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L'évangélisation des Amérindiens du Canada par les Jésuites






Sous le règne de Louis XIV , se répand une abondante littérature, produite par des voyageurs, marins, soldats, marchands, administrateurs coloniaux et missionnaires.
Dans leurs rapports envoyés à leurs supérieurs, les Jésuites décrivent les événements qui se sont passés dans leurs Missions.
Réunies en 73 volumes, Les Relations des Jésuites (1) sont une source de renseignements très précieux sur l'histoire de l'évangélisation du Canada.
Le rédacteur s'y réjouit " que le feu est si grand dans nos collèges { en France}, qu'il est difficile d'apaiser les larmes de ceux qu'on éconduit et auquel on refuse de nous venir nous ayder.(4) ".
Il instruit les nouveaux venus, de la dureté du voyage (depuis la ville de Québec jusqu'au pays Huron), de l'inconfort des canots en écorce, du danger de verser ou de se briser sur les rochers, de la frugalité des repas, de l'isolement, du silence éternel de la nature…, sur les dangers de la guerre, des bandes d'Iroquois (ennemis des Hurons) razziant des villages , des " sauvages mal intentionnés " qui peuvent vouloir vous tuer sous prétexte que votre robe noire est responsable de la sécheresse ou tout autre événement désagréable.

Une fois arrivé à la mission, il recommande l'humilité au nouveau missionnaire, car, même s'il était grand théologien en France, le temps qu'il assimile la langue huronne, il devra être muet et supporter les plaisanteries des femmes, petits enfants et " de tous les Sauvages ".
Muni de ces instructions, et de la mise en garde traditionnelle et très jésuitique ( " surtout je n'oserais parler des dangers de se perdre parmi leurs impuretés "), le nouvel arrivant est prêt à apprendre, au travers de l'expérience des anciens " comment faire une belle moisson d'âmes ", un peu plus loin, il espère que cette " moisson des âmes sera plantureuse " car " se faire un petit écolier d'un Sauvage est bien doux pour les gagner par après à Dieu ".
" …ainsi la peuplade de Kébek(2) se va grandement multipliant par les soins des Messieurs les Associez (5) de la Compagnie de la Nouvelle France,…
{ce qui} servira grandement, tant à ramasser et encourager les Sauvages errants, et fainéants au travail, qu'a les porter à vouloir faire pour Dieu ce qu'ils verront être faisables ".





Les méthodes des missionnaires…

Ils enseignent d'abord le signe de croix, " puis les autres prières, le tout en leur langue ", les Jésuites ayant composé un dictionnaire et une grammaire de la langue huronne.
Des extraits de la Bible sont ainsi traduits en langue huronne.
" Nous assemblons les hommes le plus souvent que nous pouvons, car leurs Conseils, leurs festins, leurs jeux et leurs danses ne nous permettent pas de les avoir…tous les jours ".
Il faut ménager et respecter (en apparence tout du moins) le pouvoir des anciens cars ils déterminent et décident de tout.
Il faut exploiter le fait que les Indiens veulent aller au ciel et redoutent " ces braises ardentes de l'enfer " A long terme, le plus efficace est l'éducation des enfants.
Aussi, le dimanche, ils rassemblent toute cette jeunesse à la cabane " devant laquelle nous faisons solennellement l'eau bénite " et ils distribuent alors de petits cadeaux pour inciter les enfants à venir s'instruire.
Les plus grands ne sont pas oubliés, " cette méthode conforme à notre Institut, fait que les grandes filles s'instruisent pour aider les petits à être récompensés de quelques prix ", éducation qui permet de changer leur vie " païenne et barbare en une vie civile et chrétienne ".


Les Jésuites sont aussi aidés par les Etats européens car la conversion des Hurons favorise les intérêts des colonisateurs.
" Monsieur de Champlain et Monsieur le Général du Plessis Bochatt, nous obligèrent grandement l'année passée, exhortant les Hurons en plein Conseil, à embrasser la Religion Chrétienne, et leur disant que c'estoit-là l'unique moyen non seulement d'estre un jour véritablement heureux dans le Ciel, mais aussi de lier à l'avenir une très étroite amitié avec les Francois (6) lesquels en ce faisant viendroient volontiers en leur Pays, se marieroient à leurs filles, leurs apprendroient divers arts et métiers, et les assisteroient contre leurs ennemis et que s'ils vouloient amener quelques-uns de leurs enfans l'an prochain, qu'on les instruiroit à Kébec (2) {et} que nos Pères en auroient un grand soin ".
Les Jésuites créèrent une école religieuse pour sortir les enfants de leur milieu et les éduquer plus facilement, et ils envoyèrent à Quèbec " une bande de braves petits Hurons, à fin de donner commencement au séminaire, duquel on peut espérer avec raison de grands fruits pour la conversion de ces peuples ".
Et ils n'oublièrent pas les petites filles, " s'il y avoit à Kébek (2) des Religieuses, je croy qu'on vous pourroit envoyer de petites séminaristes il y a icy quantité de braves petites filles, lesquelles si elles estoient bien élevées ne cederoient en rien à notre jeunesse Francoises ".

Les missionnaires ayant réuni les convertis pour prier Notre Dame des Hurons, à la fin d'une neuvaine, la pluie tomba en abondance, ce qui " étouffa toutes les mauvaises opinions (envers les missionnaires) " L'épouvante de la population face à la guerre est un moyen supplémentaire pour " instruire les Sauvages du secours qu'ils doivent attendre de Dieu ".
Les Jésuites se rendent utiles, distribuent des fers de flèches, reçoivent le secours de quatre soldats français " munis de bonnes arquebuses ". Les jésuites aident les Hurons à construire des forts carrés avec une tourelle à chaque coin, dans lesquels les quatre arquebusiers français pourront défendre tout le village.
Les luttes inter tribales furent ravivées par le commerce de la fourrure avec les Français, ils devinrent plus puissants que les Iroquois qui eux avaient épuisé les ressources d'animaux à fourrure de leur territoire. Mais par la suite, des épidémies de variole affaiblirent tellement les Hurons, que, en 1649, les Iroquois, parvinrent à exterminer la nation huronne. En 200 ans, typhoïde, diphtérie, grippe, peste, rougeole, tuberculose, maladies vénériennes et scarlatines firent des milliers de victimes.

Comme les chamans étaient impuissants devant les maladies nouvelles et que certains traitements traditionnels (les séances de sueries par exemple), ne servaient qu'à répandre plus encore la contagion, les missionnaires soulignaient cruellement cette impuissance, la tournaient en ridicule, et sapaient ainsi davantage l'autorité des hommes médecines et les fondements de la culture et des croyances indiennes.
En 1666, suite aux " Traitez de paix conclu entre S.M. le Roy de France " les Iroquois demandent " qu'on transmette chez eux des Familles Francoises, et quelques Robes Noires {c'est-à-dire des Jésuites}…
promettent la construction des cabanes pour les loger, mais encore qu'ils travailleront à leur construire des Forts… "

Dans la seconde partie de son rapport sont décrites les croyances et les mœurs des Hurons, mais seulement pour y trouver contradictions, illogismes et souligner l'absurdité de ces fables :
" Quand, ces pauvres gens éclairez (6) du ciel riront de leur sottise, comme nous l'espérons… ".
Ainsi, les Hurons se disent venus du ciel, et ils considèrent que ce monde céleste ressemble à la terre et est habité par d'autres peuples, assertion qui est jugée blasphématoire par les missionnaires, tant vis-à-vis des croyances chrétiennes que des connaissances scientifiques de l'époque.
Parallèlement, la Bible est adaptée aux circonstances :
la destruction biblique de Sodome et Gomorrhe se transforme en un incendie qui épargne les maisons des convertis.
Dans une légende indienne, une femme tombée du ciel devient la mère et le chef de la tribu. Cette genèse matriarcale va à l'encontre de ce qu'enseigne la Bible et, de ce fait choque profondément les missionnaires…
Comme cette première accouche tout d'abord d'une fille (lignée matrilinéaire) et que celle ci " tomba aussi grosse ", cette parthénogenèse permet au missionnaire d'ironiser :
" Si vous leur demandez comment, vous les mettez bien en peine, car il n'y avait point d'homme sur terre ".

Une autre question pertinente à poser, sur le plan de la morale chrétienne et de la prescription de l'inceste, aurait été de demander au missionnaire quelle était le nom et l'origine de la femme de Caïn.
Mais les Jésuites, fort prudemment, se gardent bien d'en parler, pas plus qu'ils ne tentent d'expliquer le dogme de l'Immaculée Conception de la Vierge et les rapprochements mythologiques possibles entre tradition païenne et biblique.
Toutes choses qui auraient pu amener à des réflexions et conclusions peu orthodoxes, tant sur leur sens, que sur leur origine (les légendes païennes étant bien antérieures à la Bible).
Et, lorsque l'on sort du domaine symbolique pour tomber dans le dogme, démontrer la vraisemblance historique et physiologique de la légende biblique leur aurait certainement donné bien du souci…

Mais revenons à la légende indienne…

L'aînée de cette femme céleste donna naissance à deux garçons qui s'affrontèrent très vite, l'un armé d'un bois de cerf, l'autre de branches de rosier sauvage.
Ce dernier fut blessé à mort et laissa s'écouler son sang en une longue traînée, qui se transforma " en pierres semblables à celles dont nous nous servons en France pour battre le fusil ".
Ce mythe avait le mérite d'expliquer mythiquement et poétiquement l'origine du silex, du fait de sa ressemblance, le narrateur s'empresse de faire la comparaison avec Caïn et Abel, oubliant que le mythe des frères ennemis fait partie des convergences universelles qui peuvent se retrouver partout et de tous temps.
Et le Jésuite de conclure qu'il " y a quelque apparence qu'ils ont eu autrefois quelque cognoissance du vrai Dieu par dessus la nature…
comme il se peut remarquer en quelque circonstances de leurs fables ".





Premiers obstacles à l'évangélisation

Tout d'abord, les Hurons sont animistes, ils prient la terre, les rivières, les lacs, les rochers dangereux, la Tortue (qui est la créatrice du feu), la Grenouille (qui est à l'origine des mers, fleuves et lacs étant eux sortis de son aisselle), le Dieu Iskeha (qui est à l'origine de la vie sur terre, des moissons et de l'abondance) et que le narrateur confond, peut-être un peu vite avec Cérès/Démèter.
C'est lui qui a aussi libéré les animaux d'une caverne pour qu'ils se dispersent sur la terre.
Le Dieu Oki règle les saisons, tient en bride les vents et les flots de la mer. Les Indiens l'invoquent lors des serments et les traités de paix.
Ils croient (comme les Celtes ou autres) que s'ils venaient à contrevenir à leur parole, ou à rompre cette alliance, le ciel les châtierait infailliblement :
" Le ciel entend ce que nous faisons aujourd'hui ".

Les songes sont " une croyance qui les surpassent toutes " et règlent toute leur vie :
chasse, pêche, guerre, actes importants. Ils sont souvent interprétés par un " spécialiste " classé parmi les " Sorciers ", la bête noire des Missionnaires. "
C'est leur Cassandre pour le malheur, l'Esculape et le Galien, c'est leur Mercure dans leurs voyages, les Oeconome dans leurs familles ".
Le jeûne était lui aussi souvent utilisé, soit pour favoriser des visions, soit pour atteindre un état de concentration de méditation sacrée. Ceci bien entendu échappe aux missionnaires, pour lui aussi le jeûne du Carème n'est que la commémoration des souffrances subies par le Christ.

Sur le plan des rites funéraires, le missionnaire est surpris d'observer des cérémonies complexes et fort bien réglées.
Etonnement aussi de constater la retenue et la sérénité " qu'ils gardent en leur sépulture et de leurs deuils ", à la différence de beaucoup de chrétiens qui ne peuvent souffrir qu'on leur parle de la mort " et qui dans une maladie mortelle vous mettent en peine toute une maison pour trouver moyen de faire porter cette nouvelle au malade, sans le faire mourir par avance ".
L'Indien qui va mourir en est le plus souvent averti, il fait préparer ses vêtements, les objets qu'il emportera avec lui, son festin d'adieu avec ses amis, les détails de son ensevelissement, parfois, il prépare et chante une prière funèbre sans montrer aucune appréhension de la mort.

Comme on peut l'imaginer, l'obsession principale du missionnaire est l'âme, dans son acceptation chrétienne bien sûr !
Désireux de trouver la faille par laquelle il pourra s'introduire, il harcèle les Indiens de questions, mais toutes les explications qu'on lui donne, ne le satisfont pas :
il confond les états d'âmes avec les humeurs(selon que l'individu est raisonnable ou agressif, joyeux ou triste), l'esprit qui habite chaque partie du corps, celui qui l'anime et celui qui lui survit et reste dans le village pendant douze ans, jusqu'à la fête des morts où il quittera alors le cimetière et la maison des esprits pour s'envoler sous la forme d'une tourterelle qui sera abattue à coups de flèches, rôtie et mangée.
Ensuite, l'esprit libéré part vers le soleil couchant vêtu de ses habits de fêtes, et s'installe dans un au-delà où chaque nation indienne a son village particulier.
Les esprits des vieillards et des enfants restent dans leurs pays d'origine, étant plus faibles ils ne peuvent marcher plus loin.
Les esprits des guerriers tués au combat ainsi que ceux qui se sont défaits (suicidés), font bande à part.
Voici un des nombreux récits que les parents racontaient à leurs enfants.

Un frère décide de partir à la recherche de sa sœur défunte pour la ramener à la vie.
En chemin il la rencontre et à chaque fois elle lui présente un plat de farine mélangée d'eau, tel un repas funéraire.
Arrivé à la cabane sacrée, la Mort lui confie une courge dans laquelle se trouve la cervelle de sa sœur.
Le chemin des esprits passe aussi près d'un rocher couvert des peintures que les Hurons (de leur vivant) s'appliquent sur le visage. Le passage d'un torrent sur un tronc d'arbre branlant est des plus périlleux, à peine engagé l'esprit du mort doit subir les assauts d'un chien qui tente de le précipiter dans l'eau, pour qu'il soit emporté par le courant.
Il arrive enfin au village céleste où réside l'esprit de sa sœur. Elle le fuit, mais chaque nuit elle revient danser avec les autres esprits pour disparaître à l'aube.
Le frère la guette et finit par s'en saisir et, après une longue lutte, il la réduit à une taille suffisante pour l'introduire dans une courge.

Il entreprend le voyage du retour, et arrivé à la cabane des esprits, la Mort lui indique les conditions pour ramener sa sœur au monde des vivants :
" tu déterreras le cadavre de ta sœur, puis organiseras un grand festin, où tu convieras le village. A la fin du festin, à l'aube, ta sœur rejoindra le monde des vivants, à une condition que pendant toute la cérémonie nul ne lève les yeux "
Bien entendu, comme dans le mythe grec d'Orphée et d'Eurydice, la curiosité l'emporte et l'esprit regagne définitivement le village des morts.
Mais le Jésuite n'est pas touché par cette légende pourtant fort bien structurée et au symbolisme fort intéressant, il s'exclame simplement : " Vray Dieu que d'ignorance et de stupidité " !
A croire qu'il n'a jamais lu les auteurs antiques (Virgile et l'Enéide par exemple) ou leurs continuateurs comme Dante !
Le passage de l'eau, le pont périlleux, le rôle du chien Cerbère gardien des Enfers, le retour vers le monde des vivants de l'être aimé n'est possible que si l'on manifeste le plus grand respect envers le mystère (défense de se retourner, interdiction de regarder), tout cela n'évoque rien en son âme sclérosée par une éducation qui le lie et l'aveugle.





Festins, jeux de plat et de crosse.

Pour les Jésuites, ces distractions " c'est le Diable " qui les inspirent. Ils ont parfaitement conscience que ces festins et ces jeux sont des cérémonies sacrées, dont les rites sont de différentes natures mais toujours d'essence païenne.
Il y a les festins offerts pour les adieux, les actions de grâce et pour écarter un danger, ces derniers " comptent douze sortes de danses qui sont autant de souverains remèdes pour guérir les maladies ".
Ce qui étonne le plus les Missionnaires, ce sont les festins " à chanter " où règne la plus grande abondance ; l'un par exemple, bien que tenu en plein hiver, comportait vingt cinq chaudrons contenant cinquante grands poissons " qui valent bien les plus grands brochets de France ".
D'autres offrent la viande de vingt cerf et quatre ours, ceci, pour la population de huit ou neuf villages réunis.
Le chant, la danse et la musique (tambour, flûte) sont indissociables de toutes les activités sociales, profanes ou religieuses, des villages indiens, ils sont l'expression des liens unissant l'homme à son environnement, la nature, les animaux, les esprits, les autres villages, le soleil, le vent…
Aussi, lorsque les missionnaires interdirent fêtes et danses ( à cause de leur caractère sacré qualifié de " rites barbares " et " pactes avec le démon "), les Indiens perdirent là encore une partie de culture sacrée ancestrale.
Les Indiens connaissaient trois sortes de jeux, la crosse, le plat et la paille. Les deux premiers sont souverains pour la santé et se jouent soit entre les habitants d'un village, soit entre plusieurs villages, si " Tout le pays est malade " Le jeu de plat était un jeu de hasard qui se jouait village contre village.
Six noyaux de prunes (blanc d'un coté, noir de l'autre) sont agités dans un plat jusqu'au moment où tous les noyaux sont tous du même coté, blanc ou le noir.
Les joueurs jouent tous ce qu'ils possèdent. " Vous en eussiez vu cet hiver une bonne troupe s'en retourner à leurs villages, certains sans leurs chausses, en cette saison, ou il y avait près de trois pieds de neige, aussi gaillards en apparence que s'ils eussent gagné ".
Et, comme les Hurons ignorent la propriété privée (telle que l'entendaient les Jésuites) au prochain jeu, festin, ou toute autre occasion le transfert de biens de l'un à l'autre village est parfaitement possible.
La trilogie Songe/Festin/Jeu (plus chant et danse), n'est pour le narrateur, que niaiserie, lubricité, drôlerie, et puisque la source de toutes ces cérémonies est le Songe, qui est une émanation du diable, l'ensemble du sacré est diabolique par ce que païen.






Autres obstacles à l'évangélisation

L'œuvre des missionnaires ne va pas sans peine car les " erreurs de superstitions, de vices, et de très mauvaises coutumes {sont difficiles }à déraciner ", " cette barbarie est encore plus grande que ce qu'il c'était imaginer en arrivant " et les Indiens sont attachés à leurs " vieilles coutumes, et leur réponse est invariablement la même : la coutume de notre pays est telle ".
Les baptêmes ne sont qu'une centaine en deux ans et si le Jésuite espère que ces baptisés " sont sortis de la servitude du diable ", il regrette que beaucoup croient que l'eau du baptême apporte la santé, contrairement à l'enseignement des saints Mystères qui affirment que la " main de Dieu donne la maladie et la santé, la mort et la vie. " Mais, le principal ennemi des missionnaires est le sorcier. Heureusement pour les Jésuites, une grande sécheresse provoqua des incendies qui détruisirent les greniers à provisions de trois villages. Cet événement permettra aux Jésuites de combattre " ces abuseurs " car les sorciers ne purent, malgré tous les efforts conjurer la sécheresse :
" les songes et leur cervelle creuse leur peut suggérer afin de faire pleuvoir, mais en vain, le ciel était d'airain à leurs sottises ".

Le Jésuite condamne aussi tous ceux qui utilisent la magie, le pêcheur qui lance dans l'eau les cendres d'un oiseau (considéré comme un charme porte chance) comme " celui qui commande aux vents, à la pluie, prédit l'avenir, exerce leur talent de guérisseur ".
Pourtant, les chamans étaient tenus en haute estime et seuls, les " mauvais ", étaient craints.
Le cheminement spirituel du chaman, long et pénible, exigeait beaucoup de sacrifice, sans avoir la certitude de réussir.
De plus, s'il se laissait tenter par la pratique de la " mauvaise médecine ", il risquait de devenir le jouet des pouvoirs dont il était investi.
Un peu plus loin, le narrateur décrit longuement les rites fort complexes qui doivent enlever toutes traces de vengeance à ceux qui sont lésés par le meurtre.
Dans les Conseils, si les anciens ont le dernier mot, la parole est donnée à chacun, l'éloquence prédomine et tous peuvent donner leur avis.
Ils punissent les meurtriers, les larrons, les traîtres et les mauvais sorciers. La plupart du temps, les châtiments étaient variables et tenaient compte de la situation de chaque individu.
Comme on peut le voir, le rapport des Jésuites est parfois obligé de parler en termes élogieux du caractère des Indiens et de leur société. Mais, dans l'esprit des colonisateurs, le christianisme demeure inexorablement lié à la culture européenne vue comme incommensurablement plus " civilisée " que celle des " Sauvages "
D'où la volonté des colonisateurs, parfois de bonne foi, de civiliser les Indiens par le biais d'une éducation européenne, tant matérielle que religieuse.





" Discussion sur la perfectibilité des races "

Séance du 24 mai 1860.

Les assistants constatent que : " A la Jeune-Lorette, à la rivière des Loups, il y a des peuplades d'Iroquois qui vivent enclavées, depuis deux siècles, au milieu des Européens.
Ils sont encore tout à fait sauvages et le resteront probablement toujours " M. de Quatrepages craint qu'on ait mal interprété l'exemple des animaux domestiques qu'il n'a invoqué que comme terme de comparaison.
Il n'est pas entré dans sa pensée d'établir un rapprochement entre la civilisation des peuples sauvages et la domestication des animaux.

La séance est levée à cinq heures trois quarts. Le secrétaire : P.Broca.

Séance du 7 juin 1860

" M.Rameau a ajouté que les Indiens Chérokées avaient reçu et adopté la civilisation. Mais ici encore il y a partage, car des peuplades voisines et très-semblables d'ailleurs sont restées sauvages. Les Chérokées possédaient déjà une civilisation indigène avant l'arrivée des Européens. Bartram, qui avait vécu plusieurs années parmi eux, raconte qu'à cette époque ils avaient des villes, des temples, un gouvernement régulier. Ces peuples ont fait depuis lors des progrès très-remarquable.MM. de Tocqueville et Michel Chevalier nous apprennent que les Chérokées et le Choctos étaient bien civilisés. Ils avaient des écoles, une imprimerie, un journal. Ils exportèrent en une seule année plusieurs milliers de balles de coton. Ils avaient même des esclaves nègres.
Un jour les squatters américains sont venus, se sont emparés de leur territoire, et les ont transportés dans le Visconsin et l'Arkansas.
La tribu méridionale des Chérokées, les Séminoles, a voulu résister à ces violences ; elle a lutté, on l'a détruite. "


Les participants relèvent que les choses se sont passées tout autrement au Canada.
" On ne proposait pas de coloniser mais d'amener les indigènes à cultiver le sol…
on les a traités, de tout temps , avec beaucoup de ménagement…
mais pour le travail et le progrès ces sauvages sont exactement les mêmes qu'autrefois.
Ils ne peuvent comprendre l'utilité du travail ; cela dure depuis 1640,c'est-a-dire depuis deux cent vingt ans "

En 1876, le gouvernement du Canada proclame l'Acte des Sauvages.

En 1920, l'Acte sur les Sauvages sera modifié pour rendre l'école obligatoire(" écoles résidentielles ") pour tous les enfants des Premières Nations âgés de sept à quinze ans.
Aujourd'hui, dans certaines régions du Canada, jusqu'à cinq générations d'enfants auront donc été arrachées à leur foyer, leur famille, leur culture, pour être embrigadées pendant de longues périodes dans des établissements dispensant une " Instruction culturelle de choc ".
Ces écoles étaient généralement administrées par des religieux, parfois de confession antagoniste, chacune des différentes églises (catholiques ou protestante) se livrant une concurrence acharnée pour accaparer un maximum d'enfants.
L'Eglise catholique et romaine, gérait les trois cinquièmes de ces écoles.
Que penser de ces méthodes d'éducation imposée par des minorités cléricales, à des ethnies traditionnelles entières, ceci avec la complicité active de gouvernements ( au Canada comme en Australie pour ne citer que ces deux exemples) ?
Ces enfants étaient souvent arrachés de force à leurs parents, ils entraient contraints et forcés dans un monde étranger aux règles incompréhensibles, racistes et violents.
Rasés, vêtus d'uniformes, affublés de nouveaux noms occidentaux, il leur était interdit de parler leur langue, ils étaient privés de tout contact avec leurs frères et sœurs et de longues années d'isolement et de solitude les attendaient.
Si l'on y ajoute les cas plus fréquents qu'on ne pense d'agression sexuelle, de la violence physique quotidienne et institutionnalisée, il est évident que ce type d'enseignement a brisé des milliers d'êtres humains et de familles en laissant derrière elle un champ de ruines, de colère, de frustration, ceci pour des générations entières.
Les colonisateurs ont été aidés par une Eglise caractérisée alors par son conformisme et sa légitimation de l'ordre social. Et encore aujourd'hui, dans de nombreux pays d'Amérique du sud, l'Eglise encourage et soutient les régimes en place, quelle que soit leur nature.

Ainsi, Jean Paul II a systématiquement nommé à la tête des diocèses progressiste des évêques conservateurs proches de l'Opus Dei.

Notons en passant que les mouvements évangélistes protestants ne valent guère mieux. Ainsi, l'Alliance Evangélique soutint en 1976 la dictature installée au Guatemala, cautionnant ainsi le massacre de milliers d'Indiens.
En conclusion, les Amérindiens ne pourront se libérer qu'en retrouvant leurs Traditions tant religieuses que culturelles.


Georges Timmermans.
( Texte affiché avec l'autorisation de l'auteur / novembre 2003)




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Source des citations :
Relations des Jésuites
Les Relations des jésuites sont un ensemble de 73 volumes de livres dans la version originale en italien, en latin et en français avec commentaire et traduction en anglais par Reuben Thwaites (1850-1913).
La plupart des relations sont des rapports missionnaires annuels écrits entre 1632 et 1678 par les jésuites en Nouvelle-France à leurs supérieurs en France.
Elles présentent les détails de la vie coloniale pendant le régime français au Canada.
L'Institut canadien des micro reproductions historiques (ICMH) et la Bibliothèque nationale du Canada ont travaillé ensemble pour donner accès à cette collection.
Relations des Jésuites / Source en ligne



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