1- « […] penses-tu qu’il soit étonnant qu’un homme qui passe des contemplations divines aux misérables choses humaines ait mauvaise grâce et paraisse tout à fait ridicule, lorsque, ayant encore la vue troublée et n’étant pas suffisamment accoutumé aux ténèbres environnantes, il est obligé d’entrer en dispute […] ? » -Platon- Livre VII, 517d [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
2- " L’éducation est donc l’art qui se propose ce but, la conversion de l’âme, et qui recherche les moyens les plus aisés et les plus efficaces de l’opérer ; elle ne consiste pas à donner la vue à l’organe de l’âme, puisqu’il l’a déjà ; mais comme il est mal tourné et ne regarde pas où il faudrait, elle s’efforce de l’amener dans la bonne direction. » -Platon- Livre VII, 518d [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
3- « […] les autres vertus, appelées vertus de l’âme, paraissent bien se rapprocher de celles du corps – car, en réalité quand on ne les a pas tout d’abord, on les peut acquérir dans la suite par l’habitude et l’exercice ; mais la vertu de la science appartient très probablement à quelque chose de plus divin, qui ne perd jamais de sa force, et qui, selon la direction qu’on lui donne, devient utile et avantageux ou inutile et nuisible. » -Platon- Livre VII, 518e [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
4- « N’as-tu pas encore remarqué, au sujet des gens que l’on dit méchants, mais habiles, combien perçant sont les yeux de leur misérable petite âme […] ? Leur âme n’a donc pas une vue faible, mais comme elle est contrainte de servir leur malice, plus sa vue est perçante, plus elle fait de mal. » -Platon- Livre VII, 518e [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
5- « […] après qu’ils [les meilleurs naturels] se seront ainsi élevés et auront suffisamment contemplé le bien, gardons-nous de leur permettre […] de rester là-haut, de refuser de descendre de nouveau parmi les prisonniers et de partager avec eux travaux et honneurs, quel que soit le cas qu’on en doive faire. » -Platon- Livre VII, 519b [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
6- « Il leur faut de la pénétration pour les sciences et de la facilité à apprendre ; car l’âme se rebue bien plutôt dans ls fortes études que dans les exercices gymnastiques : la peine lui est plus sensible parce qu’elle n’est que pour elle seule, et que le corps ne la partage point. » -Platon- Livre VII, 535b [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
7- « […] car il ne faut pas croire Solon lorsqu’il dit qu’un vieillard peut apprendre beaucoup de choses : il est moins capable d’apprendre que de courir ; les grands et les multiples travaux sont l’affaire des jeunes gens. » -Platon- Livre VII, 536c [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
8- « Parce que l’homme libre ne doit rien apprendre en esclave ; en effet, que les exercices corporels soient pratiquée par contrainte, le corps ne s’en trouve pas plus mal, mais les leçons qu’on fait entrer de force dans l’âme n’y demeurent point. » -Platon- Livre VII, 536d [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
9- « Ainsi donc, n’use pas de violence dans l’éducation des enfants, mais fais en sorte qu’ils s’instruisent en jouant : tu pourras par là mieux discerner les dispositions naturelles de chacun. » -Platon- Livre VII, 536e [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
10- « […] il faut conduire les enfants à la guerre sur des chevaux, en spectateurs, et, lorsqu’on le peut sans danger, les approcher de la mêlée et leur faire goûter le sang, comme aux jeunes chiens. » -Platon- Livre VII, 537a [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
11- « Tu as dû remarquer, je pense, que les adolescents, lorsqu’ils ont une fois goûté à la dialectique, en abusent et en font un jeu, qu’ils s’en servent pour contredire sans cesse […] » -Platon- Livre VII, 539b [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
12- « De tels hommes seront avides de richesses […] ; ils adoreront farouchement, dans l’ombre, l’or et l’argent, car ils auront des magasins et des trésors particuliers, où ils tiendront leurs richesses cachées, et aussi des habitations entourées de murs, véritables nids privés, dans lesquels ils dépenseront largement pour des femmes, et pour qui bon leur semblera. » -Platon- Livre VIII, 548a [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
13- « N’y a-t-il pas en effet entre la vertu et la richesse cette différence, que, placées l’une et l’autre sur les plateaux d’une balance, elles prennent toujours une direction contraire ? » -Platon- Livre VIII, 550e [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
14- « Il est donc évident que toute cité où tu verras des pauvres recèle aussi des filous, des coupe bourses, des hiérosules, des artisans de tous les crimes de ce genre. » -Platon- Livre VIII, 552d [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
15- « Eh bien ! à mon avis, la démocratie apparaît lorsque les pauvres, ayant remporté la victoire sur les riches, massacrent les uns, bannissent les autres, et partagent également entre ceux qui restent le gouvernement et les charges publiques […] » -Platon- Livre VIII, 556e [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
16- « Hé quoi ! la mansuétude des démocraties à l’égard de certains condamnés n’est-elle pas élégante ? N’as-tu pas déjà vu dans un gouvernement de ce genre des hommes frappés par une sentence de mort ou d’exil rester néanmoins dans leur patrie et y circuler en public ? Le condamné, comme si personne ne se souciait de lui ni ne le voyait, s’y promène, tel un héros invisible. » -Platon- Livre VIII, 557e [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
17- « [La démocratie] c’est, comme tu vois, un gouvernement agréable, anarchique et bigarré, qui dispense une sorte d’égalité aussi bien à ce qui est inégal qu’à ce qui est égal. » -Platon- Livre VIII, 558c [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
18- « Lorsqu’un jeune homme […] a goûté du miel des frelons, et s’est trouvé dans la compagnie de ces insectes ardents et terribles qui peuvent lui procurer des plaisirs de toute sorte, nuancés et variés à l’infini, c’est alors, crois-le, que son gouvernement intérieur commence à passer […] à la démocratie. » -Platon- Livre VIII, 559d [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
19- « [Les présomptueuses et fausses maximes], après avoir vidé et purifié de ces vertus l’âme du jeune homme […], elles y introduisent, brillantes, suivies d’un chœur nombreux et couronnées, l’insolence, l’anarchie, la licence, l’effronterie, qu’elles louent et décorent de beaux noms, appelant l’insolence noble éducation, l’anarchie liberté, la débauche magnificence, l’effronterie courage. » -Platon- Livre VIII, 560d [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
20- « Lorsqu’une cité démocratique, altérée de liberté, trouve dans ses chefs de mauvais échansons, elle s’enivre de ce vin pur au-delà de toute décence ; alors, si ceux qui la gouvernent ne se montrent pas tout à fait dociles et ne lui font pas large mesure de liberté, elle les châtie, les accusant d’être des criminels et des oligarques. » -Platon- Livre VIII, 562c [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
21- « [Dans une cité démocratique] le maître craint ses disciples et les flatte, les disciples font peu de cas des maîtres et des pédagogues. » -Platon- Livre VIII, 563a [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
22- « Ainsi, l’excès de liberté doit aboutir à un excès de servitude, et dans l’individu et dans l’État. » -Platon- Livre VIII, 564a [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
23- « Le troisième classe c’est le peuple […] Dans une démocratie cette classe est la plus nombreuse et la plus puissante lorsqu’elle est assemblée. – En effet, mais elle ne s’assemble guère, à moins qu’il ne lui revienne quelque part de miel. » -Platon- Livre VIII, 565a [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
24- « […] le peuple n’a-t-il pas l’invariable habitude de mettre à sa tête un homme dont il nourrit et accroît la puissance ? […] Il est donc évident que si le tyran pousse quelque part, c’est sur la racine de ce protecteur et non ailleurs qu’il prend tige. » -Platon- Livre VIII, 565d [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
25- « Mais quand il [le tyran] s’est débarrassé de ses ennemis du dehors, en traitant avec les uns, en ruinant les autres, et qu’il est tranquille de ce côté, il commence toujours par susciter des guerres, pour que le peuple ait besoin d’un chef. » -Platon- Livre VIII, 566e [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
26- « Mais de quels désirs parles-tu ? – De ceux qui s’éveillent pendant le sommeil, lorsque repose cette partie de l’âme qui est raisonnable, douce, et faite pour commander à l’autre, et que la partie bestiale et sauvage, gorgée de nourriture ou de vin, tressaille, et après avoir secoué le sommeil, part en quête de satisfaction à donner à ses appétits. Tu sais qu’en pareil cas elle ose tout, comme si elle était délivrée et affranchie de toute honte et de toute prudence. » -Platon- Livre IX, 571c [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
27- « […] il y a en chacun de nous, même chez ceux qui paraissent tout à fait réglés, une espèce de désirs terribles, sauvages, sans lois […] » -Platon- Livre IX, 572a [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
28- « […] ce ne sont que fêtes, festins, courtisanes et réjouissances de toutes sortes chez celui qui a laissé le tyran Éros s’installer dans son âme et en gouverner tous les mouvements. » -Platon- Livre IX, 573d [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
29- « Or n’est-il pas vrai que l’homme tyrannique est fait à la ressemblance de la cité tyrannique, comme l’homme démocratique à celle de la démocratie, et ainsi de suite ? » -Platon- Livre IX, 576c [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
30- « Or, la cité esclave et dominée par un tyran ne fait pas le moins du monde ce qu’elle veut […] Par conséquent l’âme tyrannisée ne fera pas du tout ce qu’elle veut […], sans cesse et violemment entraînée par un désir furieux, elle sera pleine de trouble et de remords. » -Platon- Livre IX, 577e [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
31- « […] semblables à des gens qui opposeraient le gris et le noir ; faute de connaître le blanc, ils opposent l’absence de douleur à la douleur, faute de connaître le plaisir. » -Platon- Livre IX, 585a [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
32- À la façon des bêtes, les yeux tournés vers le bas, la tête penchée vers la terre et vers la table, ils paissent à l’engrais et s’accouplent ; et, pour avoir la plus grosse portion des jouissances, ils ruent, se battent à coup de cornes et de sabots de fer, et s’entre-tuent dans la fureur de leur appétit insatiable, parce qu’ils n’ont point rempli de choses réelles la partie réelle et étanche d’eux-mêmes. » -Platon- Livre IX, 586b [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
33- « Pour l’ordinaire, vous engendrerez des enfants semblables à vous-mêmes ; mais comme vous êtes tous parents, il peut arriver que de l’or naisse un rejeton d’argent, ou de l’argent un rejeton d’or […] » -Platon- Livre III, 415a [La République, trad.R.Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966]
34- " [...] la fonction double et réciproque de l'histoire [...] : promouvoir notre compréhension du passé à la lumière du présent, et du présent à la lumière du passé. Tout ce qui, telle la passion d'Antoine pour Cléopâtre, ne contribue pas à cette double fin est, du point de vue de l'historien, creux et stérile. " -CARR- chap.4, p.168 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
35- " Je crois que les bons historiens, qu'ils en aient ou non conscience, ont le futur dans les veines. A côté de la question du "pourquoi", l'historien pose toujours la question du "vers où". " -CARR- chap.4, p.169 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
36- " Mais si l'historien veut préserver son hypothèse du progrès, je crois qu'il doit y voir un processus que les exigeances et les circonstances des périodes successives chargeront de leur propre contenu spécifique. " -CARR- chap.5, p.178 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
37- " Si je me piquais de formuler des lois historiques, l'une d'entre elles postuleraient que le groupe - qu'on l'appelle classe, nation, continent ou civilisation - qui, en une période, joue le rôle moteur dans la marche de la civilisation, ne le jouera vraisemblablement plus à la période suivante, et cela pour la bonne raison qu'il sera trop profondément imprégné des traditions, des idéologies et des intérêts de la période révolue pour être capable de s'adapter aux exigeances et aux conditions de la période suivante. " -CARR- chap.5, p.180 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
38- " [...] avoir foi dans le progrès n'est pas avoir foi dans un processus automatique ou inévitable, mais dans le développement progressif des potentialités humaines. " -CARR- chap.5, p.183 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
39- " En histoire, l'objectivité (si nous devons continuer d'utiliser ce terme convenu) ne peut être celle du fait, mais uniquement celle de la relation - de la relation entre fait et interprétation, entre passé, présent et futur " -CARR- chap.5, p.184 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
40- " S'il est insuffisant d'attribuer la Révolution russe à la stupidité de Nicolas II ou au génie de Lénine - insuffisant au point d'en devenir fallacieux -, c'est là un énoncé qu'on ne peut dire absolument faux. L'historien ne se meut pas dans des absolus de ce genre. " -CARR- chap.5, p.184 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
41- " [...] l'historien ne peut se rapprocher de l'objectivité qu'en se rapprochant de la compréhension du futur. " -CARR- chap.5, p.188 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
42- " [L'histoire est] un dialogue entre les événement du passé et des fins futures en progressive émergence. " -CARR- chap.5, p.188 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
43- " L'interprétation que donne l'historien du passé, son choix du significatif et du pertinent, évolue avec l'émergence progressive de nouveaux buts. " -CARR- chap.5, p.188 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
44- " Le sceptique aura beau jeu d'objecter que la nouvelle interprétation [historique] n'est pas plus vraie que l'ancienne, mais chacune est vraie pour son époque. " -CARR- chap.5, p.188 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
45- " L'histoire, c'est le récit de ce que firent les peuples, et non de ce qu'ils ne purent pas accomplir : dans cette mesure, elle est inévitablement le récit d'une réussite. " -CARR- chap.5, p.191 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
46- " L'homme politique ne se doit pas seulement d'examiner ce qui est théoriquement ou moralement désirable, mais aussi les forces qui existent dans le monde et les moyens de diriger ou de manipuler ces forces, en vue d'atteindre, probablement partiellement, les objectifs considérés. " -CARR- chap.5, p.193 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
47- " La disparité des valeurs naît de la disparité des contextes historiques [...] Il est donc partial ou fallacieux de dire que, des faits, on ne peut faire découler des valeurs. " -CARR- chap.5 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
48- " Nos valeurs sont un élément essentiel de nos attributs d'êtres humains. C'est à travers elles que nous sommes capables de nous adapter à notre environnement et d'adapter l'environnement aux êtres que nous sommes ; c'est cette acquisition d'une maîtrise de notre environnement qui fait de l'histoire un récit de progrès. " -CARR- chap.5, p.196 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
49- " Le progrès historique ne se réalise que par l'interdépendance et l'interaction des faits et des valeurs. L'historien objectif est l'historien qui pénètre le plus profondément ce processus réciproque. " -CARR- chap.5, p.197 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
50- " Le royaume de la vérité historique se situe quelque part entre ces deux pôles - le pôle Nord des faits non affectés de valeur et le pôle Sud des jugements de valeur en train de lutter pour se métamorphoser en faits. " -CARR- chap.5, p.197 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
51- " La conviction que nous venons de quelque part est étroitement liée à la conviction que nous allons quelque part. " -CARR- chap.6, p.198 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
52- " Après Marx et Freud, l'historien qui s'imagine être détaché, extérieur à la société et à l'histoire, est inexcusable. Nous vivons dans une époque consciente : l'écrivain peut et doit savoir ce qu'il fait. " -CARR- chap.6, p.207 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
53- " [...] l'homme se conformant, dans la poursuite de ses intérêts, aux lois de l'économie ; [...] ces dernières n'ont plus d'adeptes, hormis quelques attardés ignorant que le XIXe siècle s'est achevé. " -CARR- chap.6, p.207 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
54- " Dans le monde entier, des hommes mal dégrossis apprennent aujourd'hui à employer des machines compliquées, et, ce faisant, ils apprennent à penser, à employer leur raison. " -CARR- chap.6, p.212 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
55- " [...] nous nous trouvons devant le tableau suivant : une élite d'industriels ou de dirigeants professionnels de partis atteint ses objectifs au moyen de processus rationnels plus hautement développés que jamais, en comprenant et en manipulant l'irrationalité des masses. " -CARR- chap.6, p.213 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
56- " [...] les États-Unis jouent le rôle de centrale électrique et de tour de contrôle. " -CARR- chap.6, p.216 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
57- " L'histoire moderne débute lorsque de plus en plus de peuples accèdent à la conscience sociale et politique, deviennent conscients de leurs groupes respectifs en tant qu'entités historiques ayant un passé et un futur, et entrent de plein-pied dans l'histoire " -CARR- chap.6, p.218 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
58- " Mais cette subordination de la raison aux postulats de l'ordre existant me paraît totalement inacceptable sur la longue durée. " -CARR- chap.6, p.225 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
59- " Le progrès dans les affaires humaines, qu'il soit scientifique, historique ou social, est advenu principallement grâce à l'audacieuse détermination des humains de ne pas se cantonner dans la recherche de techniques de bricolage pour améliorer le fonctionnement des choses, mais de mettre fondamentalement en question, au nom de la raison, ce fonctionnement ainsi que les postulats avoués ou dissimulés sur lequel il repose. " -CARR- chap.6, p.225 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
60- " Un homme allait, depuis trente ans, passer toutes les soirées chez Mme de Z ... Il perdit sa femme ; on crut qu'il épouserait l'autre, et on l'y encourageait. Il refusa : " Je ne saurais plus, dit-il, où aller passer mes soirées. " -CHAMFORT- p.21 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris,1963]
61- " Il n'y a pas de mépris ni de passion en général. Tout cela demande la connaissance de cause. " -CAMUS- p.5 [Préface à Chamfort, Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
62- " Qu'est-ce qu'un moraliste en effet ? Disons seulement que c'est un homme qui a la passion du coeur humain. " -CAMUS- p.6 [Préface à Chamfort, Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
63- " Je donnerais volontiers tout le livre des Maximes [de La Rochefoucauld] pour une phrase heureuse de la Princesse de Clèves et pour deux ou trois petits faits vrais comme savait les collectionner Stendhal. " -CAMUS- p.6 [Préface à Chamfort, Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
64- " Nos vrais moralistes n'ont pas fait de phrases, ils sont regardé et se sont regardés. Ils n'ont pas légiféré, ils ont peint. Et par là ils ont plus fait pour éclairer la conduite des hommes que s'ils avaient polipatiemment, pour quelques beaux esprits, une centaine de formules définitives, vouées aux dissertations des bacheliers. " -CAMUS- p.6 [Préface à Chamfort, Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
65- " C'est que le roman seul est fidèle au particulier. Son objet n'est pas les conclusions de la vie mais son déroulement même. " -CAMUS- P.7 [Préface à Chamfort, Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
66- " Qu'est-ce que la maxime en effet ? On peut dire en simplifiant que c'est une équation [...] On peut même, et toujours comme en algèbre, tirer de l'une de ces combinaisons un pressentiment à l'égard de l'expérience. Mais rien de tout cela n'est réel parce que tout y est général. " -CAMUS- p.7 [Préface à Chamfort, Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
67- " C'est le lecteur pressé qui, la plupart du temps, étend au coeur humain ce que l'auteur affirme seulement de certaines têtes folles. " -CAMUS- p.10 [Préface à Chamfort, Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
68- " Car la réussite sociale n'a de sens que dans une société à laquelle on croit. " -CAMUS- p.13 [Préface à Chamfort, Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
69- " [Chamfort] est de ceux que poussent à la fois de grandes et éclatantes vertus qui les mettent au point de tout conquérir et cette autre vertu plus amère qui les mène à nier cela même qui vient d'être conquis. " -CAMUS- p.13 [Préface à Chamfort, Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
70- " Que peut faire alors un homme en face d'un monde qu'il méprise ? Si sa qualité est bonne, il prendra sur lui les exigences qui justement ne sont pas satisfaites dans ce monde. Non pour se donner en exemple, mais par simple souci de cohérence. " -CAMUS- p.13 [Préface à Chamfort, Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
71- " Car, en somme, le mépris des hommes est souvent la marque d'un coeur vulgaire. Il s'accompagne alors de la satisfaction de soi. Il n'est légitime au contraire que lorsqu'il se soutient du mépris de soi. " -CAMUS- p.14 [Préface à Chamfort, Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
72- " [...] pas un seul de nos grands romans ne se comprend sans une passion profonde pour l'homme. " -CAMUS- p.15 [Préface à Chamfort, Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
73- " [...] le culte obstiné de l'extrême et de l'impossible [...] C'est cela que précisément on peut appeler le goût à la morale. " -CAMUS- p.16-17 [Préface à Chamfort, Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
74- " Car le métier de moraliste ne peut aller sans désordres, sans fureurs ou sans sacrifices - ou alors il n'est qu'une feinte odieuse. " -CAMUS- p.17 [Préface à Chamfort, Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
75- " [...] Chamfort m'apparaît comme un de nos rares grands moralistes : la morale, ce grand tourment des hommes, lui est une passion personnelle [...] " -CAMUS- p.17 [Préface à Chamfort, Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
76- " M... me disait : " J'ai vu des femmes de tous les pays ; l'Italienne ne croit être aimée de son amant que quand il est capable de commettre un crime pour elle ; l'Anglaise, une folie ; et la Française, une sottise. " " -CHAMFORT- p.24 [Chamfort, Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
77- " M. P... disait : " Les femmes n'ont de bons que ce qu'elles ont de meilleur. " " -CHAMFORT- p.24 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
78- " M... me disait : " C'est faute de pouvoir placer un sentiment vrai que j'ai pris le parti de traiter l'amour comme tout le monde. Cette ressource a été mon pis aller : comme un homme qui, voulant aller au spectacle, et n'ayant pas trouvé de place à Iphigénie, s'en va aux Variétés amusantes. " " -CHAMFORT- p.31 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
79- " Ne me vantez point le caractère de N... ; c'est un homme dur, inébranlable, appuyé sur une philosophie froide, comme une statue de bronze sur du marbre. " -CHAMFORT- p.32 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
80- " M.H... me disait : " J'ai renoncé à l'amitié de deux hommes : l'un, parce qu'il ne m'a jamais parlé de lui ; l'autre, parce qu'il ne m'a jamais parlé de moi. " " -CHAMFORT- p.38 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
81- " Il faut, disait M.J..., flatter l'intérêt ou effrayer l'amour-propre des hommes : ce sont des singes qui ne sautent que pour des noix, ou bien dans la crainte du coup de fouet ... " " -CHAMFORT- p.44 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
82- " Mme de Tencin disait que les gens d'esprit faisaient beaucoup de fautes de conduites parce qu'ils ne croyaient jamais le monde assez bête, aussi bête qu'il l'est. " -CHAMFORT- p.49 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
83- " J'ai ressemblé, disait M.G..., à un grand joueur d'échecs, qui se lasse de jouer avec des gens auxquels il faut donner la dame. On joue divinement, on se casse la tête, et on finit par gagner un petit écu. " " -CHAMFORT- p.52 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
84- " M. de Stainville, lieutenant général, venait de faire enfermer sa femme. M. de Vaubecourt, maréchal de camp, sollicitait un ordre pour faire enfermer la sienne. Il venait d'obtenir l'ordre, et sortait de chez le ministre avec un air triomphant. M. de Stainville, qui crut qu'il venait d'être nommé lieutenant général, lui dit, devant beaucoup de monde : " Je vous félicite, vous êtes sûrement des nôtres. " " -CHAMFORT- p.54 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
85- " À propos de choses de ce bas monde, qui vont de mal en pis, M.L... disait : " J'ai lu quelque part qu'en politique il n'y a rien de si malheureux pour les peuples que les règnes trop longs. J'entends dire que Dieu est éternel [...] " " -CHAMFORT- p.66 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
86- " M. de V..., qui voyait la source de dégradation de l'espèce humaine dans l'établissement de la secte nazaréenne [=chrétienne] et dans la féodalité, disait que, pour valoir quelque chose, il fallait se défranciser et se débaptiser, et devenir Grec ou Romain par l'âme. " -CHAMFORT- p.77 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
87- " M. de la Reynière devait épouser Mlle Jarinte, jeune et aimable. Il revenait de la voir, enchanté du bonheur qui l'attendait, et disait à M. de Malesherbes, son beau-frère : " Ne pensez-vous pas en effet que mon bonheur sera parfait ? - Cela dépend de quelques circonstances. - Comment ! que voulez-vous dire ? - Cela dépend du premier amant qu'elle aura. " " -CHAMFORT- p.79 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
88- " [...] le grand monde est un mauvais lieu que l'on avoue. " -CHAMFORT- p.81 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
89- " Je demandais à M.V... pourquoi aucun des plaisirs [du monde] ne paraissaient avoir prise sur lui ; il me répondit : " [...] Le monde ne m'a rien offert de tel qu'en descendant en moi-même je n'aie trouvé encore mieux chez moi. " " -CHAMFORT- p.81 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
90- " Un philosophe à qui l'on reprochait son extrême amour pour la retraite, répondit : " Dans le monde, tout tend à me faire descendre ; dans la solitude, tout tend à me faire monter. " -CHAMFORT- p.85 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
91- " Mme Bauzée couchait avec un maître de langue allemande. M. Bauzée les surprit au retour de l'Académie. L'Allemand dit à la femme : " Quand je vous disais qu'il était temps que je m'en aille. M.Bauzée, toujours puriste, lui dit : " Que je m'en allasse, monsieur. " "-CHAMFORT- p.86 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
92- " M. de la Popelinière se déchaussait un soir devant ses complaisants et se chauffait les pieds ; un petit chien les lui léchait. Pendant ce temps-là, la société parlait d'amitié, d'amis : " Un ami, dit M. de la Popelinière, montrant son chien, le voilà. " " -CHAMFORT- p.88 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
93- " M. Th... me disait un jour qu'en général dans la société, lorsqu'on avait fait quelque action honnête et courageuse par un motif digne d'elle, c'est-à-dire très noble, il fallait que celui qui avait fait cette action lui prêtât, pour adoucir l'envie, quelque motif moins honnête et plus vulgaire. " -CHAMFORT- p.91 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
94- " Un philosophe, retiré du monde, m'écrivait [...] : " Adieu, mon ami ; conservez, si vous pouvez, les intérêts qui vous attachent à la société ; mais cultivez les sentiments qui vous en séparent. " " -CHAMFORT- p.100 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
95- " " La postérité, disait M. de B..., n'est pas autre chose qu'un public qui succède à un autre : or vous voyez ce que c'est que le public d'à présent. " " -CHAMFORT- p.104 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
96- " " Trois choses, disait M.N..., m'importunent, tant au moral qu'au physique, au sens figuré comme au sens propre : le bruit, le vent et la fumée. " " -CHAMFORT- p.104 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
97- " Duclos parlait du paradis, que chacun se fait à sa manière. Mme de Rochefort lui dit : " Pour vous, Duclos, voici de quoi composer le vôtre : du pain, du vin, du fromage, et la première venue. " " -CHAMFORT- p.106 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
98- " M. de R... a beaucoup d'esprit, mais tant de sottises dans l'esprit, que beaucoup de gens pourraient le croire un sot. " -CHAMFORT- p.107 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
99- " Une femme âgée de quatre-vingt-dix ans disait à M.de Fontenelle, âgé de quatre-vingt-quinze : La mort nous a oubliés. - Chut ! " lui répondit M. de Fontenelle, en mettant le doigt sur sa bouche. " -CHAMFORT- p.115 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
100- " Un courtisan disait : " Ne se brouille pas avec moi qui veut. " " -CHAMFORT- p.118 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
101- " M.S. me disait : " Toutes les fois que je vais chez quelqu'un, c'est une préférence que je lui donne sur moi ; je ne suis pas assez désoeuvré pour y être conduit par un autre motif. " " -CHAMFORT- p.125 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]
102- " " Malgré toutes les plaisanteries qu'on rebat sur le mariage, disait M.N..., je ne vois pas ce qu'on peut dire contre un homme de soixante ans qui épouse une femme de cinquante-cinq. " " -CHAMFORT- p.125 [Maximes et anecdotes, Poche-club, Paris, 1963]