1- " C'est donc une fausse louange qu'on donne à un homme quand on dit de lui, lorsqu'il entre, qu'il est fort habile en poésie ; et c'est une mauvaise marque, quand on n'a pas recours à un homme quand il s'agit de juger de quelques vers. " -PASCAL- pensée no.34
2- " Il faut qu'on n'en puisse dire, ni : " Il est mathématicien ", ni " prédicateur ", ni " éloquent ", mais " il est honnête homme ". Cette qualité universelle me plaît seule. Quant en voyant un homme on se souvient de son livre, c'est mauvais signe [...] " -PASCAL- pensée no.35
3- " [...] qu'on ne songe point qu'il parle bien. Sinon quand il s'agit de bien parler, mais qu'on y songe alors. " -PASCAL- pensée no.35
4- " Voulez-vous qu'on croie du bien de vous, n'en dites pas. " -PASCAL- pensée no.44
5- " Je me suis mal trouvé de ces compliments : " Je vous ai bien donné de la peine ; je crains de vous ennuyer ; je crains que cela soit trop long. " Ou on entraîne, ou on irrite. " -PASCAL- pensée no.57
6- " Sans cette excuse, je n'eusse point aperçu qu'il y eût d'injure [...] Il n'y a rien de mauvais que leur excuse. " -PASCAL- pensée no.84
7- " Ce n'est pas dans Montaigne, mais dans moi, que j'y trouve tout ce que j'y vois. " -PASCAL- pensée no.64
8- " Il faut se connaître soi-même : quand cela ne servirait pas à trouver le vrai, cela au moins sert à régler sa vie, et il n'y a rien de plus juste. " -PASCAL- pensée no.66
9- " D'où vient qu'un boiteux ne nous irrite pas, et un esprit boiteux nous irrite. À cause qu'un boiteux reconnaît que nous allons droit, et qu'un esprit boiteux dit que c'est nous qui boitons : sans????? nous en aurions pitié et non colère. " -PASCAL- pensée no.80
10- " [...] l'imagination a le grand don de persuader les hommes. La raison a beau crier, elle ne peut mettre le prix aux choses. " -PASCAL- pensée no.82
11- " L'imagination grossit les petits objets jusqu'à en remplir notre âme, par une estimation fantastique ; et, par une insolence téméraire, elle amoindrit les grands jusqu'à mesure, comme en parlant de Dieu. " -PASCAL- pensée no.99
12- " La coutume est une seconde nature qui détruit la première. Mais qu'est-ce que nature ? Pourquoi la coutume n'est-elle pas naturelle ? J'ai grand'peur que cette nature ne soit elle-même qu'une première coutume, comme la coutume une seconde nature. " -PASCAL- pensée no.100
13- " La chose la plus importante à toute vie est le choix du métier : le hasard en dispose [...] À force d'ouïr louer en l'enfance ces métiers, et mépriser tous les autres, on choisit ; car naturellement on aime la vérité, et on hait la folie [...] " -PASCAL- pensée no.101
14- " C'est une chose déplorable de voir tous les hommes ne délibérer que des moyens, et point de la fin. " -PASCAL- pensée no.101
15- " [...] nous haïssons la vérité, on nous la cache ; nous voulons être flattés, on nous flatte ; nous aimons à être trompés, on nous trompe. C'est ce qui fait que chaque degré de bonne fortune qui nous élève dans le monde nous éloigne davantage de la vérité, parce qu'on appréhende de plus de blesser ceux dont l'affection est plus utile et l'aversion plus dangereuse. " -PASCAL- pensée no.100
16- " Ainsi la vie humaine n'est qu'une illusion perpétuelle ; on ne fait que s'entre-tromper et s'entre-flatter. Personne ne parle de nous en notre présence comme il en parle en notre absence. " -PASCAL- pensée no.104
17- " Erreur ridicule de Rousseau : - Prendre pour une vérité une envie d'aller aux champs. - Prendre un mouvement et un moment de mouvement pour un "idéal". " -VALERY- Rhumbs, p.18 [Tel quel 2, idées, 1943]
18- " Celui qui, enchaîné à la ville, désire l'arbre et l'odeur des terres - il appelle Nature la campagne. Mais il y a d'atroces campagnes et il la voit toute fraîche et toute bonne. " -VALERY- Rhumbs, p.18
19- " L'imagination du désir ne voit jamais qu'un coin, - un fragment favorable des choses ... qui voit tout ne désire rien et tremble de bouger. " -VALERY- Rhumbs, p.18
20- " Je ne puis penser que la "Nature" était inconnue avant Rousseau ; ni la méthode avant Descartes ; ni l'expérience avec Bacon ; ni tout ce qui est évident avant quelqu'un. - Mais quelqu'un a battu le tambour. " -VALERY- Rhumbs, p.18
21- " Le jeu c'est : l'ennui peut délier ce que l'entrain avait lié. " -VALERY- Rhumbs, p.19
22- " La conscience semble un miroir d'eau d'où tantôt le ciel, tantôt le fond, viennent vers le spectateur [...] " -VALERY- Rhumbs, p.20
23- " L'art est aussi mauvais que l'amour. L'art et l'amour sont criminels en puissance, - ou ne sont pas. " -VALERY- Rhumbs, p.24
24- " [...] meurtre de soi-même qui est imposé par les circonstances [...] On supprime l'ensemble et l'avenir pour supprimer le détail et le présent. On supprime toute la conscience, parce qu'on ne sait pas supprimer telle penser. " -VALERY- Rhumbs, p.26
25- " L'histoire des hommes est une collection de solutions grossières. Toute nos opinions, la plupart de nos jugements, le plus grand nombre de nos actes sont de purs expédients. " -VALERY- Rhumbs, p.26
26- " La philosophie d'Hitler est primaire. Mais les puissances primitives qu'y s'y consument font éclater la phraséologie misérable sous la poussée d'une force élémentaire. " -LÉVINAS- quelques réflexions sur la philosophie de l'Hitlérisme, p.27 [Les imprévus de l'histoire, Fata Morgana, 1994]
27- " La signification d'une contradiction logique qui oppose deux courants d'idées n'apparaît pleinement que si l'on remonte à leur source, à l'intuition, à la décision originelle qui les rend possible. " -VALERY- Rhumbs, p.28
28- " Les libertés politiques n'épuisent pas le contenu de l'esprit de liberté [...] " -LÉVINAS- quelques réflexions sur la philosophie de l'Hitlérisme, p.29
29- " Car l'histoire est la limitation la plus profonde, la limitation fondamentale. [...] il y a la tragédie de l'inamovibilité d'un passé ineffaçable qui condamne l'initiative à n'être qu'une continuation. " -LÉVINAS, quelques réflexions sur la philosophie de l'Hitlérisme, p.29
30- " Comment l'universalité est-elle compatible avec le racisme ? Il y aura là - et c'est dans la logique de l'inspiration première du racisme - une modification fondamentale de l'idée même de l'universalité. Elle doit faire place à l'idée d'expension, car l'expansion d'une force présente une tout autre structure que la propagation d'une idée.
L'idée qui se propage, se détache essentiellement de son point de départ. Elle devient, malgré l'accent unique que lui communique son créateur, du patrimoine commun. Elle est foncièrement anonyme. Celui qui l'accepte devient son maître comme celui qui la propose. La propagation d'une idée crée ainsi une communauté de "maîtres" - c'est un processus d'égalisation. Convertir ou persuader, c'est se créer des pairs. L'universalité d'un ordre dans la société occidentale reflète toujours cette universalité de la vérité.
Mais la force est caractérisée par un autre type de propagation. Celui qui l'exerce ne s'en départ pas. La force ne se perd pas parmi ceux qui la subissent. Elle est attachée à la personnalité ou à la société qui l'exerce, elle les élargit en leur subordonnant le reste. Ici l'ordre universel ne s'établit pas comme corollaire d'expansion idéologique - il est cette expansion même qui constitue l'unité d'un monde de maîtres et d'esclaves. La volonté de puissance de Nietzsche que l'Allemagne moderne retrouve et glorifie n'est pas seulement un nouvel idéal, c'est un idéal qui apporte en même temps sa propre forme d'universalisation : la guerre, la conquête.
[...] Peut-être avons-nous réussi à montrer que le racisme ne s'oppose pas seulement à tel ou tel point particulier de la culture chrétienne et libérale. Ce n'est pas tel ou tel dogme de démocratie, de parlementarisme, de régime dictatorial ou de politique religieuse qui est en cause. C'est l'humanité même de l'homme." -LÉVINAS- quelques réflexions sur la philosophie de l'Hitlérisme, p.41
31- " [...] l'expansion d'une doctrine nouvelle ; pendant la première[étape] on crie : c'est absurde ! Pendant la deuxième [étape] on s'indigne : mais tout le monde l'a pensé ! Il y a une troisième étape où la doctrine se situe dans son originalité véritable. " -LÉVINAS- intervention (1947) dans Petite histoire histoire de l'existentialisme de Jean Wahl, p.110
32- " [...] il est difficilement concevable que la conscience juive soit étrangère à la situation faite au judaïsme et que son essence métaphysique diffère de son être historique. -LÉVINAS- intervention (1947) dans Petite histoire histoire de l'existentialisme de Jean Wahl, p.120
33- " L'artiste s'arrête, parce que l'oeuvre se refuse à recevoir quelque chose de plus, paraît saturée. L'oeuvre s'achève malgré les causes d'interruption - sociales ou matérielles. Elle ne se donne pas pour commencement de dialogue. " -LÉVINAS- intervention (1947) dans Petite histoire histoire de l'existentialisme de Jean Wahl, p.125
34- " L'image marque une emprise sur nous, plutôt que notre initiative : une passivité foncière. " -LÉVINAS- intervention (1947) dans Petite histoire histoire de l'existentialisme de Jean Wahl, p.128
35- " Éternellement le sourire de la Joconde, qui va s'épanouir, ne s'épanouira pas. Un avenir éternellement suspendu flotte autour de la position figée de la statue comme un avenir à jamais avenir [...] Il n'aura jamais accompli sa tâche de présent, comme si la réalité se retirait de sa propre réalité et la laissait sans pouvoir. Situation où le présent ne peut rien assumer, ne peut rien prendre sur lui - et, par là, instant impersonnel et anonyme. " -LÉVINAS- la réalité et son ombre (1948), p.130
36- " Les personnages de roman - être enfermés, prisonniers. Leur histoire n'est jamais finie, elle dure encore, mais n'avance pas. Le roman enferme les êtres dans un destin malgré leur liberté. " -LÉVINAS- la réalité et son ombre (1948), p.141
37- " Faire goûter un roman ou un tableau - c'est ne plus avoir à concevoir, c'est renoncer à l'effort de la science, de la philosophie et de l'acte. Ne parlez pas, ne réfléchissez pas, admirez en silence et en paix - tels sont les conseils de la sagesse satisfaite devant le tableau. " -LÉVINAS- la réalité et son ombre (1948), p.146
38- " [En art] le monde a achever est remplacé par l'achèvement essentiel de son ombre. Ce n'est pas le désintéressement de la contemplation, mais de l'irresponsabilité. " -LÉVINAS- la réalité et son ombre (1948), p.146
39- " Est-il outrecuiant de dénoncer l'hypertrophie de l'art à notre époque où, pour presque tous, il s'identifie à la vie spirituelle ? " -LÉVINAS- la réalité et son ombre (1948), p.146
40- " Le philosophe découvre, au-delà du rocher ensorcelé où elle se tient [l'image] - tous ses possibles qui rampent autour. Il les saisit par l'interprétation. C'est dire que l'oeuvre peut et doit être traitée comme un mythe : cette statue immobile, il faut la mettre en mouvement et la faire parler. [...]L'exégèse philosophique aura mesuré la distance qui sépare le mythe de l'être réel, prendra conscience de l'événement créateur lui-même [...] " -LÉVINAS- la réalité et son ombre (1948), p.147
41- " L'interprétation de la critique parle en pleine possession de soi, franchement, par le concept qui est comme le muscle de l'esprit. " -LÉVINAS- la réalité et son ombre (1948), p.148
42- " par cet intellectualisme l'artiste refuse d'être artiste seulement ; non pas parce qu'il veut défendre une thèse ou une cause, mais parce qu'il a besoin d'interpréter lui-même ses mythes. " -LÉVINAS- la réalité et son ombre (1948), p.148
43- " La certitude que tous nos malheurs viennent du prochain, que de tout il y a responsabilité, le droit d'accuser et de juger, la civilisation, c'est peut-être cela [...] La faute de l'homme éclate. On n'honore Dieu nulle part, parce qu'on trouve l'homme partout. " -LÉVINAS- un langage pour nous familier, p.163
44- " La conscience que tout dépend des hommes n'est pas seulement la voie ouverte au dénigrement et à la méchanceté. Donner le pas à la politique sur la physique est une invite pour un monde meilleur, à croire le monde transformable et humain. " -LÉVINAS- un langage pour nous familier, p.163
45- " [...] dans les anti-capitalismes nationalistes, l'ombre du national-socialisme. " -LÉVINAS- un langage pour nous familier, p.173
46- " [...] la philosophie permet à l'homme de s'interroger sur ce qu'il dit et sur ce qu'on se dit en pensant. Ne plus se laisser bercer ni griser par le rythme des mots et les généralités qu'ils désignent mais s'ouvrir à l'unicité de l'unique dans ce réel, c'est-à-dire l'unicité d'autrui. C'est-à-dire, en fin de compte, à l'amour. Parler véritablement, pas comme on chante, s'éveiller, se dégriser, se défaire des refrains. " -LÉVINAS- de l'utilité des insomnies (1987), p.199
47- " L'éveil est, je crois, le propre de l'homme. Recherche par l'éveillé d'un dégrisement nouveau, plus profond, plus philosophique. C'est précisément la rencontre de l'autre homme qui nous appelle au réveil, mais aussi des textes [...] " -LÉVINAS- de l'utilité des insomnies (1987), p.200
48- " La rencontre d'autrui qui est un appel à autrui est aussi la modalité essentielle du "se-méfier-de-soi", qui est le propre de la philosophie. Mais je ne veux pas dénoncer l'image. Ce que je constate, c'est qu'il y a une grande part de distraction dans l'audiovisuel, c'est une forme de rêve qui nous plonge et nous maintient dans un sommeil [...] " -LÉVINAS- de l'utilité des insomnies (1987), p.200
49- " La rencontre d'autrui ne se réduit pas à l'acquisition d'un savoir supplémentaire. Je ne peux jamais saisir totalement autrui, certes, mais la responsabilité à son égard où naît le langage, et la sociabilité avec lui, déborde le connaître [...] " -LÉVINAS- de l'utilité des insomnies (1987), p.200
50- " La morale a, en effet, eu mauvais réputation. On la confond avec le moralisme. Ce qu'il y a d'essentiel dans l'éthique se perd souvent dans ce moralisme réduit à un ensemble d'ogligations particulières. " -LÉVINAS- de l'utilité des insomnies (1987), p.201
51- " [...] pourquoi je porte tant d'intérêt au langage : il s'adresse toujours à autrui, comme si on ne pouvait pas penser, sans se soucier déjà d'autrui. D'ores et déjà, ma pensée est dans un dire. Au plus profond de la pensée s'articule le "pour-autre". " -LÉVINAS- de l'utilité des insomnies (1987), p.201
52- " L'éthique, ainsi, n'est plus simple moralisme des règles qui édictent le vertueux. C'est l'éveil originel d'un "je" responsable d'autrui, l'accession de ma personne à l'unité du "je" appelé et élu à la responsabilité pour autrui. " -LÉVINAS- de l'utilité des insomnies (1987), p.204
53- " Avec l'effondrement du système soviétique, même si cet événement présente bien des aspects positifs, le trouble atteint donc des catégories très profondes de la conscience européenne. Notre rapport au temps se trouve mis en crise. Il me semble en effet qu'il nous est indispensable, à nous, Occidentaux, de nous situer dans la perspective d'un temps prometteur. Je ne sais pas dans quelle mesure nous pourrons parvenir à nous en passer. " -LÉVINAS- entretien avec Roger-Pol Droit (1992), p.207
54- " L'absence de souci d'autrui chez Heidegger et son aventure politique personnelle sont liées. " -LÉVINAS- entretien avec Roger-Pol Droit (1992), p.209
55- " Jaspers et Gabriel Marcel découvrent le masque séduisant d'évidence par lequel il [le système] s'impose comme univers de tout naturel. Les objets qu'il constitue bouchent de toutes parts, avec leur familiarité rassurante, le mystère de l'être ; les idées y vont de soi et refusent la question : la possibilité même de l'étrange, moteur de l'inquiétude spirituelle, en est exclue. " -E.MOUNIER- P. 20 [Introduction aux existentialismes, idées, 1946)
56- " Tout ces systèmes pédants et naïfs, tous ces réseaux qui se croient spirituels, servent un seul dessein : avoir la paix [...] Barrages hâtifs ou durable contre l'avenir et ses risques, l'inconnu et ses menaces, l'aventure et ses dangers, ils conspirent tous à éliminer l'angoisse qui jaillit infailliblement des profondeurs inquiétantes de l'être. " -E.MOUNIER- P. 20 [Introduction aux existentialismes, idées, 1946)
57- " Il y a donc un péché originel philosophique. Si savant que puisse en être l'exercice, ce péché n'est pas réservé aux philosophes. Chacun le commet quand, pour se livrer aux couvertures de tranquillité, il démissionne d'être un existant, c'est-à-dire un être fervent, libre et responsable, affrontant son destin dans la lucidité et le courage. " -E.MOUNIER- p.21 [Introduction aux existentialismes, idées, 1946)
58- " [...] l'acte philosophique, c'est l'acte le plus banal, les démarches de la pensée ne seraient être autres que les démarches d'une vie qui se conquiert à l'existence plus riche. On essaye de nous présenter l'attitude de positiviste, le désintéressement philosophique comme un mode supérieur d'existence : en vérité, il faut y voir une lâcheté fondamentale, l'acte coupable d'un existant pariant contre l'existence pour le sommeil vital. Par cette démission, l'existant ne dissout pas seulement sa propre substance, il entraîne le monde dans le néant qu'il secrète. " -E.MOUNIER- p.21
59- " L'existentialisme tend à dévaloriser la certitude ou l'assurance subjective, dernier refuge de l'immobilité spirituelles, au profit de la passion vivante et mobile qui unit intérieurement l'existant à la vérité. Il lui arrive de suivre ce chemin jusqu'à presque soutenir que l'important n'est pas tellement la vérité que "l'attitude du connaissant". " -E.MOUNIER- p.23
60- " [...] il n'y a pas d'Être, il n'y a que des existants. Chaque existant lui-même n'est pas pensable pour la pensée proprement dite. La connaissance n'est en rigueur applicable qu'à une conceptualisation de leur passé ou de leur avenir, mais non à cette matrice de l'existence qu'est l'instant éternel où la liberté se décide dans le choix. " -E.MOUNIER- p.27
61- " L'existence, c'est ce qui ne devient jamais objet. On ne peut l'évoquer qu'en termes de jaillissement. " -E.MOUNIER- p.27
62- " [...] le souci de la totalité [dira Gabriel Marcel], souci dominant des philosophies systématiques, est remplacé par le souci de l'intensité, si l'on regarde l'existence plus près du vécu, ou par celui de l'authenticité, si l'on se tient plus près de l'existence réfléchie. " -E.MOUNIER- p.28
63- " L'existence, pour Jaspers, est toujours partagée entre une objectivité où elle s'aliénerait et une subjectivité où elle se dissiperait. Elle doit cependant s'appuyer à l'objectivité pour trouver sa consistance, et accepter l'étroitesse de la subjectivité pour creuser jusqu'à l'être. " -E.MOUNIER- p.33
64- " Nous sommes coupable par le seul fait d'exister, et cependant notre seule dignité est d'essayer d'exister. " -E.MOUNIER- p.33
65- " On peut décrire l'existence sans disposer auparavant d'une conception de l'existence. On ne décrit pas l'existence pour découvrir cette conception, mais, l'ayant choisie, par l'autorité de la vocation libre, pour l'éprouver. " -E.MOUNIER- p.34
66- " On peut seulement dire que son danger propre [à l'existentialisme] est de retomber sur une de ces philosophies émotionnelles [...], comme le danger des méthodes objectives est de s'aplatir en positivisme. " -E.MOUNIER- p.34
67- " Interprétation impliquée et agie, élaboration plus qu'élucidation. " -E.MOUNIER- p.35
68- " Le sérieux existentiel est à la fois engagement et dégagement, souci de présence et d'insertion, de crainte de s'immobiliser dans les positions acquises et dans les fidélités enregistrées. Il découvre en lui-même la source du comique qui échappe au sérieux de l'homme borné, il capte et se baigne d'ironie pour ne pas se figer dans la finitude de l'affirmation. " -E.MOUNIER- p.36
69- " [Pour Heidegger] l'angoisse proprement dite est le signe du sentiment authentique de la condition humaine [...] Généralement, l'angoisse retombe à la peur, c'est-à-dire à la crainte d'objets précis, qui en même temps la détourne et nous rassure [...] " -E.MOUNIER- p.53
70- " L'ontologie doit être constamment nettoyés de ces complexes masqués en aspiration de l'esprit. " -E.MOUNIER- p.58
71- " Les penseurs et les moralistes se sont exaltés avec quelques nobles images de la condition humaine. Sartre nous en propose une beaucoup plus humble : l'âne qui poursuit une carotte fixée par une gaule à sa charette, et que jamais il n'attrapera. " -E.MOUNIER- p.68
72- " Une carrière est promise aux philosophies de l'absurde et du désespoir tant que la conscience occidentale n'aura pas retrouvé, au-delà de cette crise, un nouvel élan de vie et un nouvel équilibre de l'homme. " -E.MOUNIER- p.70
73- " Mais une pensée qui a pour essence de refuser le système doit être attentive à ne pas systématiser ses découvertes les plus vives, c'est ce passage au système que marque le saut d'une expérience déchirée et obscure à l'impérialisme de l'absurde et du néant. " -E.MOUNIER- p.71
74- " Il n'y a pas plus de courage à tout nier qu'à moins nier. " -E.MOUNIER- p.73
75- " Vivre personnellement, c'est assumer une situation et des responsabilités toujours nouvelles et dépasser sans cesse la situation acquise. " -E.MOUNIER- p.82
76- " Pour que restent saines l'intimité intérieure et la passion du prochain, il faut que nous sachions cultiver la distance, et qu'avec Nietzsche nous ne craignions pas de désinfecter souvent le goût du prochain par l'amour du lointain. " -E.MOUNIER- p.83
77- " [...] il jouit personnellement de son esthétique, et esthétiquement de sa personnalité. Mais non pas en un sens plus profond. Il ne chercher pas l'authentique, il cherche le rare [...] Il est capable de tout, mais ne s'engage en rien [...] Même au coeur de la sensualité, son érotisme est un "érotisme spirituel" sophistiqué, plus qu'une vraie passion des sens. " -E.MOUNIER- p.84
78- " Comme elle disperse la vie à tous vents, toute conception esthétique de la vie est désespoir, conscient ou non. Contre son apparence première, elle exprime une sorte d'impuissance vitale, dont l'impuissance à s'orienter et à choisir est le signe. " -E.MOUNIER- p.84
79- " Il y a dans l'existence humaine (et non pas seulement mêlé à elle) une tendance incoercible à l'interprétation sur le mode des objets dont elle est préoccupée, à se fondre dans le monde où elle plonge, à se laisser accaparer par lui. " -E.MOUNIER- p.85
80- " Qu'on n'imagine pas le "on-même" comme une décadence rare ou historiquement limitée : il est l'état le plus constant de l'existence humaine, et certains traversent leur vie sans jamais le dépasser. À force de se modeler sur les choses, l'être inauthentique finit par se considérer comme une chose parmi les choses. " -E.MOUNIER- p.85
81- " Au commencement du savoir est une action libératrice, au seuil de cette action, un choix. Si la mort spirituelle, c'est l'indifférence, se décider au choix est le premier effet de la conversation. " -E.MOUNIER- p.88
82- " Celui qui vit selon l'esthétique est toujours excentrique, il a toujours son centre à la périphérie. Celui qui s'est choisi a désormais son centre en lui-même. " -E.MOUNIER- p.89
83- " [...] la conversion heideggerienne n'est qu'un lucidité efficace, une révélation de la culpabilité intrinsèque de l'existence livrée au on, en même temps qu'une prise en charge de cette culpabilité. Elle n'aboutit pas à une transfiguration, mais simplement à une parfaite transparence de soi-même. " -E.MOUNIER- p.91
84- " Ces mystifications et évasions idéologiques que combat le marxisme, elles naissent moins des conceptions abruptes de la transcendance, qui laissent à l'homme son jeu propre, que de la prolifération de systèmes intermédiaires qui ne sont ni de la terre ni du ciel, qui, sous prétexte de les relier, nous coupent l'un de l'autre. " -E.MOUNIER- p.95
85- " [Kierkegaard], cet être disloqué, dont les folies alternées côtoient cependant sans cesse une harmonie raisonnable, comme une dissonance qui suggérerait toujours sans l'exprimer sa propre résolution. " -E.MOUNIER- p.96
86- " Je ne sais pas au juste la signification du combat. Et cependant cette situation est mienne ,elle est ma situation. Le monde où elle m'insère n'est pas le monde, mais mon monde, à la fois monde perçu et monde agi. " -E.MOUNIER- p.99
87- " Ce que je prends pour le monde objectif n'est qu'un compromis entre différentes visions du monde (dont la scientifique) et la mienne. Mon monde est toujours solidaire de mon point de vue. " -E.MOUNIER- p.99
88- " [Ma situation] n'est pas non plus vision subjective : elle déborde toujours la conscience que j'en puis prendre, m'entraîne en avant de moi et de mes représentations. " -E.MOUNIER- p.100
89- " [...] la subjectivité close, caricature de l'intériorisation. " -E.MOUNIER- p.104
90- " [...] deux méfiances fondamentales [pour les existentialistes], méfiance de la dissolution dans les choses, méfiance de l'évasion vers le rêve. " -E.MOUNIER- p.104
91- " Aucune [philosophie autre que l'existentialisme] n'a plus à dire, en effet, au désespoir de l'homme contemporain. Mais son message n'est pas un message de désespoir. Aucune ne l'arme mieux contre ses folies. Mais elle propose mieux, contre les folies aveugles, qu'une folie lucide. " -E.MOUNIER- p.8
92- " L'existentialisme refuse de livrer l'homme à un instrument quel qu'il soit, avant de connaître l'agent qui va l'utiliser, son être, ses possibilités, sa signification. " -E.MOUNIER- p.16
93- " Le système est une sorte de tiers abstrait qui s'interpose entre le philosophe existant et les êtres existants. Il n'est ni un être, ni même une parole [...] Et c'est toujours un existant qui parle. Voici l'omission capitale, le péché originel du rationalisme. Il a oublié que l'esprit connaissant est un esprit existant. " -E.MOUNIER- p.18
94- " Aussi bien l'existant ne se pose-t-il pas de questions en vain. Il ne cherche pas la vérité, une vérité impersonnelle et indifférente à tous, mais, dans une promesse d'universalité vivante sans doute, sa vérité, une vérité qui réponde à ses aspirations, comble ses attentes, dénoue ses problèmes. " -E.MOUNIER- p.18
95- " Ainsi, la vie spirituelle du moi est-elle le lieu d'une dialectique incessante dont la tension est à la fois irrésoluble et créatrice. D'une part, elle est poursuite de l'unité, et, comme le même homme ne peut connaître toutes les formes de l'unité, je dois choisir, étroitement, m'enfoncer passionnéement dans une direction de l'être, seul moyen de rencontrer l'être. " -E.MOUNIER- p.80