1- « M. de L… me disait de M. de R… : « C’est l’entrepôt de venin de toute la société. Il le rassemble comme les crapauds, et le darde comme les vipères. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.125

2- « On disait de M. de Calonne, chassé après la déclaration du déficit : « On l’a laissé tranquille quand il a mis le feu, et on l’a puni quand il a sonné le tocsin. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.125

3- « M.Z… tient à ses idées. Il aurait de la suite dans l’esprit s’il avait de l’esprit. On en ferait quelque chose si l’on pouvait changer ses préjugés en principes. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.127

4- « On disait à M.V... : « Vous aimez beaucoup la considération. » Il répondit ce mot qui me frappa : « Non, j’en ai pour moi, ce qui m’attire quelques fois celle des autres. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.129

5- « J’étais à table à côté d’un homme qui me demanda si la femme qu’il avait devant lui n’était pas la femme de celui qui était à côté d’elle. J’avais remarqué que celui-ci ne lui avait pas dit un mot, c’est ce qui me fit répondre à mon voisin : « Monsieur, ou il ne la connaît pas, ou c’est sa femme. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.130

6- « Je demandais à M. de T… pourquoi il négligeait son talent, et paraissait si complètement insensible à la gloire ; il me répondit ces propres paroles : « Mon amour-propre a péri dans le naufrage de l’intérêt que je prenais aux hommes. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.130

7- « M.Q…, qu’on voulait faire parler sur différents abus publics ou particuliers, répondit froidement : tous les jours j’accrois la liste des choses dont je ne parle plus. Le plus philosophe est celui dont la liste est la plus longue. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.131

8- « M. de L., connu pour misanthrope, me disait un jour, à propos de son goût pour la solitude : « Il faut diablement aimer quelqu’un pour le voir ».» -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.132

9- « M.X… aime qu’on dise qu’il est méchant, à peu près comme les jésuites n’étaient pas fâchés qu’on dît qu’ils assassinaient les rois. C'est l'orgueil qui veut régner par la crainte sur la faiblesse. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.132

10- « Ce qui rend le monde désagréable, me disait M. de L…, ce sont les fripons, et puis les honnêtes gens, de sorte que, pour que tout fût passable, il faudrait anéantir les uns et corriger les autres ; il faudrait détruire l'enfer et recomposer le paradis ».» -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.133

11- « C'est que la faiblesse de son caractère anéantit la puissance de sa position. Celui qui ne sait pas ajouter sa volonté à sa force n'a point de force. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.134

12- « Mme de R…, disait de M.P… : « Il est honnête, mais médiocre et d'un caractère épineux : c'est comme la perche, blanche, saine, mais insipide et pleine d'arêtes ». » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.135

13- « Ne voyez-vous pas, disait M.T…, que je ne suis rien que par l'opinion qu'on a de moi ; lorsque je m'abaisse, je perds de ma force, et que je tombe lorsque je descends ? » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.135

14- « Qu'un homme d'esprit, disait M. de T…, ait des doutes sur sa maîtresse, cela se conçoit ; mais sur sa femme ! il faut être bien bête. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.136

15- « Je demandais à M.D… pourquoi il avait refusé plusieurs places ; il me répondit : je ne veux rien de ce qui met un rôle à la place d'un homme. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.136

16- « « Je ne sais pourquoi Mme de L…désire tant que j'aille chez elle ; car quand j'ai été quelque temps sans y aller, je la méprise moins. » On pourrait dire cela du monde en général. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.137

17- « M. de P… disait […] : « En fait d'inutilité, il ne faut que le nécessaire ». » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.137

18- « On proposait un mariage à M.D… ; il répondit : « Il y a deux choses que j'ai toujours aimées à la folie ; ce sont les femmes et le célibat. J'ai perdu ma première passion, il faut que je conserve la seconde. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.138

19- « M.Thomas me disait un jour : « Je n'ai pas besoin de mes contemporains ; mais j'ai besoin de la postérité. » Il aimait beaucoup la gloire. « Beau résultat, lui dis-je, de pouvoir se passer des vivants, pour avoir besoin de ceux qui ne sont pas nés ! » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.138

20- « N… disait à M.Barthes : « Depuis dix ans que je vous connais, j'ai toujours cru qu'il était impossible d'être votre ami ; mais je me suis trompé ; il y en aurait un moyen. – Et lequel ? – Celui de faire une parfaite abnégation de soi, et d'adorer sans cesse votre égoïsme. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.139

21- « M. de R… était autrefois moins dur et moins dénigrant qu'aujourd'hui ; il a usé de toute son indulgence, et le peu qui lui en reste il le garde pour lui. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.139

22- « On accusait M.P… d'être misanthrope. « Moi, dit-il, je ne le suis pas ; mais j'ai bien pensé l'être, et j'ai vraiment bien fait d'y mettre ordre. – Qu'avez-vous fait pour l'empêcher ? – Je me suis fait solitaire. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.140

23- « M.R… me dit un jour plaisamment, à propos des femmes et de leurs défauts : « Il faut choisir d'aimer les femmes ou de les connaître : il n'y a pas de milieu. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.140

24- « M.Q… disait que le désavantage d'être au-dessous des princes est richement compensé par l'avantage d'en être loin. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.139

25- « Mon cher ami, Gênes, riche et puissante, a offert sa souveraineté à plusieurs rois qui l'ont refusée ; et on a fait la guerre pour la Corse qui ne produit que des châtaignes, mais qui était fière et indépendante. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.141

26- «Mes ennemis ne peuvent rien contre moi, disait M.D…; car ils ne peuvent m'ôter la faculté de bien penser, ni celle de bien faire. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.141

27- « M.S… : « A consulter que la raison, quel homme est l’homme qui voudrait être père […] ? Quelle femme, pour une épilepsie de quelques minutes, se donnerait une maladie d’une année entière ? La nature, en nous dérobant à notre raison, assure son empire […] » » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.

28- « Un homme de lettres à qui un grand seigneur faisait sentir la supériorité de son rang, lui dit : « Monsieur le duc, je n’ignore pas ce que je dois savoir ; mais je sais aussi qu’il est plus aisé d’être au-dessus de moi qu’à côté. » » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.150

29- « L’illusion, disait M.C…, ne fait d’effet sur moi, relativement aux personnes que j’aime, que celui d’un verre sur un pastel. Il adoucit les traits sans changer les rapports ni les proportions. » -CHAMFORT- Caractère et anecdotes, p.152

30- « Découvrir ce que seul un roman peut découvrir, c’est la seule raison d’être d’un roman. Le roman qui ne découvre pas une portion jusqu’alors inconnue de l’existence est immoral. La connaissance est la seule morale du roman. » -KUNDERA- partie 1, chap.2, p.20 [L’art du roman, Gallimard, 1986]

31- « L’homme souhaite un monde où le bien et la mal soient nettement discernables car est en lui le désir, inné et indomptable, de juger avant de comprendre. Sur ce désir sont fondées les religions et les idéologies. » -KUNDERA- partie 1, chap.3, p.21

32- « Les religions et les idéologies ne peuvent se concilier avec le roman que si elles traduisent son langage de relativité et d’ambiguïté dans leur discours apodictique [=nécessaire] et dogmatique. » -KUNDERA- partie 1, chap.3, p.22

33- « Les premiers romans européens sont des voyages à travers le monde, qui paraît illimité […] Un demi-siècle après Diderot, chez Balzac, l’horizon lointain a disparu comme un paysage derrière les bâtiments modernes que sont les institutions sociales […] Encore plus tard, pour Emma Bovary, l’horizon se rétrécit à tel point qu’il ressemble à une clôture. Les aventures se trouvent de l’autre côté et la nostalgie est insupportable. » -KUNDERA- partie 1, chap.4, p.23

34- « L’agressivité de la force est parfaitement désintéressée ; immotivée ; elle ne veut que son vouloir ; elle est le pur irrationnel. » -KUNDERA- partie 1, chap.5, p.25

35- « […] pendant l’époque des Temps modernes, la raison cartésienne corrodait l’une après l’autre toutes les valeurs héritées du Moyen Age. Mais, au moment de la victoire totale de la raison, c’est l’irrationnel pur (la force ne voulant que son vouloir) qui s’emparera de la scène du monde parce qu’il n’y aura plus aucun système de valeurs communément admis qui pourra lui faire obstacle. » -KUNDERA- partie 1, chap.5, p.25

36- « La Vérité totalitaire exclut la relativité, le doute, l’interrogation et elle ne peut donc jamais se concilier avec ce que j’appellerais l’esprit du roman. » -KUNDERA- partie 1, chap.7, p.29

37- « Et nous savons maintenant comment le roman meurt : il ne disparaît pas ; il tombe en dehors de son histoire. Sa mort se passe donc calmement, inaperçue, et ne scandalise personne. » -KUNDERA- partie 1, chap.7, p.30

38- « Appel de la pensée - Musil et Broch firent entrer sur la scène du roman une intelligence souveraine et rayonnante. Non pas pour transformer le roman en philosophie, mais pour mobiliser sur la base du récit tous les moyens, rationnels et irrationnels, narratifs et méditatifs, susceptibles d’éclairer l’être de l’homme ; de faire du roman la suprême synthèse intellectuelle. Leur exploit est-il l’achèvement de l’histoire du roman ou, plutôt, l’invitation à un long voyage ? » -KUNDERA- partie 1, chap.8, p.32

39- « […] les termites de la réduction rongent la vie humaine depuis toujours : même le plus grand amour finit par être réduit à un squelette de souvenirs chétifs. » -KUNDERA- partie 1, chap.9, p.33

40- « Cet esprit commun des mass media dissimulé derrière leur diversité politique, c’est l’esprit de notre temps. » -KUNDERA- partie 1, chap.9, p.34

41- « L’esprit du roman est l’esprit de complexité. Chaque roman dit au lecteur : « Les choses sont plus compliquées que tu ne le penses. » -KUNDERA- partie 1, chap.9, p.34

42- « L’esprit du roman est l’esprit de continuité ; chaque œuvre est la réponse aux œuvres précédentes, chaque œuvre contient toute expérience antérieure du roman. » -KUNDERA- partie 1, chap.9, p.34

43- « Autrefois, moi aussi, j’ai considéré l’avenir comme seul juge compétant de nos œuvres et de nos actes. C’est plus tard que j’ai compris que le flirt avec l’avenir est le pire des conformismes, la lâche flatterie du plus fort. Car l’avenir est toujours plus fort que le présent. C’est bien lui, en effet, qui nous jugera. Et certainement sans aucune compétence. » -KUNDERA- partie 1, chap.10, p.36

44- « [La Première Guerre mondiale] ne concernait que l’Europe, et encore pas toute l’Europe. Mais l’adjectif « mondial » exprime d’autant plus éloquemment la sensation d’horreur devant le fait que, désormais, rien de ce qui se passe sur la planète ne sera plus affaire locale, que toutes les catastrophes concernent le monde entier et que, par conséquent, nous sommes de plus en plus déterminés de l’extérieur, par les situations auxquelles personne ne peut échapper et qui, de plus en plus, nous font ressembler les uns aux autres. » -KUNDERA- partie 2, p.44

45- « Aucun étonnement devant l’infini insondable de l’âme. Plutôt un étonnement devant l’incertitude du moi et de son identité. » -KUNDERA- partie 2, p.45

46- « Saisir un moi, cela veut dire, dans mes romans, saisir l’essence de sa problématique existentielle. Saisir son code existentiel. En écrivant L’Insoutenable légèreté de l’être je me suis rendu compte que le code de tel ou tel personnage est composé de quelques mots-clés. Pour Tereza : le corps, l’âme, le vertige, la faiblesse, l’idylle, le Paradis. Pour Tomas : la légèreté, la pesanteur. » -KUNDERA- partie 2, p.46

47- «Vous voyez, je ne vous montre pas ce qui se passe dans la tête de Jaromil, je montre plutôt ce qui se passe dans ma propre tête : j’observe longuement mon Jaromil, et je tâche de m’approcher pas à pas, du cœur de son attitude, pour la comprendre, la dénommer, la saisir. » -KUNDERA- partie 2, p.48

48- « Le vertige est une des clés pour comprendre Tereza. Ce n’est pas la clé pour comprendre vous ou moi. Pourtant, et vous et moi nous connaissons cette sorte de vertige au moins comme notre possibilité, une des possibilités de l’existence. Il m’a fallu inventer Tereza, un « ego expérimental », pour comprendre cette possibilité […] » -KUNDERA- partie 2, p.48-49

49- « J’ai trop peur des professeurs pour qui l’art n’est qu’un dérivé des courants philosophiques et théoriques. Le roman connaît l’inconscient avant Freud, la lutte des classes avant Marx, il pratique la phénoménologie (la recherche des situations humaines) avant les phénoménologues. » -KUNDERA- partie 2, p.50

50- « Le personnage n’est pas une simulation d’un être vivant. C’est un être imaginaire. Un ego expérimental. […] Don Quichotte est quasi impensable comme être vivant. Pourtant, dans notre mémoire, quel personnage est plus vivant que lui ? » -KUNDERA- partie 2, p.51

51- « L’absence d’informations ne rend pas le personnage moins « vivant ». Car rendre un personnage « vivant » signifie : aller jusqu’au bout de sa problématique existentielle. Ce qui signifie : aller jusqu’au bout de quelques situations, de quelques motifs, voire de quelques mots dont il est pétri. Rien de plus. » -KUNDERA- partie 2, p.53

52- « Non seulement le circonstance historique doit créer une situation existentielle nouvelle pour un personnage de roman, mais l’Histoire doit en elle-même être comprise et analysée comme situation existentielle. » -KUNDERA- partie 2, p.56

53- « Mais si l’homme a perdu le besoin de poésie, s’apercevra-t-il de sa disparition ? La fin, ce n’est pas une explosion apocalyptique. Peut-être n’y a-t-il rien de plus paisible que la fin. » -KUNDERA- partie 2, p.61

54- « Le roman n’examine pas la réalité de l’existence. Et l’existence n’est pas ce qui s’est passé, l’existence est le champ des possibilités humaines, tout ce que l’homme peut devenir, tout ce dont il est capable. Les romanciers dessinent la carte de l’existence en découvrant telle ou telle possibilité humaine. Mais encore une fois ; exister, cela veut dire : « être-dans-le-monde ». Il faut donc comprendre et le personnage et son monde comme possibilités. » -KUNDERA- partie 2, p.61

55- « N’empêche que la fidélité à la réalité historique est, chose secondaire par rapport à la valeur du roman. Le romancier n’est ni historien ni prophète : il est explorateur de l’existence. » -KUNDERA- partie 2, p.63

56- « Saisir la complexité de l’existence dans le monde moderne exige, me semble-t-il, une technique de l’ellipse, de la condensation. Autrement vous tombez dans le piège d’une longueur sans fin. » -KUNDERA- partie 4, p.93-94

57- « [Le roman] est encombré par la « technique », par les conventions qui travaillent à la place de l’auteur : exposer un personnage, décrire un milieu, introduire l’action dans une situation historique, remplir le temps de la vie des personnages avec des épisodes inutiles ; chaque changement de décor exige de nouvelles expositions, descriptions, explications. Mon impératif est […] : débarrasser le roman de l’automatisme de la technique romanesque, du verbalisme romanesque, le rendre dense. » -KUNDERA- partie 4, p.95

58- « Or, pour moi, les conditions sine qua non du contrepoint romanesque sont : 1. l’égalité des « lignes » respectives ; 2. l’indivisibilité de l’ensemble. » -KUNDERA- partie 4, p.99

59- « En dehors du roman, on se trouve dans le domaine des affirmations : tout le monde est sûr de sa parole : un politicien, un philosophe, un concierge. Dans le territoire du roman, on n’affirme pas : c’est le territoire du jeu et des hypothèses. La méditation romanesque est donc, par essence, interrogative, hypothétique. » -KUNDERA- partie 4, p.101

60- « […] une fois dans le corps du roman, la méditation change d’essence : une pensée dogmatique devient hypothétique. Ce qui échappe aux philosophes quand ils s’essaient au roman. » -KUNDERA- partie 4, p.102

61- « Même si c’est moi qui parle, ma réflexion est liée à un personnage. Je veux penser ses attitudes, sa façon de voir les choses, à sa place et plus profondément qu’il ne pourrait le faire. » -KUNDERA- partie 4, p.103

62- « J’aime intervenir de temps en temps directement, comme acteur, comme moi-même. En ce cas-là, tout dépend du ton. Dès le premier mot, ma réflexion a un ton ludique, ironique, provocateur, expérimental ou interrogatif. » -KUNDERA- partie 4, p.103

63- « […] je crois qu’il existe quelque chose de plus profond qui assure la cohérence d’un roman : l’unité thématique. » -KUNDERA- partie 4, p.106

64- « Vous savez, l’histoire du roman a prit le chemin qu’elle a pris. Elle aurait pu en prendre aussi un autre. La forme du roman est liberté quasi illimitée. Le roman durant son histoire n’en a pas profité. Il a manqué cette liberté. Il a laissé beaucoup de possibilités formelles inexploitées. » -KUNDERA- partie 4, p.107

65- « […] je construis mes romans sur deux niveaux : au premier niveau, je compose l’histoire romanesque ; au-dessus, je développe des thèmes. Les thèmes sont travaillés sans interruption dans et par l’histoire. » -KUNDERA- partie 4, p.107

66- « Là où le roman abandonne ses thèmes et se contente de raconter une histoire, il devient plat. En revanche, un thème peut être développé seul, en dehors de l’histoire. » -KUNDERA- partie 4, p.107

67- « Un thème, c’est une interrogation existentielle. Et de plus en plus, je me rend compte qu’une telle interrogation est, finalement, l’examen des mots particuliers, de mots-thèmes. Ce qui me conduit à insister : le roman est fondé tout d’abord sur quelques mots fondamentaux. » -KUNDERA- partie 4, p.108

68- « La division du roman en parties, des parties en chapitres, des chapitres en paragraphes, autrement dit l’articulation du roman, je la veux d’une très grande clarté. Chacune des sept parties est un tout en soi. Chacune est caractérisée par son propre mode de narration […] »

69- « Je trouve les contrastes des temps [e.i. la longueur des parties, des chapitres…] extraordinairement important ! Pour moi, ils font souvent partie de la première idée que je me fais, avant de l’écrire, de mon roman. »

70- « […] composer un roman, c’est juxtaposer différents aspects émotionnels, et que c’est là , selon moi, l’art le plus subtil du romancier. » -KUNDERA- partie 4, p.114

71- « […] la forme d’un roman, sa « structure mathématique », n’est pas quelque chose de calculer ; c’est un impératif inconscient, une obsession. » -KUNDERA- partie 4, p.116

72- « A ses débuts, le grand roman européen était un divertissement et tous les vrais romanciers en ont la nostalgie ! Le divertissement n’exclut d’ailleurs nullement la gravité. » -KUNDERA- partie 4, p.121

73- « Unir l’extrême gravité de la question et l’extrême légèreté de la forme, c’est mon ambition depuis. » -KUNDERA- partie 4, p.121

74- « L’union d’une forme frivole et d’un sujet grave dévoile nos drames (ceux qui se passent dans nos lits ainsi que ceux que nous jouons sur la grande scène de l’Histoire) dans leur terrible insignifiance. » -KUNDERA- partie 4, p.121

75- « Je n’ai jamais vu personne mourir pour l’argument ontologique. » -CAMUS- L’absurde et le suicide, p.15 [Le mythe de Sisyphe [1942], idées, 1968]

76- « […] ce qu’on appelle une raison de vivre est en même temps une excellente raison de mourir. » -CAMUS- L’absurde et le suicide, p.16

77- « C’est l’équilibre de l’évidence et du lyrisme qui peut seul nous permettre d’accéder en même temps à l’émotion et à la clarté. » -CAMUS- L’absurde et le suicide, p.16

78- « Cet exil est sans recours puisqu’il est privé de souvenirs d’une patrie perdue ou de l’espoir d’une terre promise. Ce divorce entre l’homme de sa vie, l’acteur de son acteur, c’est proprement le sentiment d’absurdité. » -CAMUS- L’absurde et le suicide, p.18

79- « Mais on suppose à tort que des questions simples entraîne des réponses qui ne le sont pas moins et que l’évidence implique l’évidence. » -CAMUS- L’absurde et le suicide, p.19

80- « La ténacité et la clairvoyance sont des spectateurs privilégiés pour ce jeu inhumain où l’absurde, l’espoir et la mort échangent leurs répliques. Cette danse à la fois élémentaire et subtile, l’esprit peut alors en analyser les figures avant de les illustres et de les revivre lui-même. » -CAMUS- L’absurde et le suicide, p.23

81- « Les grands sentiments promènent avec eux leur univers, splendide ou misérable. Ils éclairent de leur passion un monde exclusif où ils retrouvent leur climat. » -CAMUS- Les murs absurdes, p.24

82- « […] partout où le pouvoir se déifie, il produit automatiqueemnt sa propre théologie ; partout où il se comporte comme Dieu, il suscite à son égard des sentiments religieux ; le monde peut être décrit dans un vocabulaire théologique. » -KUNDERA- Partie 5, p.129

83- « […] tous les aspects de l’existence que le roman découvre, il les découvre comme beauté. Les premiers romanciers ont découvert l’aventure. C’est grâce à eux si l’aventure en tant que telle est belle pour nous et si nous en sommes amoureux. » -KUNDERA- Partie 6, p.151

84- « Beauté, la dernière victoire possible de l’homme qui n’a plus d’espoir. Beauté dans l’art : lumière subitement allumée du jamais-dit. » -KUNDERA- Partie 6, p.152

85- « Il y a des langues où le mot « bêtise » n’est traduisible que par des mots agressifs : crétinerie, stupidité, imbécillité, etc. Comme si la bêtise était quelque chose d’exceptionnel, une défaillance, une anormalité, et non pas « l’état consubstantiel à l’être humain ». » -KUNDERA- Partie 6, p.153

86- « Les situations historiques toujours nouvelles dévoilent les possibilités constantes de l’homme et nous permettent de les dénommer. » -KUNDERA- Partie 6, p.154

87- « Tous ceux qui exaltent le vacarme mass-médiatique, le sourire imbécile de la publicité, l’oubli de la nature, l’indiscrétion élevée au rang de vertu, il faut les appeler : collabos de la modernité » -KUNDERA- Partie 6, p.155

88- « En nous offrant la belle illusion de la grandeur humaine, le tragique nous apporte une consolation. Le comique est plus cruel : il nous révèle brusquement l’insignifiance de tout. » -KUNDERA- Partie 6, p.155

89- « La trame méditative du roman est soutenue par l’armature de quelques mots abstraits. Si je ne veux pas tomber dans le vague où tout le monde croit tout comprendre, sans rien comprendre, il faut non seulement que je choisisse ces mots avec une extrême précision mais que je les définisse et redéfinisse. Un roman n’est souvent, me semble-t-il, qu’une longue poursuite de quelques définitions fuyantes. » -KUNDERA- Partie 6, p.156

90- « Excitation. Non pas plaisir, jouissance, sentiment, passion. L’excitation est le fondement de l’érotisme, son énigme la plus profonde, son mot-clé. » -KUNDERA- Partie 6, p.160

91- « Graphomanie. N’est pas la manie « d’écrire des lettres, des journaux intimes […], mais d’écrire des livres (donc d’avoir un public de lecteurs connus). N’est pas la manie de créer une forme mais d’imposer son moi aux autres. Version la plus grotesque de la volonté de puissance. » -KUNDERA- Partie 6, p.161

92- « Idées. Le dégoût que j’éprouve pour ceux qui réduisent une œuvre à ses idées. L’horreur que j’ai d’être entraîné dans ce qu’on appelle les « débats d’idées ». Le désespoir que m’inspire l’époque obnubiliée par les idées, indifférentes aux œuvres. » -KUNDERA- Partie 6, p.161

93- « Le sentiment de l’absurdité au détour de n’importe quelle rue peut frapper à la face de n’importe quel homme. Tel quel, dans sa modernité désolante, dans sa lumière sans rayonnement, il est insaisissable. » -CAMUS- Les murs absurdes, p.24

94- « […] un homme se définit aussi bien par ces comédies que par ses élans sincères. » -CAMUS- Les murs absurdes, p.25

95- « Car les méthodes impliquent des métaphysiques, elles trahissent à leur insu les conclusions qu’elles prétendent parfois ne pas encore connaître. » -CAMUS- Les murs absurdes, p.26

96- « De même et pour tous les jours d’une vie sans éclat, le temps nous porte. Mais un moment vient toujours où il faut le porter. » -CAMUS- Les murs absurdes, p.27

97- « […] le sentiment inconscient de l’homme devant son univers : il est exigence de familiarité, appétit de clarté. Comprendre le monde pour un homme, c’est le réduire à l’humain, le marquer de son sceau […] Cette nostalgie d’unité, cet appétit d’absolu illustre le mouvement essentiel du drame humain. » -CAMUS- Les murs absurdes, p.32

98- « Tant que l’esprit se tait dans le monde immobile de ses espoirs, tout se réflète et s’ordonne dans l’unité de sa nostalgie. Mais à son premier mouvement, ce monde se fêle et s’écroule : une infinité d’éclats miroitants s’offrent à la connaissance. » -CAMUS- Les murs absurdes, p.33

99- « S’il fallait écrire la seule histoire significative de la pensée humaine, il faudrait faire celle de ses repentirs successifs et de ses impuissances. » -CAMUS- Les murs absurdes, p.34

100- « Entre la certitude que j’ai de mon existence et le contenu que j’essaie de donner à cette assurance, le fossé ne sera jamais comblé. Pour toujours je serai étranger à moi-même. » -CAMUS- Les murs absurdes, p.34