La clinique du pervers

"Selon P-C. Racamier [P-C. Racamier - Le génie des origines – Paris, Payot, 1992 - p.279 à 330], les perversions narcissiques font faire au sujet des économies de travail psychique, dont la note est à payer par autrui. Les objets sont utilisés par le pervers narcissique comme verrou, faire-valoir et par la même disqualifiés en tant que personne. La relation perverse se caractérise par deux phases successives : une séduction perverse et ensuite une violence perverse, avec comme intermédiaire une communication perverse particulière. Le pervers narcissique séduit en détournant la réalité pour corrompre et subordonner, afin d’amener l’autre sous influence. Il refuse la communication directe, déforme le langage, il ment, et manie le sarcasme, la dérision et le mépris. Lorsque l’autre réagit, l’agresseur éprouve un sentiment de panique (il lui échappe), alors il se déchaîne. Le psychanalyste P-C. Racamier a été un des premiers a décrire la notion de pervers narcissique, mais des auteurs comme A. Eiguer ont ensuite tenté d’en donner une définition : « les individus pervers narcissiques sont ceux qui sous l’influence de leur soi grandiose, essaient de créer un lien avec un deuxième individu, en s’attaquant tout particulièrement à l’intégrité narcissique de l’autre afin de le désarmer. Ils s’attaquent aussi à l’amour de soi, à la confiance en soi, à l’auto-estime et à la croyance en soi de l’autre. En même temps, ils cherchent à faire croire que le lien de dépendance de l’autre envers eux est irremplaçable et que c’est l’autre qui le sollicite ». M.F Hirigoyen associe le harcèlement moral à ce type de violence perverse au quotidien [M.F. Hirigoyen - Le harcèlement moral –La violence perverse au quotidien.- Paris, Pocket, 1990]. Au sein de la cellule familiale, toutes ces attitudes discordantes, bizarres et violentes peuvent aussi être considérées comme une maltraitance psychologique..."

Une population standard comporte environ 4% de pervers, selon un ouvrage américain sur les styles de management. La question fondamentale est : pourquoi certaines victimes de pervers deviennent-elles des pervers ? La réponse est-elle dans HIRIGOYEN ? : "Quand il n'y a pas la vie, il faut tenter de se l'approprier ou, si c'est impossible, la détruire pour qu'il n'y ait de vie nulle part... Les pervers agressent l'autre pour sortir de la condition de victime qu'ils ont connue dans leur enfance. Dans une relation, cette attitude de victime séduit un partenaire qui veut consoler, réparer, avant de le mettre dans une position de coupable [cf analyse transactionnelle]. Lors des séparations, les pervers se posent en victimes abandonnées, ce qui leur donne le beau rôle et leur permet de séduire un autre partenaire, consolateur. "

Les pervers ont les caractéristiques suivantes :
- ils cultivent une image favorable de dévouement qui trompe une partie de leurs interlocuteurs et une pratique du double lien paradoxal qui vise à détruire leurs proies.
- ils s’excitent par phases, par bouffées de montée de sadisme et de besoin non maîtrisable d’empalement de victimes dans leur boîte d’insecte : cette phase d’excitation se traduit par des signes physiques (un pervers se mord la lèvre inférieure lors de ses phases d’empalement pour ne pas crier son orgasme, un autre est très facilement décodable parce qu’il prend un air sombre lorsqu’il amorce ses phases d’empalement ; cf "la signature" dans l'ouvrage « Le harcèlement psychologique » de Daniel et Kathleen RHODES).
- un pervers se nourrit des réactions de détresse ou de colère de ses victimes qui le font exister.
- le pervers « éprouve un plaisir compulsif à semer le chaos dans l’esprit des gens » (Daniel et Kathleen RHODES « Le harcèlement psychologique »). Par exemple, un pervers donne à un salarié le texte suivant : « … une proposition qui peut être vraie ou fausse peut aussi n’être ni vraie, ni fausse, comme l’illustre le mathématicien M.Gonseth dans son amusante parabole des géants subtils et cruels [là, le sadisme est officialisé par le mot amusante et l’ego surdimensionné par le mot « géants »]. Dans une île vivait une race de géants forts subtils et cruels. Parce qu’ils étaient cruels, ils mettaient à mort tout étranger qui abordait chez eux ; parce qu’ils étaient subtils, ils avaient imaginé de lui faire prononcer lui-même sa condamnation. Ils lui posaient une question, et si la réponse était vraie, ils l’immolaient à l’Idole de la Vérité ; si elle était fausse, ils l’immolaient à l’Idole du Mensonge. Or, il arriva qu’un jour il arriva qu’ils posèrent à un étranger encore plus subtil qu’eux la question imprudente : Quel sera votre sort ? L’étranger répondit : vous me sacrifierez à l’idole du mensonge. Sur quoi le Conseil entra en discussion : Cet homme avait-il dit la vérité ? Si sa réponse est vraie, il faudra l’immoler à l’Idole du Mensonge et par conséquent sa réponse serait fausse . Si sa réponse est fausse, il faudrait l’immoler à l’Idole de la Vérité et par conséquence sa réponse serait vraie…»
- le pervers se liquéfie lorsqu’il est décodé, selon le psychiatre Eric FROMM dans « La passion de détruire ».

http://clusty.com/search?input-form=clusty-simple&v%3Asources=webplus&query=pervers+narcissique

En l’occurrence, l’essentiel est de décoder le comportement.

Erich FROMM « La passion de détruire » page 330 sur la rupture des fiançailles de son frère par HIMMLER « … Il se contenta au début de critiquer son frère… pour l’insuffisance de son héroïsme [son frère avait été décoré de la Croix de Fer de première classe !]… [puis HIMMLER s’impose comme « médiateur » moralisateur entre son frère Gebhard et sa fiancée Paula] Heinrich triompha tout en méprisant le manque de résistance de son frère. C’était, dit-il , « comme s’il [Gebhard] n’avait pas d’âme ». [double injonction paradoxale]. Ce jeune homme de vingt-quatre ans avait réussi à briser son, père, sa mère et son frère aîné et à s’imposer comme dictateur virtuel de la famille… chaque fois que ses parents ou Gebhard mettaient de la mauvaise volonté à aller jusqu’au bout de la rupture, Heinrich se hâtait d’augmenter sa pression… Il voulait perdre la réputation de la jeune fille et, pour humilier ses parents, son frère et la famille de Paula, il insista pour que soi rendus tous les cadeaux qui avaient été échangé… HIMMLER avait remporté une victoire complète et avait rendu tout le monde malheureux. Dans la plupart des cas, l’histoire en serait resté là, mais pas avec Heinrich HIMMLER. Il engagea un détective privé pour surveiller la conduite de Paula… HIMMLER profita de l’occasion pour humilier encore davantage la famille de Paula en lui retournant d’autres cadeaux qu’il avait reçu de la famille et qu’il avait soi-disant omis de rendre… Il porta son dernier coup… en écrivant à des amis communs. Il leur demandait de dire à Paula de cesser de se répandre en méchanceté sur les HIMMLER et il terminait par une mise en garde : il était un chic type, mais « je peux devenir tout à fait différent si on m’y oblige. Alors, je ne me laisserai arrêter par aucun faux sentiment de pitié et je continuerai jusqu’à ce que l’adversaire soit socialement et moralement banni des rangs de la société ». (cf affaire Alègre)

Serge HEFEZ définit ainsi un des profils de pervers : « L'adulte pervers était un enfant qu'on n'a pas protégé. Il en a conclu qu'il n'y avait pas de différence entre lui et l'adulte, qu'il n'y a pas de loi, le père étant dévalorisé, ridicule … L'enfant n'a aucune raison de s'identifier à lui. Sa loi ne marche pas… L'abandonnisme est majeur… Sa mère était imprévisible... Deux notions importantes chez le pervers : enfant qu'on n'a pas respecté, et composante abandonnique. » Exemple : victime d’un aumônier pédocriminel, il est obsédé par la castration des arbres. L’air sombre, pris à la vue d’arbres poussant librement, est le premier signal d’alarme d’un comportement étrange. Il s’attaque d’abord à sa belle-sœur, celle-ci ayant émis un doute sur le lieu d’un évènement familial (c’est la belle-sœur qui avait raison, mais seul un thème d’empalement, était recherché). Commence alors une série de dépôts à la chaîne de lettres d’empalement de ses proches à 10 heures du soir en catimini sur la table de la cuisine : lettres de demandes de demandes de pardon. Antérieurement, il s'était moqué de sa belle-soeur, handicapée du genou, en la laissant porter de lourdes caisses devant lui sans lever le petit doigt et en s'étalant sur son fauteuil, en commentant ainsi : "Qu'il est doux d'être en vacances !". La première lettre reproche à la belle-sœur de « le faire passer pour un menteur et un affabulateur devant la famille » : la famille concernée ce sont les propres enfants de la belle-sœur qu’il met lui-même en cause devant les propres enfants de celle-ci et son frère, mari de celle-ci, qui contemple la scène abasourdi. Le pervers reproche, à cette occasion, à cette belle-soeur qui lui avait dit qu'elle avait fini par avoir de l'affection pour sa belle-mère imprévisible (qu'elle avait précisément recadrée dès les premières années de son mariage) : "Et tu as dit que tu l'aimais !". Le tout pour un passé remontant à un demi-siècle en arrière... Episode suivant, le pervers, qui traite son propre père de collabo, ne supporte pas (en l’occurrence n’importe quel prétexte aurait été bon en phase d’empalement) que sa belle-sœur, fille de déporté, lui mentionne que son père, déporté à Dachau, lui disait que les communistes avaient un traitement de faveur à Dachau. L’air sombre annonce à nouveau une phase d’empalement : à 10 heures du soir le pervers redépose un courrier à la cuisine… contre son frère (« si nos frères connaissaient ton comportement » !) lui reprochant un scénario proposé sans demander à voir le dossier technique disponible (en l’occurrence n’importe quel prétexte aurait été bon en phase d’empalement). Ce pervers a pour caractéristique d’exiger des demandes de pardon tous azimuts, ne se rendant pas compte que l’aumônier et son père «ex-collabo», qui ne l’aurait pas soutenu, sont morts depuis lontemps et que ses proches au travail et en famille n’y peuvent rien. Ce pervers est extrêmement décodable parce que, en phase compulsive d'empalement, il aborde un air sombre qui est sa signature maladroite. A demi-conscient, il déclare à son frère : "Rends-moi mes lettres, tu vas me faire un procès." (le frère en tombe sur le cul). Ce pervers avait fui comme un lapin son dernier emploi en organisme caritatif suite à un conflit : y avait-il eu réactions de victimes non dupes et non consentantes (une demande de pardon aurait été obtenu du président de la structure caritative)? Ce pervers peut compter sur une parente qui, devant le lit où sa belle-mère venait de mourir, parlait de récupérer sa commode à la maison de retraite.
https://www.angelfire.com/wizard2/solidaires/pervers.html

Autre témoignage sur le web :
""Bonjour, Je souffre d'entendre tes propos rapportés. Tu souhaites te venger !? C'est absolument insupportable ! Je te rappelle que tu ne sais même pas écrire ce que tu me reproches, que n'importe quel psy sensé te dirait qu'il est impossible de refouler un tel acte après un certain âge que tu vis avec un mec qui s'est présenté comme adorant te sodomiser, qui a encouragé XXX(la fille de la victime agée de 6 ans à l'époque) de dire à Maman qu'elle adorait gourdiner, qui a traité XXX(la fille de la victime) de future putain (c'est enregistré sur bande) que ta dernière fille demandait le dernier jour que je l'ai vu de toucher sa quéquette. Mais le pervers, le frère incestueux, c'est moi, transformé en monstre en à peine 3 mois. Ne pas supporter l'autorité = frère incestueux ?! Depuis que tu fréquentes ton ami qui se fait passé pour un enchanteur (un sale type, oui), tu as eu des relations de plus en plus tordues avec ta famille, un comportement anormal qui consiste à demander, à réclamer et à cracher dans la soupe. Depuis longtemps, je n'avais plus envie de venir te voir : crois-tu agréable qu'un enfant de 3 ans te traite de con ? ou te dise que tu pues de la gueule ? Qui a appris ces mots à tes filles ? Pour XXX(la fille de la victime), j'ai un dossier de cent pages à lui faire lire sur le cabinet que tu fréquentes. Le fameux dessin qui a tout déclenché... En fait, depuis longtemps, le processus qui te conduisait à te venger de YYY(l'ex compagnon de la victime) était en route. Et à ce moment, tu suivais déjà les conseils de cette nulle de psy qui un jour je n'en doute pas sera condamnée. Je te rappelle que le docteur qui dirige ce centre a été rappelé à l'ordre plus de 6 fois par l'ordre des médecins -il aurait même été suspendu d'exercer - que ta chère éducatrice spé est absolument décriée dans le monde de la petite enfance. C'est cinéma et publicité. Tu es sans doute malade, en fait une fille obsessionnelle très mal entourée, très mal conseillée. Mais ce n'est pas ma faute. Car une victime ne peut pas aider son bourreau. Tu pleures ton passé. Aujourd'hui, tu as déjà fait pire que Papa. Tu as détruit le père de ta fille. Tu as déjà partiellement bousillé l'avenir de XXX(la fille de la victime). Tu fait souffrir Maman. Et tu veux à présent détruire ma vie. Quelle thérapie ! "Je vais très bien, je le jure". "J'ai été très bien soignée". Je t'envoie une photo de moi. Peut-être te rendras-tu compte que je n'ai rien d'un monstre. Il est encore temps pour toi de te soigner. Il n'y a pas que des charlatans dans le domaine de la psy. Je souffre depuis 2 ans et je sais qu'il y a peu d'espoir que tu t'en sortes si tu ne décides pas rapidement de te soigner. Regarde bien la photo de ta victime." La lettre est signée, suivi d'une photo de l'homme arborant un sourire complaisant. Cette lettre saura mettre des images et des émotions sur ces concepts.

« Le harcèlement psychologique » de Daniel et Kathleen RHODES : « … J’ai pris conscience de détails caractéristiques et de scénarios récurrents… Certaines personnes… sucent l’énergie de leurs victimes afin d’accroître la leur… L’empilement consiste en une accumulation de petits incidents agressants sans lien les uns avec les autres… L’interaction est compulsive : le prédateur reproduit sans cesse le même comportement [en référence à l'Ecole de Palo Alto, les "jeux sans fin" et les "toujours plus de la même chose"]… un effet négatif vaut mieux que pas d’effet du tout… »

Site de Serge HEFEZ psychiatre : « Les pervers narcissiques n'éprouvent aucun respect pour les autres, qu'ils considèrent comme des objets utiles à leurs besoins de pouvoir, d'autorité, ou servant leurs intérêts. Il font des promesses qu’il ne tiendront pas, sachant que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Pris en flagrant délit de mensonge, ils sont capables de nier avec un aplomb hors du commun... Charité bien ordonnée commençant toujours par soi-même, ils savent parfaitement et farouchement défendre leurs intérêts dont ils ont toujours une vision très claire. Ils essaient de profiter à chaque instant de toutes les opportunités, de toutes les personnes rencontrées, et ces personnes sont systématiquement instrumentalisées pour en tirer, autant que possible, avantage pour eux. Comme pour tous les narcissiques, tout leur est dû. Ils n'admettent aucune remise en cause et aucun reproche. Les pervers narcissiques sont incapables d’aimer les autres. Dans leur immense majorité, ils n’ont aucune «humanité», aucun sentiment humain, aucun état d’âme, aucun affect. Ils sont froids et calculateurs, totalement indifférents à la souffrance d’autrui. Mais tout en étant, le plus souvent, incapables d’avoir des sentiments humains, ils simuleront le fait d’être emplis, en apparence, de bons sentiments et d’une sincère empathie pour autrui. Les déceptions entraînent chez eux de la colère ou du ressentiment avec un désir de revanche. Cela explique la rage destructrice qui s'empare d'eux lors des séparations. Quand un pervers perçoit une blessure narcissique (défaite, rejet), il ressent un désir illimité d'obtenir une revanche. Ce n'est pas, comme chez un individu coléreux, une réaction passagère et brouillonne, c'est une rancune inflexible, implacable à laquelle le pervers applique toutes ses forces et ses capacités de raisonnement. Et alors, il n’aura de cesse d’assouvir son dessein de vengeance. Les pervers narcissiques ont souvent besoin de haïr pour exister. La haine peut être chez eux un moteur très puissant. Souvent, le pervers narcissique est quelqu'un qui n'a jamais été reconnu dans sa personnalité propre, qui a été victime d’investissement narcissique important de la part de ses parents et qui a été obligé de se construire un jeu de personnalités (factices), pour se donner l'illusion d'exister. Du fait d’une histoire personnelle, où il ont été, par exemple le bras armé d’un de leurs parents, les pervers n'ont pas pu se réaliser. Ils observent alors avec envie ce que d'autres qu'eux ont pour y parvenir. Les pervers narcissiques ne sont jamais sincères, toujours menteurs. Ils peuvent aussi bien dire la vérité que mentir avec aplomb. Le plus souvent, ils effectuent de sensibles falsifications de la vérité, qu'on ne peut pas vraiment qualifier de mensonges, et encore moins de constructions délirantes. Mélanger le mensonge, la sincérité et la franchise —ce qui est, pour l'autre, très déstabilisant— fait partie de leur jeu. Le déni (de leurs défauts, de l'autre) leur permet de «s'aimer» (et de s’aimer toujours plus). Ils se mentent à eux-mêmes, sur leur vraie valeur, sur ce qu’ils sont réellement. A certains moments, ils finissent par croire à leur mensonge, à d’autres, ils en ont conscience. C’est toute l’ambivalence de la pathologie mythomane. Le pervers narcissique est un «comédien né». Ses mensonges à force d’entraînement sont devenus chez lui une seconde nature. Sa palette de personnalités, de personnages, d’émotions feintes est étonnante. L’éventail de son jeu d’acteur est infini, sans cesse renouvelé. Il donne le plus souvent l’image d'une personne parfaitement calme, ne s’énervant jamais. Le pervers narcissique est le plus souvent doté d’une combativité extrême et d’une capacité de rebond remarquable. Sa mégalomanie, son narcissisme, voire sa paranoïa, renforcent cette combativité. Souvent immensément orgueilleux, voire mégalomane, le pervers narcissique aime gagner, à tout prix, sans fin, et ne peut admettre, une seule fois, de perdre. Il est prêt à tout, même aux coups les plus retors, pour ne jamais perdre. Le pervers est comme un enfant gâté. S’il ne rencontre pas de résistance, il ira toujours plus loin. A la longue cette tendance, qui peut lui assurer une dynamique du succès pendant un certain temps, devient une addiction. Signe de sa mégalomanie, elle la renforce en retour, et l'amène à ne plus pouvoir tolérer la moindre frustration ou contradiction. «Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose !» (Beaumarchais). Le pervers narcissique a le talent de diffamer sans avoir l’air d'y toucher, prudemment, en donnant l’apparence de l’objectivité et du plus grand sérieux, comme s’il ne faisait que rapporter des paroles qui ne sont pas les siennes. Souvent il ne porte pas d’accusation claire, mais se contente d'allusions voilées, insidieuses. A la longue, il réussira à semer le doute, sans avoir jamais prononcé une phrase qui pourrait le faire tomber sous le coup d’une accusation de diffamation.

"Le bourreau ou "pervers narcissique" suivant la pathologie dressée par Mme Hirigoyen, peut être un homme ou une femme ; la violence morale n'est pas l'apanage des seuls hommes, bon nombre de femmes sont des tyrans domestiques ; les médias donnent trop souvent l'impression que les harceleurs sont tous des hommes et nous devons bannir ce jugement erroné, les hommes victimes ont tout simplement plus de mal à parler de leurs souffrances. Quel que soit son sexe, son âge, sa nationalité, le bourreau a toujours le même comportement, il vampirise sa victime, buvant son énergie vitale. On peut mettre des années avant de se rendre compte du processus de destruction mis en place. Au commencement il peut n'y avoir que des petites brimades, des phrases anodines mais méprisantes, pleines de sous entendus blessants, avilissants, voir violents, c'est la répétition constante de ces actes qui rend l'agression évidente. Souvent un incident vient déclencher la crise qui amène l'agresseur à dévoiler son piège ; en règle générale, c'est la prise de conscience de la victime, et ses sursauts de révolte, qui vont déclencher le processus de mise à mort : car il peut y avoir véritable mise à mort psychique, où l'agresseur n'hésitera pas à employer tous les moyens pour parvenir à ces fins: anéantir sa proie. Le "pervers narcissique" est une personne totalement dépourvue d'empathie, qui n'éprouve aucun respect pour les autres, qu'il considère comme des objets utiles à ses besoins de pouvoir, d'autorité. Il a besoin d'écraser pour exister : et la proie rêvée reste l'enfant fragile et malléable, avec sa confiance illimitée et sa soif d'amour et de reconnaissance. Le bourreau ne possède pas de personnalité propre, elle est forgée sur des masques dont il change suivant les besoins, passant de séducteur paré de toutes les qualités, à celui de victime faible et innocente, ne gardant son véritable visage de démon que pour sa victime. Et encore peut il jouer avec elle au chat et à la souris, faisant patte de velours pour mieux la tenir, puis sortant ses griffes lorsqu'elle cherche à s'évader. Ce sont souvent des êtres doués d'une intelligence machiavélique, leur permettant d'élaborer des pièges très subtils. Ils culpabilisent à outrance leur proie, ne supportent pas d'avoir tort, sont incapables de discussions ouvertes et constructives ; ils bafouent ouvertement leur victime, n'hésitant pas à la dénigrer, à l'insulter autant que possible sans témoins, sinon ils s'y prennent avec subtilité, par allusions, tout aussi destructrices, mais invisibles aux regards non avertis. Méfions-nous de son apparence séduisante. Le pervers narcissique est un vampire, sans affect, qui aspire la substance vitale de sa victime jusqu'à l'anéantir. Un Narcisse, au sens du Narcisse d'Ovide, est quelqu'un qui croit se trouver en se regardant dans le miroir. Sa vie consiste à chercher son reflet dans le regard des autres. L'autre n'existe pas en tant qu'individu mais en tant que miroir. Un Narcisse est une coque vide qui n'a pas d'existence propre ; c'est un pseudo, qui cherche à faire illusion pour masquer son vide. Son destin est une tentative pour éviter la mort. C'est quelqu'un qui n'a jamais été reconnu comme un être humain et qui a été obligé de se construire un jeu de miroirs pour se donner l'illusion d'exister. Comme un kaléidoscope, ce jeu de miroirs a beau se répéter et se multiplier, cet individu reste construit sur du vide. Le Narcisse, n'ayant pas de substance, va se brancher sur l'autre et, comme une sangsue, essayer d'aspirer sa vie. Etant incapable de relation véritable, il ne peut le faire que dans un registre pervers, de malignité destructrice. Incontestablement, les pervers ressentent une jouissance extrême, vitale, à la souffrance de l'autre et à ses doutes, comme ils prennent plaisir à asservir l'autre et à l'humilier. Tout commence et s'explique par le Narcisse vide, construction en reflet, à la place de lui-même et rien à l'intérieur, de la même manière qu'un robot est construit pour imiter la vie, avoir toutes les apparences ou toutes les performances de la vie, sans la vie. Le dérèglement sexuel ou la méchanceté ne sont que les conséquences inéluctables de cette structure vide. Comme les vampires, le Narcisse vide a besoin de se nourrir de la substance de l'autre. Quand il n'y a pas la vie, il faut tenter de se l'approprier ou, si c'est impossible, la détruire pour qu'il n'y ait de vie nulle part. Les pervers narcissiques sont envahis par un autre dont ils ne peuvent se passer. Cet autre n'est même pas un double, qui aurait une existence, seulement un reflet d'eux-mêmes. D'où la sensation qu'ont les victimes d'être niées dans leur individualité. La victime n'est pas un individu autre, mais seulement un reflet. Toute situation qui remettrait en question ce système de miroirs, masquant le vide, ne peut qu'entraîner une réaction en chaîne de fureur destructrice. Les pervers narcissiques ne sont que des machines à reflets qui cherchent en vain leur image dans le miroir des autres. Ils sont insensibles, sans affect. Comment une machine à reflets pourrait-elle être sensible? De cette façon, ils ne souffrent pas. Souffrir suppose une chair, une existence. Ils n'ont pas d'histoire puisqu'ils sont absents. Seuls des êtres présents au monde peuvent avoir une histoire. Si les pervers narcissiques se rendaient compte de leur souffrance, quelque chose commencerait pour eux. Mais ce serait quelque chose d'autre, la fin de leur précédent fonctionnement. Les pervers narcissiques sont des individus mégalomanes qui se posent comme référents, comme étalon du bien et du mal, de la vérité. On leur attribue souvent un air moralisateur, supérieur, distant. Même s'ils ne disent rien, l'autre se sent pris en faute. Ils mettent en avant leurs valeurs morales irréprochables qui donnent le change et une bonne image d'eux-mêmes. Ils dénoncent la malveillance humaine. Ils présentent une absence totale d'intérêt et d'empathie pour les autres, mais ils souhaitent que les autres s'intéressent à eux. Tout leur est dû. Ils critiquent tout le monde, n'admettent aucune mise en cause et aucun reproche. Face à ce monde de pouvoir, la victime est forcément dans un monde de failles. Montrer celles des autres est une façon de ne pas voir ses propres failles, de se défendre contre une angoisse d'ordre psychotique. Les pervers entrent en relation avec les autres pour les séduire. On les décrit souvent comme des personnes séduisantes et brillantes. Une fois le poisson attrapé, il faut seulement le maintenir accroché tant qu'on en a besoin. Autrui n'existe pas, il n'est pas vu, pas entendu, il est seulement utile. Dans la logique perverse, il n'existe pas de notion de respect de l'autre. La séduction perverse ne comporte aucune affectivité, car le principe même du fonctionnement pervers est d'éviter tout affect. Le but est de ne pas avoir de surprise. Les pervers ne s'intéressent pas aux émotions complexes des autres. Ils sont imperméables à l'autre et à sa différence, sauf s'ils ont le sentiment que cette différence peut les déranger. C'est le déni total de l'identité de l'autre, dont l'attitude et les pensées doivent être conformes à l'image qu'ils se font du monde. La force des pervers est leur insensibilité. Ils ne connaissent aucun scrupule d'ordre moral. Ils ne souffrent pas. Ils attaquent en toute impunité car même si, en retour, les partenaires utilisent des défenses perverses, ils ont été choisis pour n'atteindre jamais à la virtuosité qui les protégerait. Les pervers peuvent se passionner pour une personne, une activité ou une idée, mais ces flambées restent très superficielles. Ils ignorent les véritables sentiments, en particulier les sentiments de tristesse ou de deuil. Les déceptions entraînent chez eux de la colère ou du ressentiment avec un désir de revanche. Cela explique la rage destructrice qui s'empare d'eux lors des séparations. Quand un pervers perçoit une blessure narcissique (défaite, rejet), il ressent un désir illimité d'obtenir une revanche. Ce n'est pas, comme chez un individu coléreux, une réaction passagère et brouillonne, c'est une rancune inflexible à laquelle le pervers applique toutes ses capacités de raisonnement. Les pervers, tout comme les paranoïaques, maintiennent une distance affective suffisante pour ne pas s'engager vraiment. L'efficacité de leurs attaques tient au fait que la victime ou l'observateur extérieur n'imaginent pas qu'on puisse être à ce point dépourvu de sollicitude ou de compassion devant la souffrance de l'autre. Le partenaire n'existe pas en tant que personne mais en tant que support d'une qualité que les pervers essaient de s'approprier. Les pervers se nourrissent de l'énergie de ceux qui subissent leur charme. Ils tentent de s'approprier le narcissisme gratifiant de l'autre en envahissant son territoire psychique. Le problème du pervers narcissique est de remédier à son vide. Pour ne pas avoir à affronter ce vide (ce qui serait sa guérison), le Narcisse se projette dans son contraire. Il devient pervers au sens premier du terme: il se détourne de son vide (alors que le non pervers affronte ce vide). D'où son amour et sa haine pour une personnalité maternelle, la figure la plus explicite de la vie interne. Le Narcisse a besoin de la chair et de la substance de l'autre pour se remplir. Mais il est incapable de se nourrir de cette substance charnelle, car il ne dispose même pas d'un début de substance qui lui permettrait d'accueillir, d'accrocher et de faire sienne la substance de l'autre. Cette substance devient son dangereux ennemi, parce qu'elle le révèle vide à lui-même. Les pervers narcissiques ressentent une envie très intense à l'égard de ceux qui semblent posséder les choses qu'ils n'ont pas ou qui simplement tirent plaisir de leur vie. L'appropriation peut être sociale, par exemple séduire un partenaire qui vous introduit dans un milieu social que l'on envie: haute bourgeoisie, milieu intellectuel ou artistique... Le bénéfice de cette opération est de posséder un partenaire qui permet d'accéder au pouvoir. Ils s'attaquent ensuite à l'estime de soi, à la confiance en soi chez l'autre, pour augmenter leur propre valeur. Ils s'approprient le narcissisme de l'autre. Pour des raisons qui tiennent à leur histoire dans les premiers stades de la vie, les pervers n'ont pas pu se réaliser. Ils observent avec envie que d'autres individus ont ce qu'il faut pour se réaliser. Passant à côté d'eux-mêmes, ils essaient de détruire le bonheur qui passe près d'eux. Prisonniers de la rigidité de leurs défenses, ils tentent de détruire la liberté. Ne pouvant jouir pleinement de leur corps, ils essaient d'empêcher la jouissance du corps des autres, même chez leurs propres enfants. Etant incapables d'aimer, ils essaient de détruire par cynisme la simplicité d'une relation naturelle. Pour s'accepter, les pervers narcissiques doivent triompher et détruire quelqu'un d'autre en se sentant supérieurs. Ils jouissent de la souffrance des autres. Pour s'affirmer, ils doivent détruire. Il y a chez eux une exacerbation de la fonction critique qui fait qu'ils passent leur temps à critiquer tout et tout le monde. De cette façon, ils se maintiennent dans la toute-puissance : Si les autres sont nuls, je suis forcément meilleur qu'eux. Le moteur du noyau pervers, c'est l'envie, le but de l'appropriation. L'envie est un sentiment de convoitise, d'irritation haineuse à la vue du bonheur, des avantages d'autrui. Il s'agit d'une mentalité d'emblée agressive qui se fonde sur la perception de ce que l'autre possède et dont on est dépourvu. Cette perception est subjective, elle peut même être délirante. L'envie comporte deux pôles : l'égocentrisme d'une part et la malveillance, avec l'envie de nuire à la personne enviée, d'autre part. Cela présuppose un sentiment d'infériorité vis-à-vis de cette personne, qui possède ce qui est convoité. L'envieux regrette de voir l'autre posséder des biens matériels ou moraux, mais il est plus désireux de les détruire que de les acquérir. S'il les détenait, il ne saurait pas quoi en faire. Il ne dispose pas de ressources pour cela. Pour combler l'écart qui sépare l'envieux de l'objet de sa convoitise, il suffit d'humilier l'autre, de l'avilir. Ce que les pervers envient, avant tout, c'est la vie chez l'autre. Ils envient la réussite des autres, qui les met face à leur propre sentiment d'échec, car ils ne sont pas plus contents des autres qu'ils ne le sont d'eux-mêmes; rien ne va jamais, tout est compliqué, tout est une épreuve. Ils imposent aux autres leur vision péjorative du monde et leur insatisfaction chronique concernant la vie. Ils cassent tout enthousiasme autour d'eux, cherchent avant tout à démontrer que le monde est mauvais, que les autres sont mauvais, que le partenaire est mauvais. Par leur pessimisme, ils entraînent l'autre dans un registre dépressif pour, ensuite, le lui reprocher. Le désir de l'autre, sa vitalité, leur montre leurs propres manques. On retrouve là l'envie, commune à bien des êtres humains, du lien privilégié que la mère entretient avec son enfant. C'est pour cela qu'ils choisissent le plus souvent leurs victimes parmi des personnes pleines d'énergie et ayant goût à la vie, comme s'ils cherchaient à s'accaparer un peu de leur force. L'état d'asservissement, d'assujettissement de leur victime à l'exigence de leur désir, la dépendance qu'ils créent leur fournit des témoignages incontestables de la réalité de leur appropriation. L'appropriation est la suite logique de l'envie. Les biens dont il s'agit ici sont rarement des biens matériels. Ce sont des qualités morales, difficiles à voler : joie de vivre, sensibilité, qualités de communication, créativité, dons musicaux ou littéraires... Lorsque le partenaire émet une idée, les choses se passent de telle façon que l'idée émise ne reste plus la sienne mais devient celle du pervers. Si l'envieux n'était pas aveuglé par la haine, il pourrait, dans une relation d'échange, apprendre comment acquérir un peu de ces dons. Cela suppose une modestie que les pervers n'ont pas. Les pervers narcissiques s'approprient les passions de l'autre dans la mesure où ils se passionnent pour cet autre ou, plus exactement, ils s'intéressent à cet autre dans la mesure où il est détenteur de quelque chose qui pourrait les passionner. On les voit ainsi avoir des coups de coeur puis des rejets brutaux et irrémédiables. L'entourage comprend mal comment une personne peut être portée aux nues un jour puis démolie le lendemain. Les pervers absorbent l'énergie positive de ceux qui les entourent, s'en nourrissent et s'en régénèrent, puis ils se débarrassent sur eux de toute leur énergie négative. La victime apporte énormément, mais ce n'est jamais assez. N'étant jamais contents, les pervers narcissiques sont toujours en position de victime, et la mère (ou bien l'objet sur lequel ils ont projeté leur mère) est toujours tenue pour responsable. Les pervers agressent l'autre pour sortir de la condition de victime qu'ils ont connue dans leur enfance. Dans une relation, cette attitude de victime séduit un partenaire qui veut consoler, réparer, avant de le mettre dans une position de coupable. Lors des séparations, les pervers se posent en victimes abandonnées, ce qui leur donne le beau rôle et leur permet de séduire un autre partenaire, consolateur. Les pervers se considèrent comme irresponsables parce qu'ils n'ont pas de subjectivité véritable. Absents à eux-mêmes, ils le sont tout autant aux autres. S'ils ne sont jamais là où on les attend, s'ils ne sont jamais pris, c'est tout simplement qu'ils ne sont pas là. Au fond, quand ils accusent les autres d'être responsables de ce qui leur arrive, ils n'accusent pas, ils constatent : puisque eux-mêmes ne peuvent être responsables, il faut bien que ce soit l'autre. Rejeter la faute sur l'autre, médire de lui en le faisant passer pour mauvais permet non seulement de se défouler, mais aussi de se blanchir. Jamais responsables, jamais coupables : tout ce qui va mal est toujours de la faute des autres. Ils se défendent par des mécanismes de projection : porter au crédit d'autrui toutes leurs difficultés et tous leurs échecs et ne pas se mettre en cause. Ils se défendent aussi par le déni de la réalité. Ils escamotent la douleur psychique qu'ils transforment en négativité. Ce déni est constant, même dans les petites choses de la vie quotidienne, même si la réalité prouve le contraire. La souffrance est exclue, le doute également. Ils doivent donc être portés par les autres. Agresser les autres est le moyen d'éviter la douleur, la peine, la dépression. Les pervers narcissiques ont du mal à prendre des décisions dans la vie courante et ont besoin que d'autres assument les responsabilités à leur place. Ils ne sont pas autonomes, ne peuvent se passer d'autrui, ce qui les conduit à un comportement collant et à une peur de la séparation ; pourtant, ils pensent que c'est l'autre qui sollicite la sujétion. Ils refusent de voir le caractère dévorant de leur accrochage à l'autre, qui pourrait entraîner une perception négative de leur propre image. Cela explique leur violence face à un partenaire trop bienveillant ou réparateur. Si au contraire celui-ci est indépendant, il est perçu comme hostile et rejetant. "

Serge HEFEZ définit ainsi l'issue pour les victimes pour s'en sortir :

« La première et plus importante des victoires est de sortir du champ d’influence du pervers narcissique. C’est là le point essentiel auquel de nombreuses personnes ne font pas assez attention. La seconde victoire consiste à dépasser la colère, car elle nourrit le lien avec le pervers et je dirais même qu’elle nourrit le pervers lui-même : il mesure l’attachement de l’autre à la colère que celui-ci lui manifeste, et la haine qu’on lui voue lui donne un sentiment de pouvoir et un semblant d’existence. Cette colère peut être aisément dépassée si l’on considère le vide intérieur profond et l’absence du vrai que vit le pervers : il n’est pas vrai, n’a pas de vraies relations… Mais au final, la vraie victime du pervers narcissique n’est autre que lui-même... Il cherche ultimement à se faire arrêter, car il sent au tréfond de lui-même qu’il est une menace pour le lien qui unit les êtres sociaux. Avec le temps le nombre de ses ennemis augmente et il finit toujours par se faire bannir de la société. »

Lorsque la séparation est provisoirement impossible, la seule solution est celle d'Erich FROMM : exposer le comportement du pervers sur la place publique. Pratiquer le Tit for tat de la Théorie des jeux.