1- « Le désir de concilier l’aventure érotique avec l’idylle, c’est l’essence même de l’hédonisme – et la raison de son impossibilité. » -KUNDERA- partie 6, p.162
2- « C’est en s’efforçant de le déchiffrer que les kafkologues ont tué Kafka. » -KUNDERA- partie 6, p.162
3- « Le sérieux d’un enfant : le visage de l’Age technique. L’infantocratie : l’idéal de l’enfance imposée à l’humanité. » -KUNDERA- partie 6, p.163
4- « L’ironie irrite. Non pas qu’elle se moque ou qu’elle attaque mais parce qu’elle nous prive des certitudes en dévoilant le monde comme ambiguïté. » -KUNDERA- partie 6, p.163
5- « Inutile de vouloir rendre un roman « difficile » par affectation de style ; chaque roman digne de ce mot, si limpide soit-il, est suffisamment difficile par sa consubstantielle ironie. » -KUNDERA- partie 6, p.164
6- « […] l’omniprésente laideur du monde moderne, miséricordieusement voilée par l’accoutumance, surgit brutalement dans le moindre de nos moments de détresse. » -KUNDERA- partie 6, p.165
7- « […] tous les romanciers n’écrivent, peut-être, qu’une sorte de thème (le premier roman) avec variation. » -KUNDERA- partie 6, p.165
8- « […] le lyrique est l’expression de la subjectivité qui se confesse ; l’épique vient de la passion de s’emparer de l’objectivité du monde. » -KUNDERA- partie 6, p.169
9- « Le macho adore la féminité et désire dominer ce qu’il adore. En exaltant la féminité archétypale de la femme dominée (sa maternité, sa faiblesse, […] etc.), il exalte sa propre virilité. En revanche, le mysogyne a horreur de la féminité, il fuit les femmes trop femmes. » -KUNDERA- partie 6, p.170
10- « Fonder un roman sur une méditation perpétuelle, cela va au XXe siècle contre l’esprit de l’époque qui n’aime plus penser du tout. » -KUNDERA- partie 6, p.171
11- « Les gynophobes (misogynes) ne se trouvent pas seulement parmi les hommes mais aussi parmi les femmes, et il y a autant de gynophobes que d’androphobes (ceux qui vivent en disharmonie avec l’archétype de l’homme) » -KUNDERA- partie 6, p.171
12- « Le manichéisme féministe ne s’est jamais posé la question de l’androphobie et a transformé la misogynie en simple injure. Ainsi a-t-on esquivé le contenu psychologique de cette notion, le seul qui soit intéressant. » -KUNDERA- partie 6, p.171
13- « MODERNE (art moderne ; monde moderne). Il y a l’art moderne qui, avec une extase lyrique, s’identifie au monde moderne. Appolinaire. L’exaltation de la technique, la fascination de l’avenir […] Mais à l’opposé d’Appolinaire est Kafka. Le monde moderne est comme un labyrinthe où l’homme se perd. Le modernisme antilyrique, antiromantique, sceptique, critique. » -KUNDERA- partie 6, p.172
14- « Le désir d’être moderne est un archétype, c’est-à-dire un impératif irrationnel, profondément ancré en nous, une forme insistante dont le contenu est changeant et indéterminé : est moderne ce qui se déclare moderne et est accepté comme tel. » -KUNDERA- partie 6, p.172
15- « Mystification : la façon active de ne pas prendre au sérieux le monde. » -KUNDERA- partie 6, p.173
16- « OBCÉNITÉ. Dans une langue étrangère, on utilise les mots obscènes, mais on ne les sent pas comme tels. Le mot obscène, prononcé avec un accent, devient comique. Difficulté d’être obscène avec une femme étrangère. Obscénité : la racine la plus profonde qui nous rattache à notre patrie. » -KUNDERA- partie 6, p.174
17- « Œuvre. « De l’esquisse à l’œuvre, le chemin se fait à genoux. » Je ne peux oublier ce vers de Vladimir Holan. » -KUNDERA- partie 6, p.174
18- « Le moindre service qu’un auteur peut rendre à ses œuvres : balayer autour d’elles. » -KUNDERA- partie 6, p.175
19- « L’oubli : à la fois injustice absolue et consolation absolue. L’examen romanesque du thème de l’oubli est sans fin et sans conclusion. » -KUNDERA- partie 6, p.176
20- « Les traducteurs sont fous des synonymes. Je récuse la notion même de synonyme : chaque mot a son sens propre et il est systématiquement irremplaçable. » -KUNDERA- partie 6, p.177
21- « REWRITING. Interviews, entretiens, propos recueillis. Adaptations, transcriptions, cinématographiques, télévisées. Rewriting comme esprit de l’époque. Un jour toute la culture passée sera complètement réécrite et complètement oubliée derrière son rewriting. » -KUNDERA- partie 6, p.177
22- « Roman = poésie antilyrique. » -KUNDERA- partie 6, p.179
23- « Les traducteurs sont fous des synomymes. Je récuse la notion même de synonyme : chaque mot a son sens propre et il est systématiquement irremplaçable. » -KUNDERA- partie 6, p.177
24- « L’écrivain a des idées originales et une voix inimitable. Il peut se servir de n’importe quelle forme (roman compris) et tout ce qu’il écrit, étant marqué par sa pensée, porté par sa voix, fait partie de son œuvre. Rousseau, Goethe, Châteaubriand, Gide, Camus, Montherlant. Le romancier ne fait pas grand cas de ses idées. Il est un découvreur qui, en tâtonnant, s’efforce à dévoiler un aspect inconnu de l’existence. Il n’est pas fasciné par sa voix mais par une forme qu’il poursuit, et seules les formes qui répondent aux exigences de son rêve font partie de son œuvre. Fielding, Sterne, Flaubert, Proust, Faulkner, Céline, Calvino. » -KUNDERA- partie 6, p.180
25- « Métaphore archiconnue : le romancier démolit la maison de sa vie pour, avec les pierres, construire la maison de son roman. Les biographes d’un romancier défont donc ce que le romancier a fait, et refont ce qu’il a défait. Leur travail ne peut éclairer ni la valeur ni le sens d’un roman […] » -KUNDERA- partie 6, p.181
26- « Erreur. L’assomant primitivisme rythmique du rock : le battement du cœur est amplifié pour que l’homme n’oublie pas une seconde sa marche vers la mort. » -KUNDERA- partie 6, p.181
27- « […] grâce aux grands appareils qui calculent et planifient la vie, l’uniformisation du monde a avancé énormément. Mais quand un phénomène devient général, quotidien, omniprésent, on ne le distingue plus. Donc l’euphorie de leur vie uniforme, les gens ne voient plus l’uniforme qu’ils portent. » -KUNDERA- partie 6, p.185
28- « Si on écarte la question de la valeur, on se satisfait d’une description (thématique, sociologique, formaliste) d’une œuvre (d’une période historique, d’une culture, etc.), si on met le signe d’égalité entre toutes les cultures et toutes les activités culturelles (Bach et le rock, les bandes dessinées et Proust), si la critique d’art (méditation sur la valeur) ne trouve plus de place pour s’exprimer, l’« évolution historique de l’art » embrumera son sens, s’écroulera, deviendra le dépôt immense et absurde des œuvres. » -KUNDERA- partie 6, p.186
29- « Derrière le geste spectaculairement non-conformiste, l’esprit du kitsch le plus plat. » -KUNDERA- partie 6, p.186
30- « Le romancier est celui qui, selon Flauber, veut disparaître derrière son œuvre. […] cela veut dire renoncer au rôle d’homme public. Ce n’est pas facile aujourd’hui où tout ce qui est tant soit peu important doit passer par la scène insupportablement éclairée des mass media qui […] font disparaître l’œuvre derrière l’image de son auteur. » -KUNDERA- partie 7, p.192
31- « […] en se prêtant au rôle d’homme public, le romancier met en danger son œuvre qui risque d’être considérée comme un simple appendice de ses gestes, de ses déclarations, de ses prises de position. Or, le romancier n’est porte-parole de personne et je vais pousser cette affirmation jusqu'à dire qu’il n’est même pas le porte-parole de ses propres idées. » -KUNDERA- partie 7, p.192
32- « […] Tolstoï écoutait une autre voix que celle de sa conviction morale personnelle. Il écoutait ce que j’aimerais appeler la sagesse du roman. Tous les vrais romanciers sont à l’écoute de cette sagesse suprapersonnelle, ce qui explique que les grands romans sont toujours un peu plus intelligents que leurs auteurs. Les romanciers qui sont plus intelligents que leurs œuvres devraient changer de métier. » -KUNDERA- partie 7, p.192
33- « Il n’y a pas de paix possible entre le romancier et l’agélaste. […] les agélastes sont persuadés que la vérité est claire, que tous les hommes doivent penser la même chose et qu’eux-mêmes sont exactement ce qu’ils pensent être. Mais c’est précisément en perdant la certitude de la vérité et le consentement unanime des autres que l’homme devient individu. Le roman, c’est le paradis imaginaire des individus. » -KUNDERA- partie 7, p.194
34- « L’érudition de Rabelais, si grande soit-elle, a donc un autre sens que celle de descartes. La sagesse du roman est différente de celle de la philosophie. Le roman est né non pas de l’esprit théorique mais de l’esprit d’humour. » -KUNDERA- partie 7, p.194
35- « L’art inspiré par le rire de Dieu [e.i. le roman] est, par son essence, non pas tributaire mais contradicteur des certitudes idéologiques. A l’instar de Pénélope, il défait pendant la nuit la tapisserie que des théologiens, des philosophes, des savants ont ourdie la veille. » -KUNDERA- partie 7, p.195
36- « Flaubert a découvert la bêtise. J’ose dire que c’est là la plus grande découverte d’un siècle si fier de sa raison scientifique. » -KUNDERA- partie 7, p.195
37- « […] la bêtise moderne signifie non pas l’ignorance mais la non-pensée des idées reçues. La découverte flaubertienne est pour l’avenir du monde plus importante que les idées plus bouleversantes de Marx ou de Freud. Car on peut imaginer l’avenir sans la lutte des classes ou sans la psychanalyse, mais pas sans la montée irrésistible des idées reçues qui, inscrites dans les ordinateurs, propagées par les mass media, risquent de devenir bientôt une force qui écrasera toute pensée originale et individuelle et étouffera ainsi l’essence même de la culture européenne des Temps modernes. » -KUNDERA- partie 7, p.198
38- « Le kitsch, c’est la traduction de la bêtise des idées reçues dans le langage de la beauté et de l’émotion. » -KUNDERA- partie 7, p.198
39- « […] l’esthétique des mass media est inévitablement celle du kitsch ; et au fur et à mesure que les mass media embrassent et infiltrent toute notre vie, le kitsh devient notre esthétique et notre morale quotidiennes. » -KUNDERA- partie 7, p.198-199
40- « Je ne comprends que si je puis par la science saisir les phénomènes et les énumérer, je ne puis pour autant appréhender le monde. Quand j’aurai suivi du doigt son relief tout entier, je n’en saurai pas plus. » -CAMUS- les murs absurdes, p.36
41- « A partir du moment où elle est reconnue, l’absurdité est une passion, la plus déchirante de toutes. Mais savoir si l’on peut vivre avec ses passions, savoir si l’on peut accepter leur loi profonde qui est de brûler le cœur que dans le même temps elles exaltent, voilà toute la question. » -CAMUS- les murs absurdes, p.38
42- « L’absurde n’a de sens que dans la mesure où l’on n’y consent pas. » -CAMUS- les murs absurdes, p.50
43- « […] nous voulons tout rendre clair. Si nous ne le pouvons pas, si l’absurde naît à cette occasion, c’est justement à la rencontre de cette raison efficace mais limitée et de l’irrationnel toujours renaissant. » -CAMUS- les murs absurdes, p.55
44- « L’absurde, qui est l’état métaphysique de l’homme conscient, ne mène pas à Dieu. Peut-être cette notion s’éclaircira-t-elle si je hasarde cette énormité : l’absurde c’est le péché sans Dieu. » -CAMUS- les murs absurdes, p.60
45- « Ce n’est point le goût du concret, le sens de la condition humaine que je retrouve ici, mais un intellectualisme assez débridé pour généraliser le concret lui-même. » -CAMUS- les murs absurdes, p.69
46- « Le philosophie abstrait et le philosophe religieux partent du même désarroi et se soutiennent dans la même angoisse. » -CAMUS- les murs absurdes, p.69
47- « De même que la raison sut apaiser la mélancolie plotinienne, elle donne à l’angoisse moderne les moyens de se calmer dans les décors familiers de l’éternel. L’esprit absurde a moins de chance. Le monde pour lui n’est ni aussi rationnel, ni à ce point irrationnel. Il est déraisonnable et il n’est que cela. » -CAMUS- les murs absurdes, p.70
48- « Et qu’est-ce qui fait le fond de ce conflit, de cette fracture entre le monde et mon esprit, sinon la conscience que j’en ai ? Si donc je veux le maintenir, c’est par une conscience perpétuelle, toujours renouvelée, toujours tendue. » -CAMUS- la liberté absurde, p.74
49- « […] il s’agit de s’obstiner. A un certain point de son chemin, l’homme absurde est sollicité. L’histoire ne manque ni de religions, ni de prophètes, même sans dieux. On lui demande de sauter. Tout ce qu’il peut répondre, c’est qu’il ne comprend pas bien, que cela n’est pas évident. Il ne veut faire justement que ce qu’il comprend bien. » -CAMUS- la liberté absurde, p.74
50- « Le thème de la révolution permanente se transporte ainsi dans l’expérience individuelle. Vivre, c’est faire vivre l’absurde. Le faire vivre, c’est avant tout le regarder. Au contraire d’Eurydice, l’absurde ne meurt que lorsqu’on s’en détourne. L’une des seules positions philosophiques cohérentes, c’est ainsi la révolte. Elle est un confrontement perpétuel de l’homme et de sa propre obscurité. » -CAMUS- la liberté absurde, p.76
51- « [La révolte] est cette présence constante de l’homme à lui-même. Elle n’est pas aspiration, elle est sans espoir. Cette révolte n’est que l’assurance d’un destin écrasant, moins la résignation qui devrait l’accompagner. » -CAMUS- la liberté absurde, p.77
52- « A sa manière, le suicide résout l’absurde. Il l’entraîne dans la même mort. Mais je sais que pour se maintenir, l’absurde ne peut se résoudre. Il échappte au suicide, dans la mesure où il est en même temps conscience et refus de la mort. » -CAMUS- la liberté absurde, p.77
53- « Cette révolte donne son prix à la vie. Étendue sur toute la longueur d’une existence, elle lui restitue sa grandeur. Pour un homme sans oreillères, il n’est pas de plus beau spectacle que celui de l’intelligence aux prises avec une réalité qui la dépasse. Le spectacle de l’orgueil humain est inégalable. Toutes les dépréciations n’y feront rien. » -CAMUS- la liberté absurde, p.78
54- « Conscience et révolte, ces refus sont le contraire du renoncement. Tout ce qu’il y a d’irréductible et de passionné dans un cœur humain les anime au contraire de sa vie. Il s’agit de mourir irréconcilié et non pas de plein gré. Le suicide est une méconnaissance. » -CAMUS- la liberté absurde, p.78
55- « Savoir si l’homme est libre ne m’intéresse pas. Je ne puis éprouver que ma propre liberté. » -CAMUS- la liberté absurde, p.79
56- « Pour parler clair, dans la mesure où j’espère, où je m’inquiète d’une vérité qui me soit propre, d’une façon d’être ou de créer, dans la mesure enfin où j’ordonne ma vie et où je prouve par là que j’admets qu’elle ait un sens, je me crée des barrières entre quoi je ressere ma vie. » -CAMUS- la liberté absurde, p.82
57- « […] l’indifférence à l’avenir et la passion d’épuiser tout ce qui est donné. » -CAMUS- la liberté absurde, p.84
58- « La morale d’un homme, son échelle de valeurs n’ont de sens que par la quantité et la variété d’expériences qu’il lui a été donné d’accumuler. » -CAMUS- la liberté absurde, p.85
59- « Car l’erreur est de penser que cette quantité d’expériences dépend des circonstances de notre vie quand elle ne dépend que de nous […] A deux hommes vivant le même nombre d’années, le monde fournit toujours la même somme d’expériences. C’est à nous d’en être conscients. Sentir sa vie, sa révolte, sa liberté, et le plus possible, c’est vivre et le plus possible. » -CAMUS- la liberté absurde, p.87
60- « Si l’homme doit rencontrer une nuit, que ce soit plutôt celle du désespoir qui reste lucide, nuit polaire, veille de l’esprit, d’où se lèvera peut-être cette clarté blanche et intacte qui dessine chaque objet dans la lumière de l’intelligence. » -CAMUS- la liberté absurde, p.90
61- « J’ai vu des gens mal agir avec beaucoup de morale et je constate tous les jours que l’honnêteté n’a pas besoin de règles. » -CAMUS- l’homme absurde, p.94
62- « Il n’est qu’une morale que l’homme absurde puisse admettre, celle qui ne se sépare pas de Dieu : celle qui se dicte. Mais il vit justement hors de ce Dieu. Quant aux autres morales (j’entends aussi l’immoralisme), l’homme absurde n’y voit que des justifications et il n’a rien à justifier. Je pars ici du principe de son innocence. Cette innocence est redoutable. » -CAMUS- l’homme absurde, p.94
63- « La certitude d’un Dieu qui donnerait son sens à la vie surpasse de beaucoup en attrait le pouvoir impuni de mal faire. Le choix ne serait pas difficile. Mais il n’y a pas de choix et l’amertume commence alors. » -CAMUS- l’homme absurde, p.94
64- « L’absurde ne délivre pas, il lie. Il n’autorise pas tous les actes. Tout est permi ne signifie pas que rien n’est défendu. L’absurde rend seulement équivalence aux conséquences de ses actes. Il ne recommande pas le crime, ce serait puéril, mais il restitue au remord son inutilité. » -CAMUS- l’homme absurde, p.94
65- « Toutes les morales sont fondées sur l’idée qu’un acte a des conséquences qui le légitiment ou l’oblitèrent. Un esprit pénétré d’absurde juge seulement que ces suites doivent être considérées avec sérénité. Il est prêt à payer. Autrement dit, si, pour lui, il peut y avoir des responsables, il n’y a pas de coupables. Tout au plus, consentira-t-il à utiliser l’expérience passée pour fonder ses actes futurs. […] tout en lui-même, hors sa lucidité, lui semble imprévisible. » -CAMUS- l’homme absurde, p.95
66- « Ce ne sont donc point des règles éthiques que l’esprit absurde peut chercher au bout de son raisonnement, mais des illustrations et le souffle des vies humaines. » -CAMUS- l’homme absurde, p.95
67- « Il en est [des expériences] qui servent ou déservent l’homme. Elles le servent s’il est conscient. Sinon, cela n’a pas d’importance : les défaites d’un homme ne jugent pas les circonstances, mais lui-même. » -CAMUS- l’homme absurde, p.96
68- « Tout être sain tend à se multiplier. » -CAMUS- le Don Juanisme, p.98
69- « […] ces artistes qui connaissent leurs limites, ne les excèdent jamais, et dans cet intervalle précaire où leur esprit s’installe, ont toute la merveilleuse aisance des maîtres. Et c’est bien là le génie : l’intelligence qui connaît ses frontières. » -CAMUS- le Don Juanisme, p.98
70- « Faust réclamait les biens de ce monde : le malheureux n’avait qu’à tendre la main. C’était déjà vendre son âme que de ne pas savoir la réjouir. » -CAMUS- le Don Juanisme, p.99
71- « Il y a ceux qui sont faits pour vivre et ceux qui sont faits pour aimer. » -CAMUS- le Don Juanisme, p.101
72- « […] il y a plusieurs façons de se suicider, dont l’une est le don total et l’oubli de sa propre personne. » -CAMUS- le Don Juanisme, p.101
73- « […] ceux qu’un grand amour détourne de toute vie personnelle s’enrichissent peut-être, mais appauvrissent à coup sûr ceux que leur amour a choisis. » -CAMUS- le Don Juanisme, p.101
74- « Mais de l’amour, je ne connais que ce mélange de désir, de tendresse et d’intelligence qui me lie à tel être. Ce composé n’est pas le même pour tel autre. Je n’ai pas le droit de recouvrir toutes ces expériences du même nom. Cela dispense de les mener des mêmes gestes. L’homme absurde multiplie encore ici ce qu’il ne peut unifier. » -CAMUS- le Don Juanisme, p.102
75- « […] une nouvelle façon d’être qui le libère au moins autant qu’elle libère ceux qui l’approchent. Il n’y a d’amour généreux que celui qui se sait en même temps passager et singulier. » -CAMUS- le Don Juanisme, p.102
76- « Dans l’univers que Don Juan entrevoit, le ridicule aussi est comprit. Il trouverait normal d’être châtié. C’est la règle du jeu. Et c’est justement sa générosité que d’avoir accepté toute la règle du jeu. » -CAMUS- le Don Juanisme, p.103
77- « Aimer et posséder, conquérir et épuiser, voilà sa façon de connaître [à Don Juan] » -CAMUS- le Don Juanisme, p.103
78- « Car la conscience va vite et se replie. Il faut la saisir au vol, à ce moment inappréciable où elle jette sur elle-même un regard fugitif. » -CAMUS- le Don Juanisme, p.106
79- « L’homme quotidien n’aime guère à s’attarder. Tout le presse au contraire. Mais en même temps, rien plus que lui-même ne l’intéresse, surtout dans ce qu’il pourrait être. De là son goût pour le théâtre, pour le spectacle, où tant de destins lui sont proposés […] L’homme absurde commence où celui-ci finit, cessant d’admirer le jeu, l’esprit veut y entrer. » -CAMUS- la comédie, p.106
80- « De toutes les gloires, la moins trompeuse est celle qui se vit. » -CAMUS- la comédie, p.107
81- « Non, la distance n’est pas si grande qui le sépare [le comédien] des êtres qu’il fait vivre. Il illustre alors abondamment tous les mois ou tous les jours, cette vérité si féconde qu’il n’y a pas de frontières entre ce qu’un homme veut être et ce qu’il est. A quel point le paraître fait l’être, c’est ce qu’il démontre, toujours occupé de mieux figurer. » -CAMUS- la comédie, p.109
82- « N’est pas « théâtrale » qui veut et ce mot, déconsidéré à tort, recouvre toute une esthétique et toute une morale. La moitié d’une vie d’homme se passe à sous-entendre, à détourner la tête et à se taire. L’acteur est ici l’intrus. Il lève le sortilège de cette âme enchaînée et les passions se ruent enfin sur leur scène. » -CAMUS- la comédie, p.110
83- « Choisir entre le ciel et une dérisoire fidélité, se préférer à l’éternité ou s’abîmer en Dieu, c’est la tragédie séculaire où il faut tenir sa place. » -CAMUS- la comédie, p.113
84- « La victoire serait souhaitable. Mais il n’y a qu’une victoire et elle est éternelle. C’est celle que je n’aurai jamais. Voilà où je bute et je m’accroche. Une révolution s’accomplit toujours contre les dieux […] » -CAMUS- la comédie, p.119
85- « Les conquérants sont seulement ceux d’entre les hommes qui sentent assez leur force pour être sûrs de vivre constamment à ces hauteurs et dans la plein conscience de cette grandeur. » -CAMUS- la comédie, p.119
86- « La conquête ou le jeu, l’amour innombrable, la révolte absurde, ce sont des hommages que l’homme rend à sa dignité dans une campagne où il est d’avance vaincu. Il s’agit seulement d’être fidèle à la règle du combat. » -CAMUS- philosophie et roman, p.127
87- « Créer, c’est vivre deux fois. » -CAMUS- philosophie et roman, p.128
88- « Même les hommes sans évangile ont leur Mont des Oliviers. Et sur le leur non plus, il ne faut pas s’endormir. Pour l’homme absurde, il ne s’agit plus d’expliquer et de résoudre, mais d’éprouver et de décrire. Tout commence par l’indifférence clairvoyante. » -CAMUS- philosophie et roman, p.129
89- « Les géomètres, qui ne sont que géomètres, ont donc l’esprit droit, mais pourvu qu’on leur explique bien toutes choses par définitions et principes ; autrement, ils sont faux et insupportables, car ils ne sont droits que sur les principes bien éclaircis. » -PASCAL- pensée no.1 [Pensées (texte de l’édition Brunschvicg), Classiques Garnier, Paris, 1951)
90- « Et les [gens] fins qui ne sont que fins ne peuvent avoir la patience de descendre jusque dans les premiers principes des choses spéculatives et d’imaginations, qu’ils n’ont jamais vues dans le monde, et tout à fait hors d’usage. ».-PASCAL- pensée no.1
91- « Il y a donc deux sortes d’esprit : l’une, de pénétrer vivement et profondément les conséquences des principes, et c’est là l’esprit de justesse ; l’autre, de comprendre un grand nombre de principes sans les confondre, et c’est là l’esprit de géométrie. L’un est force et droiture d’esprit, l’autre est amplitude d’esprit. » -PASCAL- pensée no.2
92- « La vraie éloquence se moque de l’éloquence, la vraie morale se moque de la morale […] Se moquer de la philosophie, c’est vraiment philosopher. » -PASCAL- pensée no.4
93- « A mesure qu’on a plus d’esprit, on trouve qu’il y a plus d’hommes originaux. Les gens du commun ne trouvent pas de différence entre les hommes. » -PASCAL- pensée no.8
94- « Quand on veut reprendre avec utilité, et montrer à un autre qu’il se trompe, il faut observer par quel côté il envisage la chose, car elle est vraie ordinairement de ce côté-là, et lui avouer cette vérité, mais lui découvrir le côté par où elle est fausse. Il se contente de cela, car il voit qu’il ne se tromptait pas, et qu’il manquait seulement de voir tous les côtés […] » -PASCAL- pensée no.9
95- « On se persuade mieux, pour l’ordinaire, par les raisons qu’on a soi-même trouvées, que par celles qui sont venues dans l’esprit des autres. » -PASCAL- pensée no.10
96- « L’éloquence est un art de dire les choses de telle façon : I- que ceux à qui l’on parle puissent les entendre sans peine et avec plaisir ; 2- qu’ils s’y sentent intéressés, en sorte que l’amour-propre les porte plus volontiers à y faire réflexion. » -PASCAL- pensée no.16
97- « Il faut se mettre à la place de ceux qui doivent nous entendre, et faire essai sur son propre cœur du tour qu’on donne à son discours, pour voir si l’un est fait pour l’autre […] » -PASCAL- pensée no.16
98- « […] car la maladie principale de l’homme est la curiosité inquiète des choses qu’il ne peut savoir ; et il ne lui est pas si mauvais d’être dans l’erreur, que dans cette curiosité inutile. » -PASCAL- pensée no.18
99- « L’éloquence est une peinture de la pensée ; et ainsi, ceux qui, après avoir peint, ajoutent encore, font un tableau au lieu d’un portrait. » -PASCAL- pensée no.26
100- « C’est donc une fausse louange qu’on donne à un homme quand on dit de lui, lorsqu’il entre, qu’il est fort habile en poésie ; et c’est une mauvaise marque, quand on n’a pas recours à un homme quand il s’agit de juger de quelques vers. » -PASCAL- pensée no.34