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LE FLÉCHÉ
ou Tissage aux doigts



Par Boutios

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Femmes Vikings tissant des ceintures et bordures lors de la traversée Nord-Atlantique.


Plusieurs pensent que la ceinture fléchée est d'origine amérindienne. Cette affirmation erronée origine d'un malentendu qui remonte aux débuts du XIXe siècle (à partir de 1812 et 1814) quand les gens de la North West Company faisaient confectionner leurs ceintures par des Amérindiennes avec de la laine worsted importée d'Angleterre.
Or, ces mêmes ceintures s'inspiraient des ceintures appelées North West Sashes1 produites en petites quantités et vendues à fort prix. Les ceintures des Amérindiens de l'Ouest Canadien provenaient des forts de traite et la plupart de ces ceintures étaient tissées en Angleterre.

En tant qu'accessoire d'apparat de prestige, les Métis du Manitoba qui la tenaient de leurs pères coureurs des bois ont peut-être aussi joué un rôle dans sa diffusion. Chose certaine, ces mêmes Amérindiennes n'avaient ni laine ni mouton (puisque les moutons de leur laine étaient en Angleterre !).
Malgré le fait que les amérindiennes étaient très habiles aux techniques du tressage, il ne peut s'agir d'une technique artisanale d'inspiration amérindienne.





Le grand chef Huron Maurice Bastien (vers 1800) dans sa veste militaire et sa ceinture fléchée.



Il s'agit en fait d'une manifestation culturelle purement européenne. Le tissage aux doigts était très courant chez les gens du Nord, surtout chez les Vikings.

Le tissage des ceintures, des jarretières, des galons et des bordures décoratives était l'une des activités traditionnelles des femmes scandinaves.

"Magnussen écrit qu'à tous les ans depuis 1977, il y a le Vikingetraef (rassemblement annuel dans un manoir de 1576, pour commémorer la fête de Saint Olof, le patron des Scandinaves).
Il y a des artisans qui y travaillent les techniques traditionnelles pour tisser des bandes décoratives...
(on imagine les jarretières)."
(Genest Leblanc, Monique, 2004)







Bandes et bordures décoratives vikings tisées aux doigts



Bref, chez les Vikings, le tissage était une affaire de femme, histoire de destin lié à la fatalité, et les hommes, histoire de magie liée à la guerre, se contentaient de nouer les franges.
Étant donné que la première vague de colons en Nouvelle-France était constituée principalement de Normands et de Percherons, il ne serait pas exagéré d'y voir une transmission du tissage aux doigts de la période Viking à celle de l'expansion normande dans les Îles jusqu'à celle de la colonisation française au Canada…

Avec peut-être un renouveau du genre suite à la conquête anglaise.
Donc, il est possible que ces motifs en losanges, en esses et en chevrons aient été transmis par les colons normands de Nouvelle-France.




Ancienne gravure sur pierre viking illustrant un drakkar. Notez la grande toile cousue de petites pièces carées ainsi que les gros motifs illustrant des torsades de laine et les zigzags représentant les vagues.



On a du mal à attester l'existence de la ceinture tissée dans les premiers temps de la colonie de Champlain car il n'en fait pas mention dans ses écrits.

Les premières manifestations du filage et du tissage se font sentir sur la côte de Beaupré, Château Richer, vers 1642, presque un siècle avant l'Assomption.
D'après l'historien Parkman qui rapporte les paroles du gouverneur La Barre, 4 novembre 1683 :

"C'est à la côte de Beaupré, l'endroit du Canada où l'ordre et l'économie sont le plus pratiqués. Le filage et le tissage domestiques y sont le plus avancé de toutes les parties de la colonie".





Les origines de la ceinture fléchée

Selon l'ethnologue Monique Genest Leblanc (et ce qui va suivre lui est largement emprunté), qui a consulté les recherches très poussées de Lionel-Robert Séguin ainsi que celles de Bernard Audet de Québec (Consultations des greffes de notaires.), rien ne nous permet d'identifier avec certitude ce type d'accessoire vestimentaire en sol canadien avant au moins 1776.
"L'autosuffisance de l'habitant (de Nouvelle-France) s'étend à presque tout ce qu'il utilise ou porte, des outils élémentaires, laines de ses moutons, toile de lin cultivé, aux chaussures de cuir faites à la main".
(Craig Brown in Histoire générale du Canada, p. 153)

Comme le fait remarquer Mme Leblanc, c'est bien Jean Talon qui fit venir les premiers moutons au Canada.
On commence à garder des moutons, début XVIIIe siècle, alors que quelques propriétaires de troupeau en tiraient un "drap du pays".
Un faible pourcentage, 5% à peine des tissus du pays sont vendus à Montréal.

La première mention notable date de 1776, Thomas Anbury, un Britannique visitant Charlesbourg et Beauport rapporte avoir vu un Canadien portant une ceinture ainsi qu'un bonnet de laine. À cette époque, il n'est pas encore question de "ceinture fléchée" car au Bas-Canada elle était désignée "ceinture colorée.




Le costume du Canadien tel que le représente John Lambert au tournant du XIXe dans son récit de voyage "Travels through Canada and the United States of America in the years 1806, 1807 and 1808".




Dans "le menuet chez les Canadiens", le peintre écossais George Heriot illustre des Canadiens en tenue de bal portant fièrement la ceinture colorée.




Les plus anciens exemplaires conservés de ceintures en tissu remontent à la fin des 1700 et sont faits de fils de soie, de calmande, de fesandive, de ferrandine ou de crespont.
Les teintures végétales étaient préparées dans les écoles où on dispensait les cours pour ce travail. Simplement à partir de l'aulne (ou verne), on obtenait trois couleurs : rouge de l'écorce, brun des petites branches et vert des fleurs.
On faisait le bleu à partir de bleuets.

Le 9 mars 1777, un soldat allemand logé à Sainte-Anne-de-la-Pérade, note que le Canadien porte appuyé aux hanches une épaisse écharpe de laine tissée maison, de toutes couleurs, ayant de longues franges.
Au printemps 1777, Louise von Riedesel va rejoindre son mari à Chambly, il est grippé et porte pour se garder au chaud, un manteau fait d'une couverture de laine avec une ceinture rouge et bleue portée à la façon des Canadiens.
Les lainages étaient tissés et teints à la maison.

En 1778, le mercenaire allemand Friederich von Germann fait un croquis d'un paysan canadien portant sa ceinture qu'on devine marquée de chevrons.

1780, un autre soldat allemand, devenu garde forestier à Québec, fait des croquis de paysans canadiens portant leurs ceintures à la taille.

1781, l'artiste Peachy peint deux tableaux illustrant les activités d'hiver se passant aux chutes Montmorency et où les conducteurs de traîne à bâtons portent eux aussi leurs ceintures à la taille.
Cette même année, Duperron Baby de Détroit écrit à son frère (nul autre que François Baby, qui sera élu au conseil législatif en 1792) à Québec pour obtenir une ceinture.
Or, François Baby possède une maison à Mascouche, il est marié à Marie de Lanaudière, grande amie de Madame Simcoe qui s'émerveille des ceintures des Canadiens à Québec en 1792). Et si c'était Marie Baby qui avait introduit la ceinture à Mascouche ?

Ensuite, en 1798, suite au décès de madame Chaboillez à Montréal, on lit dans l'inventaire qu'elle est en possession de deux "ceintures à flesche". La même année, Labadie, décrivant un voyageur noyé, parle aussi d'une "jolie ceinture à flesche". À partir de ces deux indices, on peut déduire que le traditionnel motif à chevron a subit une modification. Bref, entre 1776 et 1798, plusieurs ceintures sont notées par écrit à divers endroits du Québec, c'est-à-dire au Bas-Canada.




Milicien sédentaire du Bas Canada arborant la célèbre ceinture colorée.


Enfin au XIXe siècle (1818-1819), il est dit que les élèves du Séminaire de Québec portaient un genre de ceinture à nœud.
Ceci est basé sur une mention de l'Écossais John Duncan qui avait remarqué dans son récit de voyage que les élèves du Séminaire portaient un long manteau bordé de blanc avec une large ceinture de couleur en soie autour de la taille attachée à l'avant avec un nœud.

" The students of the Seminary wear a long surtout, with seams of white cloth, and a sash of coloured worsted around the waist, gathered into a knot in front."

La ceinture colorée fait aussi son apparition dans l'art pictural de l'époque, chez les aquarellistes de l'armée britannique surtout.
Dans une aquarelle de G.A. Embledon datée de 1813, documentant le costume du célèbre régiment des voltigeurs, la Milice sédentaire du Bas-Canada, on y remarque la tuque de laine grise, le capot de laine blanche, et la célèbre ceinture.

Philippe Aubert de Gaspé, fils, dans son roman, L’influence d’un livre, publié juste avant les révoltes patriotiques de 1837, décrit comme suit le costume de l’habitant :
« José fit le galant ; et vous auriez bien ri, vous autres qui êtes si bien nippés, de le voir dans son accoutrement des dimanches : d’abord un bonnet gris lui couvrait la tête, un capot d’étoffe noire dont la taille lui descendait six pouces plus bas que les reins, avec une ceinture de laine de plusieurs couleurs qui lui battait sur les talons, et enfin une paire de culottes vertes à mitasses bordées en tavelle rouge complétait cette bizarre toilette ». (Chapitre V, L’étranger (Légende canadienne, p. 59)


Si on se fie à l'ethnologue Marius Barbeau, à l'historien Masson et à l'abbé François Lanoue, la production des ceintures fléchées s'est concentrée vers 1830 dans la région de l'Assomption.
Donc, avant le milieu du XIXe on ne parlait pas encore de ceinture fléchée ou même de ceinture de l'Assomption.
Ce n'est qu'après la fusion de la Hudson Bay Company et la North West Company que les ceintures achetées au fort de traite et importées de l'Assomption seront désignées comme telles par les commis de la compagnie Hudson Bay. Ainsi, la désignation "Assomption" apparaît dans les livres de comptabilité de la compagnie à partir de 1852.
Mme Genest Leblanc, qui s'est rendue à Winnipeg pour consulter leurs archives, rapporte que l'historien Mason affirme qu'à partir de 1831 la confection des ceintures se concentrait dans la région de L'Assomption.
En 1795, John Mackay, employé de la Hudson Bay Company, enverra la ceinture de son voisin Charles Boyer du Lac La Pluie afin de la faire copier car les ceintures Assomption plaisaient aux Amérindiens.
Donc, dès le début des 1800, les ceintures de laine seront confectionnées en série en Angleterre, soit par métier artisanal ou par métier mécanique.
En gros, par toutes les techniques standardisées disponibles sauf celle du tissage aux doigts.
Et comme il est fait mention dans les registres de la compagnie, "…in 1822, 1200 belts, in 1824, 100 large and a 100 narrow".
Les Anglais concurrencent donc les artisanes du Bas-Canada avec leur production massive de ceintures fléchées plus ou moins de qualité mais combien abordables et faciles à trouver.
Copies conformes ou maladroites des originales, parfois imitées à s'y méprendre, plus ou moins ressemblantes, plus ou moins résistantes, plus ou moins agréables à l'œil, ces ersatz sont exposés dans les musées aux côtés des véritables ceintures artisanales.
C'est à s'y tromper, si bien que les conservateurs n'arrivent même pas à séparer le vrai de l'ivraie.

Donc, à partir du XIXe siècle, la ceinture fléchée devient l'accessoire indispensable du costume du Canadien.
Cette ceinture servait non seulement comme ornement d'apparat lors des fêtes, mais aussi pour garder la chaleur du corps et pour maintenir les outils de travail tels que les couteaux.





Ainsi, les coureurs des bois, fin XVIIIe et XIXe siècle, vont répandre la ceinture fléchée dans tous les coins de l'Amérique.
Et quand ils arrivaient dans les postes de traite, les "Sauvages" (comme il est dit dans la langue de naguère), réunis pour la traite, se lançaient sur les fusils et munitions ou outils en métal, alors que les "Sauvagesses" se précipitaient sur les commodités : farine, sucre, verrerie, laine, lainages, bandoulières brodées et ceintures fléchées.
C'était, enfin, tout ce à quoi ils s'attendaient comme marchandises de luxe en provenance du Saint-Laurent… les mauvaises langues parleront d'eau-de-vie.

Selon la rumeur populaire, les tisseuses des campagnes étaient si exploitées par les commerçants anglais que le curé Tancrède Viger va, en 1890, recommander l'arrêt du tissage.
Il ne faut cependant pas tenir le curé Viger pour seul responsable du déclin de la production des ceintures car elles étaient en majeure partie tissées pour les gens de la traite des fourrures qui, après 1870, étaient en grave déclin.
Comme la demande n'y était plus, la production à grande échelle cessa.




Le Canadien avec sa ceinture fléchée sous sa veste.



C'est alors que la ceinture fléchée va devenir, lors des événements d'hiver, l'accessoire d'apparat des bourgeois de Montréal en "capots de castor". En réponse à ce boycott artisanal, 
les commerçants vont se tourner vers des ceintures sur métier mécanique importées d'Angleterre, moins résistantes et de moins bonne qualité.
Il va sans dire que tout le long du XIXe siècle, il existera sur le marché des ceintures tissées mécaniquement à côté de celles faites à la main par les artisanes de L'Assomption. Les amateurs avisés iront malgré tout du côté de L'Assomption et de Joliette vers les familles Brouillette, Lord et Venne où l'on continuait à tisser les ceintures selon la méthode traditionnelle.





L'Assomption, haut lieu du tissage aux doigts

Raccourci longtemps fréquenté par les Indiens et les coureurs des bois, le "Portage" accueille ses premiers défricheurs en 1717, encouragés par les seigneurs du lieu : les pères sulpiciens du Séminaire de Saint-Sulpice de Montréal.
La seigneurie de l'Assomption, située sur la rivière du même nom, anciennement appelée Outaragauesipi ("la tortueuse") en langue amérindienne, et nommée l'Assomption par les sieurs Samuel de Champlain et Nicolas Marsolet, fut fondée officiellement en 1717 par les frères Goulet, qui étaient alors sous les ordres des sieurs LeGardeur de Repentigny et Aubert de la Chenaye.
Cette donation royale fut faite aux seigneurs LeGardeur, de Repentigny, Louis de Saint-Ours, Morgane de la Valtrie, Aubert de la Chenaye, Raymond Martel et Pierrecot de Bailleul.
De la Valtrie était originaire de Paris, Le Gardeur, de Thurie en Normandie, Deschaillons de Saint-Ours appartenait à la haute noblesse du Dauphiné, de la Chenaye venait d'Amiens en Picardie, Duqué de Boisbriant, le capitaine du régiment de Chambelle, était de Nantes en Bretagne, Raymond Martel était de Bayonne. L'épouse de Raymond Martel, Marie-Anne Trottier, épousa en secondes noces Louis Audet de Pierrecot, sieur de Bailleul. Il faut dire que les Bailleul de Normandie étaient de souche commune avec celle de la dynastie royale des Bailleul ou Baliol d'Écosse.
Ces nobles et gentilshommes, principalement de filiation normande, étaient aussi alliés aux premières familles canadiennes, les Godefroy de Tonnancour, Boucher, Denis Lemoyne, Juchereau, Guyon et ils "attirèrent en cet endroit la meilleure société du pays et l'y perpétuèrent par leurs descendants".
Les parents d'Ignace Bonhomme étaient venus de Fécamp, pays de Caux, en Normandie, en 1640.
Ignace Bonhomme était le frère de Guillaume Bonhomme dont il est fait mention aux registres du Conseil Souverain, 14 janvier 1665: "Nicolas Marsolet de Saint-Aignan, qui avait acquis la maison de Guillaume Bonhomme, la cède au Conseil Souverain afin d'y loger l'Exécuteur des Hautes Œuvres".

Nous avons donc là affaire à de vieilles familles terriennes de vieille aquaintance normande ou anglo-normande (par les expatriés écossais) de souche viking. La famille Lesage de l'Assomption est une des plus anciennes du pays.
Du temps de Champlain et Marsolet, en 1624, on y retrouve une certaine Marguerite Lesage qui était aussi marraine de Marguerite Martin, fille d'Abraham Martin l'Écossais.
Or, ce même Abraham, des plaines du même nom, était pilote royal et fils d'un riche importateur de tartelines (tartans) de Metz originaire de Dundee en Écosse.
En 1686, le 9 janvier, fut célébré à Pointe-aux-Tembles le mariage de Jean Bernardin LeSage, fils de Jean Martin dit, Le Sage, et de Catherine Bretel de Turin en Piémont, avec Barbe Sylvestre, fille de Nicolas Sylvestre, venu de la Champagne, et de Barbe Nepveu, fille de Jean Nepveu, propriétaire de cette partie des Plaines d'Abraham dite les "Buttes à Nepveu".
En 1724, Pierre Lesueur, fondateur et premier curé, s'installe à demeure dans le méandre de l'Assomption et la nouvelle paroisse prend le nom de Saint-Pierre-du-Portage. Vers 1760, plusieurs familles acadiennes récemment déportées par les "Bostounais" partagent le territoire avec les anciennes familles de Québec.
Le bourg devient alors le centre d'une région en pleine expansion.
Au début du 19e siècle, l'implantation de plusieurs industries (cuir, poterie, potasse, chapellerie) vient enrichir l'activité économique de la localité. À la même époque, la célèbre ceinture fléchée est tissée par les habitantes de L'Assomption selon la mode de chez nous.
Elle sera ensuite commercialisée à grande échelle par les compagnies de fourrures avec des laines importées car la laine du pays ne suffira pas à la demande.
Les petites tisserandes aux mains agiles de L'Assomption vont porter la renommée du vieux bourg dans toute l'Amérique.





L'authentique L'Assomption avec motifs en esses.



Art et motifs

Au Canada, comme en Islande, les motifs devaient être transmis de façon orale de mère en fille.
Les motifs variaient donc selon les clans, localités ou régions. Dans la région de Charlevoix, c'était les modèles 'V' et 'W' ; dans la région de Montréal / Deux-Montagnes, les têtes de flèches, et enfin, dans la région de L'Assomption, c'était les esses ou éclairs que l'on préférait.
Les motifs en losanges, chevrons, esses, 'v' et 'w' retrouvés sur les ceintures fléchées canadiennes y sont déjà dès le Moyen Âge sur celles des Vikings d'Islande et du Groenland.
Les Vikings, dans leurs razzias au XVe et XVIe siècles, vont débarquer sur les côtes de Bretagne pour y chercher le sel qui était une commodité rare dans leurs pays nordiques. Mme Genest Leblanc se demande si les Vikings avaient troqué avec les Bretons des bandes tissées avec motifs en chevron pour du sel.
Car, comme elle a pu vérifier, à Nantes, en Bretagne, il n'y avait qu'une seule ceinture au chevron en montre au musée des arts décoratifs du château des ducs de Bretagne.
Lors de sa visite, le conservateur des textiles lui a expliqué qu'il s'agissait d'une ceinture de paludière. Elle informa alors le conservateur que Jean Palardy avait écrit avoir vu bien des ceintures (dites fléchées) dans un musée en Bretagne.
Le conservateur vérifia ensuite auprès de tous les autres musées de Bretagne et aucun ne déclara avoir de telles ceintures. Et comme elle dit, "nous avons fouillé dans tous les tiroirs et rien…".

En 1984, en tant que recherchiste pour une exposition de fléchés pour la ville de Montréal, elle a essayé d'emprunter la ceinture de paludière mais le musée breton a refusé puisque c'était une pièce beaucoup trop rare et unique. Une seule autre comme celle-là a pu être trouvée dans un musée de Paris, et suite à sa demande, pour la même raison, le prêt lui a été refusé. Elle a donc dû se contenter d'un document photographique.

Comme dit Mme Genest Leblanc :
"Je n'en saurai pas plus sur les ceintures en Bretagne. J'aurais aimé consulter les écrits du Breton Bachelot de la Pylaie, rédigés à son retour de Terre-Neuve en 1816 (la vie quotidienne des marchés, le costume, rien ne lui échappe de son coin de pays... )".



La ceinture du célèbre patriote Chénier est remarquable par la beauté de l'harmonie des motifs en chevrons assemblés en quatre à six bandes étroites cousues les unes aux autres.

À partir des 1800, toutes les belles ceintures retrouvées dans les musées, autant canadiens, européens ou américains, sont de laine colorée worsted importée, comme en font foi les commandes relevées dans les livres de compte de la Hudson Bay Company.

C'est donc à partir du XVIIIe siècle, soit 1776, qu'il est noté par plusieurs visiteurs britanniques et allemands que les Canadiens portent avec le capot d'étoffe du pays une ceinture colorée (qu'on devine ornée de chevrons).
En 1805, John Lambert, un visiteur britannique , remarque cette ceinture colorée, parfois décorée de perles et portée par cinq habitants sur six.
Curieusement, l'origine de la ceinture colorée est ignorée par ces mêmes Canadiens.
En 1897, Pierre Poulin colporte que les femmes de l'Assomption, voulant imiter les tartans des Irlandais, l'ont créée pour les voyageurs de l'Ouest.
Il semble totalement ignorer ce qu'ont écrit les visiteurs britanniques et allemands.

Pour conclure, mentionnons que c'est surtout grâce aux efforts de l'ethnologue Marius Barbeau que cet art du métier traditionnel a pu être sauvé de l'oubli.



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Notes

1. A cette époque on ne peut pas encore parler de ceintures Assomption car elles n'existaient pas encore.
Les ceintures de 2, 4 et 6 pouces et les ceintures les plus chères et en très petite quantité s'appelaient alors North West Sashes.
Le lapsus est de Barbeau qui s'était permis d'ajouter le qualificatif Assomption à des ceintures de 1790 car le nom Assomption n'apparaît pas dans les livres de compte de la N.W.C..



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Remerciements

Mes plus sincères remerciements à Monique Genest Leblanc, qui a aimablement puisé pour moi dans ses notes de recherche qui ont servi à la rédaction de son mémoire de maîtrise et de sa thèse de doctorat en ethnologie.
Elle est artisane du fléché depuis 1968 et elle effectue des recherches sur l'origine et l'histoire du tissage aux doigts depuis 1972.




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Sources :

Aubert de Gaspé, Philippe. L’influence d’un livre, Bibliothèque québécoise, 1995.

Barbeau, Marius. La ceinture fléchée, Éditions Paysana, 1945.

Bourret, Françoise, Lavigne, Lucie. Le Fléché, Les Éditions de l'Homme, Montréal, 1973.

Brown, Craig. Histoire générale du Canada, édition française dirigée par Paul-André Linteau, Éditions du Boréal, Montréal, 1990.

Duval LeMyre, Danielle. L'Assomption, Québec, son histoire, ses familles ancienne, http://www. Geocites.com/daniella.geo/assoption.html

Genest Leblanc, Monique. Sujet : ceinture fléchée. Courriel daté du 01, 10, 2004.


Hamelin, Véronique L. Le fléché authentique du Québec, éditions Léméac Montréal. http://iquebec.ifrance.com/dmij/traditions.html ___________________________________________ Bibliographie complète de Monique Genest leblanc

http://simm.qc.ca/leblamon/
leblamon@stjeannet.ca
Monique LeBlanc Ph.D.Ethnologue


________________________________

J'apprends à flécher
ed. René Ferron
1973

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Parle-moi de la ceinture fléchée!
ed. Fides
1977

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Le tissage aux doigts
ed. Solarama
1981

___________________________________

Une jolie ceinture à flesche
Sa présence au Bas-Canada,
son cheminement vers l'Ouest,
son introduction chez les Amérindiens.

ed. Les Presses de l'Université Laval
2003

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La ceinture fléchée au Québec :
présence et particularités

Mémoire de Maîtrise
(non publié)
1991(Un. Laval)

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Introduction de la ceinture fléchée chez les Amérindiens :
création d'un symbole de statut social
Thèse de doctorat
(non publiée)
1996(Un. Laval)


______________________________________

Barbeau, Marius. La ceinture fléchée, Éditions Paysana, 1945.

_______________________________________

Bourret, Françoise, Lavigne, Lucile. Le Fléché, Les Éditions de l'Homme, Montréal, 1973.

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POUR EN SAVOIR PLUS...

SITES EN LIEN :

La ceinture fléchée traditionnelle de l'Assomption

Site des danseurs et musiciens de l'Île Jésus inc.