2- « Des générations d’historiens, de scribes et de chroniqueurs ont déterminé, sans possibilité de révision, le visage du passé. » -CARR- chap.1, p.60[Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
3- « […] la compilation d’un maximum de faits objectifs et irréfutables […] C’est cette hérésie qui, depuis un siècle, a des effets dévastateurs sur l’historien contemporain, produisant […] une masse croissante de mornes et arides histoires factuelles, de monographies fouillées sur des sujets ultra-circonscrits, de prétendus historiens de plus en plus ferrés dans des domaines de plus en plus réduits, noyés dans un océan de faits. » -CARR- chap.1, p.61 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
4- « C’était l’âge de l’innocence : les historiens pouvaient parcourir le jardin d’Éden sans un lambeau de philosophie pour se couvrir, purs dans leur nudité devant le dieu de l’histoire. Depuis, nous avons connu le péché et la chute […] De nos jours, on ne peut plus éluder cette difficile question. » -CARR- chap.1, p.67 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
5- « Quand vous lisez un ouvrage historique, prêtez toujours l’oreille à sa « petite musique ». Si vous n’entendez rien, ou bien vous êtes sourd, ou bien votre historien est un niais. » -CARR- chap.1, p.71 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
6- « L’histoire ne peut s’écrire si l’historien ne parvient pas à établir un certain contact avec la mentalité de ceux sur qui il écrit. » -CARR- chap.1, p.72 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
7- « […] nous ne pouvons considérer le passé, et parvenir à le comprendre, que par les yeux du présent […] Mais l’historien es obligé de choisir : le langage lui interdit d’être neutre. » -CARR- chap.1, p.73 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
8- « La fonction de l’historien n’est ni d’aimer le passé ni de s’en affranchir, mais de le maîtriser et de le comprendre en tant que clé de la compréhension du présent. » -CARR- chap.1, p.73 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
9- « […] l’interprétation, cette sève de l’histoire. » -CARR- chap.1, p.76 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
10- « […] l’écriture guide la lecture, la rend fructueuse : plus j’écris, plus je sais ce que je cherche, plus je comprends le sens et l’intérêt de ce que je trouve. » -CARR- chap.1, p.77 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
11- « La relation entre l’homme et son environnement, c’est la relation entre l’histoire et son thème. L’historien n’est ni l’humble esclave nie le maître tyrannique de ses faits. Il entretient avec eux une relation d’égalité, d’échange mutuel. » -CARR- chap.1, p.78 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
12- « L’individualisme, pour ceux qui s’en réclament aujourd’hui, n’est plus un grand mouvement social mais une mise en opposition factice de l’individu et de la société au bénéfice de leurs intérêts de groupe […] » -CARR- chap.2, p.83 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
13- « Les êtres dont l’historien étudie les actes ne sont pas des individus évoluant dans un vide : ils ont agi dans le contexte, et sous l’impulsion, d’une société. » -CARR- chap.2, p.84 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
14- « L’histoire prend précisément sa grandeur lorsque la vision que son auteur entretient du passé est éclairée par son appréhension des problèmes du présent. » -CARR- chap.2, p.86 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
15- « Je ne suis d’ailleurs pas sûr que j’envierais l’historien qui pourrait dire en toute franchise que, depuis cinquante ans, il a traversé les convulsions mondiales sans modifier radicalement certains aspects de sa vision. » -CARR- chap.2, p.92 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
16- « […] remplacer la vision linéaire de l’histoire par une théorie cyclique – idéologie caractéristique d’une société en déclin. » -CARR- chap.2, p.93 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
17- « Le monde fait au rebours, et ne pense rien utile qui ne soit pénible, la facilité lui est suspecte. » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.378 [Essais, Librairie générale française, 1972]
18- « Il y a voix pour instruire, voix pour flatter, ou pour tancer. Je veux que ma voix, non seulement arrive à lui, mais à l’aventure qu’elle le frappe et le perce. » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.380 [Essais, Librairie générale française, 1972]
19- « […] il est vrai que les songes sont loyaux interprètes de nos inclinations, mais il y a de l’art à les assortir et entendre. » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.394 [Essais, Librairie générale française, 1972]
20- « […] les dresser [les enfants] à la frugalité et à l’austérité : qu’ils aient plutôt à descendre de l’âpreté qu’à monter vers elle. » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.396 [Essais, Librairie générale française, 1972]
21- « Ainsi se ruinent ceux qui se laissent empêtrer à des régimes contraints et s’y astreignent superstitieusement : il leur faut encore, et encore après d’autres au-delà : ce n’est jamais fait. » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.401 [Essais, Librairie générale française, 1972]
22- « Les plaisirs purs de l’imagination, ainsi que les déplaisirs, […] sont les plus grands […] » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.404 [Essais, Librairie générale française, 1972]
23- « Je hais qu’on nous ordonne d’avoir l’esprit aux nues, pendant que nous avons le corps à table. Je ne veux pas que l’esprit s’y cloue, ni qu’il s’y vautre, mais je veux qu’il s’y applique. » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.405 [Essais, Librairie générale française, 1972]
24- « Nature a maternellement observé cela, que les actions qu’elle nous a enjointes pour notre besoin nous fussent aussi, et nous y convie non seulement par la raison, mais aussi par l’appétit : c’est injustice de corrompre ses règles. » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.406 [Essais, Librairie générale française, 1972]
25- « - Si on m’eût mis au propre des grands maniements, j’eusse montré ce que je savais faire. – Avez-vous su méditer et manier votre vie ? Vous avez fait la plus grande besogne de toutes. » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.406 [Essais, Librairie générale française, 1972]
26- Composer nos mœurs est notre office, non pas composer des livres, et gagner, non pas des batailles et provinces, mais l’ordre et tranquillité à notre conduite. » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.406 [Essais, Librairie générale française, 1972]
27- « Notre grand et glorieux chef-d’œuvre, c’est de vivre à propos. » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.406 [Essais, Librairie générale française, 1972]
28- « C’est aux petites âmes, ensevelies du poids des affaires, de ne s’en savoir purement démêler […] » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.406 [Essais, Librairie générale française, 1972]
29- « Il est fort peu d’exemples de vie pleins et purs, et fait-on tort à notre instruction, de nous proposer tous les jours d’imbéciles et manques, à peine bons à un seul pli, qui nous tirent arrière plutôt, corrupteurs plutôt que correcteurs. » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.409 [Essais, Librairie générale française, 1972]
30- « La grandeur de l’âme […] tient pour grand tout ce qui est assez, et montre sa hauteur à aimer mieux les choses moyennes que les éminentes. » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.409 [Essais, Librairie générale française, 1972]
31- « L’intempérance est peste de la volupté, et la tempérance n’est pas son fléau : c’est son assaisonnement. » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.409 [Essais, Librairie générale française, 1972]
32- « Il y a du ménage à la jouir [la vie] : je la jouis au double des autres, car la mesure en la jouissance dépend du plus ou moins d’application que nous y prêtons. » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.410 [Essais, Librairie générale française, 1972]
33- « […] je veux arrêter la promptitude de sa fuite [la vie] par la promptitude de ma saisie, et par la vigueur de l’usage compenser la hâtiveté de son écoulement. À mesure que la possession du vivre est plus courte, il me la faut rendre plus profonde et plus pleine. » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.411 [Essais, Librairie générale française, 1972]
34- « Ils jouissent des autres plaisirs comme ils font de celui du sommeil, sans les connaître. » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.411 [Essais, Librairie générale française, 1972]
35- « […] y a-t-il quelque volupté qui me chatouille ? Je ne la laisse pas friponner aux sens, j’y associe mon âme, non pas pour s’y engager, mais pour s’y trouver […] » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.411 [Essais, Librairie générale française, 1972]
36- « Ce sont gens qui passent voirement [=vraiment] leur temps ; ils outrepassent le présent et ce qu’ils possèdent, pour servir à l’espérance et pour des ombrages et vaines images que la fantaisie leur met au-devant […] » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.412 [Essais, Librairie générale française, 1972]
37- « Le fruit et but de leur poursuite, c’est poursuivre […] » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.412 [Essais, Librairie générale française, 1972]
38- « Est-ce pas erreur d’estimer aucunes actions moins dignes de ce qu’elles sont nécessaires ? » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.413 [Essais, Librairie générale française, 1972]
39- « Que l’esprit éveille et vivifie la pesanteur du corps, le corps arrête la légèreté de l’esprit et la fixe. » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.414 [Essais, Librairie générale française, 1972]
40- « Ils veulent se mettre hors d’eux et échapper à l’homme. C’est folie : au lieu de se transformer en anges, ils se transforment en bêtes […] » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.415 [Essais, Librairie générale française, 1972]
41- « […] avons-nous beau monter sur des échasses, car sur des échasses encore faut-il marcher de nos jambes. Et au plus élevé trône du monde, [nous] ne sommes assis que sur notre cul. » -MONTAIGNE- Livre III, chap.13, p.416 [Essais, Librairie générale française, 1972]
42- « J’oserai cependant dire que l’historien profondément conscient de sa propre situation est plus capable de la transcender, d’évaluer la nature fondamentale des différences entre sa société et celles d’autres périodes et d’autres pays, que l’historien protestant bruyamment qu’il est un individu et non un phénomène social. » -CARR- chap.2, p.94 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
43- « Il m’apparaît que la capacité d’une homme à prendre de l’altitude par rapport à sa société et son histoire est conditionnée par l’acuité de la conscience qu’il a de leur appartenir. » -CARR- chap.2, p.94-95 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
44- « Et ne nous arrêtons pas au cliché qui veut que les mouvements soient déclenchés par des minorités. Tous les grands mouvement ont un nombre restreint de leaders et une multitude de partisans – et, dans leur succès, cette multitude est essentielles. En histoire, le grand nombre compte. » -CARR- chap.2, p.102 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
45- « Si les faits de l’histoire sont effectivement des faits concernant des individus, ils n’ont rien à voir avec les actions d’individus accomplies isolément, ni avec les motifs, réels ou imaginaires, dont les individus croient qu’ils ont déterminé leur action. » -CARR- chap.2, p.103-104 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
46- « […] postuler que le principe de l’acte est une pensée qu’il revient à l’historien d’étudier, et que cette pensée est celle de l’acteur individuel. C’est une erreur. Ce qu’il revient à l’historien d’étudier, c’est ce qui réside derrière l’acte ; et la pensée ou les motifs de l’acteur individuel peuvent être sans intérêt à cet égard. » -CARR- chap.2, p.104 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
47- « Évidemment, il arrive que le culte du grand homme prenne des traits sinistres. Le surhomme de Nietzsche est une figure répugnante. » -CARR- chap.2, p.106 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
48- « Mais l’attitude que je veux décourager, c’est celle qui consiste à situer les grands hommes hors de l’histoire, et à considérer qu’ils s’imposent à elle en vertu de leur grandeur […] » -CARR- chap.2, p.106 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
49- « Ce qui m’apparaît essentiel, c’est de bien voir, dans un grand homme, un individu remarquable qui est tout à la fois le produit et l’agent du processus historique, en même temps que le représentant et le créateur de forces sociales qui transforment le visage du monde et les conceptions des hommes. » -CARR- chap.2, p.107 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]
50- « Mais à trop insister sur le caractère unique des événements historiques, on crée un effet de paralysie […], on atteint vite une sorte de nirvana philosophique dans lequel rien d’important ne peut être dit sur quoi que ce soit. » -CARR- chap.3, p.117 [Qu’est-ce que l’histoire ? [1961], 10/18, 1988]