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«Philosophe et sociologue français (Montpellier 1798 – Paris 1857), Auguste Comte est considéré comme l’inventeur de la sociologie: c’est lui qui a forgé et lancé le terme. Reçu à l’École polytechnique en 1814, Comte remplit les fonctions de secrétaire de Saint-Simon de 1817 à 1824, date de leur rupture. Entre 1820 et 1824, il participe à la publication des derniers écrits de Saint-Simon, et publie sous son seul nom divers opuscules qui commencent à le rendre célèbre. Il n’occupera jamais de position importante dans le système universitaire français : il sera répétiteur, puis examinateur d’admission à l’École polytechnique jusqu’en 1844. Parallèlement, il donne à son domicile es cours publics et gratuits qui attirent des personnalités illustres, comme le célèbre physiologiste Blainville. Ayant perçu l’importance de l’histoire des sciences, il demande en vain la création à son profit d’une chaire consacrée à ce domaine. À partir de 1844, il vivre jusqu’à sa mort des subsides des membres de la Société positiviste.


De 1830 à 1842, il publie les six volumes du Cours de philosophie positive et, de 1851 à 1854, les quatre volumes du Système de politique positive ou Traité de sociologie. Il faut rappeler que, dans son esprit, le constituait un préalable indispensable à la formulation de sa pensée, qui s’exprime plus directement dans le Système. Ce dernier est donc d’une lecture plus facile que le « Cours » qui le précède et le prépare. L’œuvre de Comte prend ensuite un tournant délibérément spiritualiste et religieux avec le Catéchisme positiviste (1854) et la Synthèse subjective (1857). Beaucoup de ses disciples, parmi lesquels Littré, récuseront cette dernière partie de son œuvre

L’œuvre de comte comporte cinq contributions générales. Il aurait découvert la spécificité du social et établi la suprématie de la sociologie sur tous les autres domaines du savoir; il a aussi proposé une théorie générale de la connaissance, qui se spécifie dans une théorie particulière aux sciences; il expose enfin une théorie sociale.

La spécificité du social se manifeste dans son œuvre par la notion de consensus, à laquelle il attache beaucoup d’importance. Il emprunte cette notion à la biologie, mais lui faire subir une complète transformation. Le consensus social est en effet une fonction tout à fait générale, ou gouvernementale, s’exerçant à la fois comme pouvoir temporel et comme pouvoir spirituel. On peut reprocher à cette conception de négliger le caractère problématique du consensus, très bien saisi au contraire par Hobbes et Rousseau (Boudon, Bourricaud, 1993).

La suprématie de la sociologie ne peut se comprendre que si on la met en relation avec la théorie générale de la connaissance et la conception particulière à la connaissance scientifique proprement dite. Les connaissances humaines en général, ainsi que les institutions, sont soumises à la « Loi des trois états » (première leçon du Cours), qui les conduit de l’âge théologique à l’âge positif, en passant par la transition métaphysique. Au sens stricte, la Loi des trois états ne peut pas être considérée comme évolutionniste : Pour Comte, le Progrès n’est que le développement de l’ordre, l’actualisation des virtualités inscrites dans la nature humaine,; cette dernière « évolue sans se transformer ». Ce développement est soumis à des lois et la tâche première de la sociologie est de les établir. Puisque la sociologie explique l’actualisation de l’ordre dans le Progrès, elle est la reine des sciences. Elle est seule à même de se rendre compte de la manière dont se sont constituées les sciences qui sont nées avant elles et qui en sont issues.


La théorie plus spécifique des sciences, exposée dans la deuxième leçon du Cours, ne concerne que les sciences positives. Lorsqu’une forme de savoir a atteint le stade positif, elle se caractérise par la recherche de lois. Toutefois, la nature de ces lois et de la méthode scientifique diffère profondément selon l’objet scientifique auquel elles s’appliquent. On peut dire avec Heilbron (1991) que, pour Comte, les sciences ne sont pas homogènes du point de vue cognitif : elles se distinguent par leur degré de généralité et de complexité; les sciences forment une série de généralité décroissante et de complexité croissante. On comprend ainsi que la sociologie, qui a le domaine le moins général et le plus complexe, ne peut pas être une science au sens de la géométrie. Cependant, elle est comme le couronnement de toutes les sciences qui sont nées avant elles.

Ainsi le Cours présente non pas une théorie unitaire des sciences (comme celle de Condorcet ou de Laplace) mais une théorie différentielle, une des toutes premières de cette nature dans l’histoire. La physique emploie surtout la méthode expérimentale, la biologie, la méthode comparative; quant à la sociologie, c’est la méthode historique qui lui est propre.

La théorie sociale de comte est exprimée dans les dernier tomes du Cours et se divise en une partie statique et une partie dynamique. La sociologie participe d’une double manière à la dynamique sociale. D’une part, c’est elle qui permet à l’esprit humain de boucler sur lui-même son propre mouvement par la connaissance de ses produits et de ses opérations. Elle apporte aussi la solution à la crise de la moderne, Qu’auguste Comte a ressentie dès les débuts de sa jeunesse. Aussi la sociologie est-elle pour lui une sorte d’évangile positif, qu’il avait reçu la mission de prêcher. Il partage cette obsession prophétique avec ceux que Marx appelait les socialistes utopistes et, à en croire Schumpeter (1954), avec Marx lui-même. Toutefois, à la différence de beaucoup de réformateurs sociaux, Comte, par sa distinction entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel, par l’importance qu’il accorde au bon sens et au sentiment dans le maintien du consensus social, demeure prudent et résiste pour l’essentiel à la tentation terroriste et totalitaire.

L’ambition ultime de Comte était de réussir la fusion entre le savoir et le sentiment, et de construire sur cette base la religion de l’Humanité dont il assumerait le Pontificat et établirait minutieusement les rites. Cette partie de son œuvre, qui n’est nullement dénuée d’intérêt, relève plutôt de l’histoire des idées. Pour la sociologie moderne, on retiendra surtout de lui les propositions concernant la théorie générale de la connaissance, la théorie différentielle des sciences, la distinction entre statique et dynamique sociales. Plus généralement, le positivisme tel qu’il l’a conçu, et tel qu’il s’est ensuite développé et modifié, demeure une des dimensions essentielles, quoique contestable, de la pensée.»

BESNARD, Philippe. Dictionnaire de la sociologie. Paris; Larousse, 1996, p. 47 à 49.




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