«Fondé sur la croyance des XVIIe et XVIIIe siècles dans l’universalité du type humain et dans le progrès des civilisations exprimé par Condorcet (1795), le courant évolutionniste s’appuie sur le transformisme de Lamarck et sur les recherches de C. Darwin (1859) concernant l’origine des espèces par voie de sélection naturelle. De la même manière que l’on observe dans le monde naturel une diversification des espèces et un perfectionnement constant de l’adaptation au milieu, on constate dans le monde humain un passage du simple au complexe (Spencer 187401876, Durkheim 1893) et une amélioration des systèmes sociaux dans les domaines économiques, politiques, parentaux et religieux. En même temps que F. Hegel dit sa confiance dans les bienfaits de la civilisation, et situe les non-civilisés hors histoire, s’exprime paradoxalement, sous l’influence de J.-J. Rousseau, une nostalgie d’un état mythique de nature et de l’ancien subsistant dans l’ailleurs, d’où les théories du primitivisme et la recherche des survivances.

L’évolutionnisme est écartelé entre, d’une part, une philosophie télélogique de l’histoire marquée par la croyance au destin ascendant de la civilisation et, d’autre part, une détermination de l’histoire par quelque facteur prédominant (biologique : Darwin 1859; technique : Morgan 1877; économique : Marx 1867; spirituel : Frazer 1922-1915). Sur une ligne évolutive unique se situent des étapes de développement, différentes selon les auteurs : stades théologique, métaphysique, positif (Comte 1930-1842); sauvagerie, barbarie, civilisation (L. H. Morgan); sociétés esclavagiste, féodale, capitaliste, socialiste (Marx), etc. Pour comprendre cette évolution sont construites, à partir du savoir documentaire accumulé à l’époque, des hypothèses souvent hasardeuses tendant à définir, après recherche des origines, des passages obligés dans l’évolution de l’humanité avec reconstitution de chaînons manquants (J. Frazer).

À la base de la parenté, il y aurait une phase de promiscuité sexuelle primitive non régulée, puis le matriarcat et enfin la famille patriarcale (Bachofen 1861 repris par Morgan 1877). Selon E. B. Tylor, l’animisme avec croyance ay double serait le principe de toute religion qui serait passée par les phases de mânisme, de fétichisme, de polythéisme, puis de monothéisme. Pour Frazer, la science corrigerait la religion et celle-ci dériverait d’une magie initiale. Tout en apportant une attention privilégiée aux sociétés les plus archaïques, australiennes notamment, aux systèmes de parenté et à la religion, l’évolutionnisme vise à établir un corpus ethnographique de l’humanité et une typologie intelligible des sociétés. Sa théorie de la civilisation autorise l’action coloniale.»

BESNARD, Philippe. Dictionnaire de la sociologie. Paris; Larousse, 1996, p. 96-97.