrits dans le groupe touché. Le policier demanda aux journalistes de ne pas la divulguer tout de suite. Les autorités de l'école mettaient tout en oeuvre pour prévenir les parents des enfants concernés, mais tous n’avaient pas encore été rejoints.

Le cameraman de la Chaîne nationale d’information vit son partenaire blêmir en parcourant la liste de noms.

- Les deux petites sont dans cette classe... murmura Rémy Gaucher. Je dois téléphoner à Mathieu et à Valérie.

Il saisit son téléphone cellulaire et composa le numéro de la boutique de Valérie. Son employée lui apprit qu'elle venait de quitter après avoir reçu un coup de fil.

Rémy en déduisit qu'un professeur ou un directeur de l’école l’avait rejointe avant lui.

Il appela donc à l’hôpital où travaillait Mathieu et dut insister fortement pour que l’infirmière accepte de déranger le médecin. Il eut beau jurer qu'il s’agissait d’une question de vie ou de mort, on lui répliqua tout bonnement que si le docteur Tourigny s’éloignait du polytraumatiséqui venait tout juste d’arriver, il serait aussi question de vie ou de mort pour cette personne.

Rémy ne croyait pas que la patience était une vertu; aussi répliqua-t-il qu'entre la vie d’un patient et celle de sa fille, le docteur Tourigny n’hésiterait pas à choisir celle de sa fille.

Le journaliste songea que, sauf en de rares exceptions, s’attaquer à un enfant était la façon la plus efficace d’atteindre un adulte. Un système entier pouvait être remis en cause s’il arrivait malheur à un enfant. Un bébé, une fillette, un garçonnet, c’était l’innocence, la pureté, la dernière richesse d’un univers en dégradation constante. Dans un monde où de plus en plus de bombes explosaient, où on tuait pour quelques grammes de poudre blanche, où de plus en plus de tueurs en série sévissaient, la mort d’un enfant pouvait (mais pour combien de temps encore?) déplacer les foules, alerter, faire hurler l’opinion publique, soulever des montagnes.

Le cameraman indiqua à Rémy qu'il serait en ondes dans cinq minutes. Plutôt que de préparer un texte, Rémy se demandait quelle serait la meilleure méthode d’apprendre l’odieuse nouvelle à son ami.

- Mathieu, c'est moi...

- Comment ça, toi? Qu'avais-tu à m'annoncer de si urgent? Tu as rencontré la femme de ta vie?

Pour un urgentologue débordé, Mathieu n'en était pas moins d'excellente humeur.

Le médecin comprit tout de suite qu'il se passait quelque chose d'inhabituel, probablement quelque chose de grave, lorsque Rémy lui demanda de se rendre sur-le-champ à l’école de sa fille. Pour qu’un journaliste, ami ou non, lui fasse une telle requête, c'était que sa fille ne devait pas souffrir de grippe ou d’un excès de fièvre.

Mathieu n'en demeura pas moins surpris d'entendre raconter les faits. Son étonnement fit place à la frayeur. Rémy avoua que la police divulguait l’information au compte-gouttes. Il expliqua où se trouvait le camion de la Chaîne nationale d’informations et invita Mathieu à le rejoindre aussitôt que possible.

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Début de Destinées. Pages 7 à 10, approximativement.

Deuxième extrait
Destinées
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