FRIEDRICH NIETZSCHE

Référence pour les citations #1 à #80 :

/NIETZSCHE / PAR DELÀ BIEN ET MAL [1886] /Gallimard / 1971/



1- « L’attente de l’amour charnel, l’espoir disproportionné qu’elle fait naître et la pudeur dont elle s’entoure, faussent d’avance toute l’optique des femmes. » chap.114


2- « Les grandes époques de notre vie sont celles où nous trouvons enfin le courage d’appeler notre meilleur ce que nous appelions nos mauvais côtés. » chap.116


3- « La volonté de surmonter une passion n’est en fin de compte que la volonté de faire place à une autre ou à plusieurs autres passions. » chap.117


4- « Se montrer sensible à un éloge n’est dans certains cas qu’une politesse du cœur – le contraire d’une vanité de l’esprit. » chap.122


5- « Quand nous devons changer d’opinion sur quelqu’un nous lui en voulons fort du désagrément qu’il nous cause. » chap.125


6- « Toute vraie femme voit dans la science une atteinte à la pudeur. Elle a l’impression qu’on veut lui regarder sous la peau – pis : sous la robe et les parures. » chap.127


7- « Les sexes se trompent l’un sur l’autre, ce qui signifie que chacun n’aime et ne respecte au fond que lui-même (ou son propre idéal, pour le dire courtoisement). » chap.131


8- « L’un cherche un homme qui l’aide à accoucher ses pensées, l’autre un homme qu’il puisse aider : ainsi naît un bon dialogue. » chap.136


9- « C’est la partie de son corps qui est au-dessous de la ceinture qui fait que l’homme ne se prend pas si facilement pour un dieu. » chap.141


10- « Notre vanité voudrait que ce que nous faisons le mieux passât pour ce qui nous donne le plus de mal. Origine de mainte morale. » chap.143


11- « Induire le prochain à prendre une bonne opinion de vous, puis croire candidement à cette opinion, qui égale les femmes dans ce tour de passe-passe ? » chap.143


12- « Les contradictions, les incartades, la méfiance joyeuse, la moquerie sont toujours signes de santé : toute espèce d’absolu relève de la pathologie. » chap.154


13- « Le sens du tragique croît et décroît avec la sensualité. » chap.155


14- « Les poètes n’ont pas de pudeur à l’égard de leurs sentiments : ils les exploitent. » chap.161


15- « Le Christianisme donna du poison à Éros : il n’en mourut pas, mais dégénéra en vice. » chap.168


16- « Il arrive que, par amour des hommes, on embrasse le premier venu (faute de pouvoir embrasser tout le monde) : mais c’est justement ce qu’il ne faut pas révéler au premier venu … » chap.172


17- « Nous aimons en fin de compte nos désir, et non ce que nous désirons. » chap.175


18- « Les conséquences de nos actes nous saisissent aux cheveux, sans se soucier de savoir si nous nous sommes « corrigés » entre-temps. » chap.179


19- « Les gens secourables et bienfaisants commettent presque tous ce grossier abus de pouvoir […] Ils s’imaginent ainsi qu’ils disposent du nécessiteux comme d’une propriété […] » [Référence manquante]


20- « En fin de compte, l’ « amour du prochain » est toujours chose secondaire, en partie conventionnelle, arbitraire et illusoire en comparaison de la peur du prochain […] c’est cette peur du prochain qui ouvre de nouvelles perspectives au jugement moral. » [Référence manquante]


21- « […] tout ce qui élève les individus et fait peur au prochain se voit qualifié de mauvais ; l’équité, la modestie, ce qui incline les hommes à entrer dans le rang et à se mettre au niveau des autres, bref les aspirations médiocres, sont mises en honneur et saluées comme morales. » chap.201


22- « Réduire la philosophie à la « théorie de la connaissance », en faire littéralement une timide doctrine du doute […], à l’article de la mort, à l’agonie, un objet pitoyable. Comment une pareille philosophie pourrait-elle régner ! » chap.204


23- « L’édifice des sciences a pris des proportions colossales ; il en résulte que le philosophe risque de se fatiguer alors même qu’il n’a pas fini d’étudier, ou de s’arrêter en un point quelconque et de se « spécialiser », de sorte qu’il renonce à atteindre le sommet […] » chap.205


24- « Pour le populaire, la sagesse est une espèce de fuite, un moyen et un art de tirer son épingle d’un jeu dangereux ; mais le vrai philosophe […] mène une vie […] avant tout imprudente ; il assume le fardeau et le devoir des cents tentatives […] : il se risque continuellement lui-même […] » chap.205


25- « […] qu’est-ce qu’un homme de science ? D’abord un type d’homme qui […] ne se suffit pas à soi-même : il a le goût du travail, il prend docilement sa place dans le rang, ses talents et ses besoins sont réguliers et modérés […], il compte sur son bon renom […], cette durable sanction qui lui confirme son mérite et son utilité et lui permet de surmonter l’insécurité intime qui gît au fond de tous les hommes dépendants et des bêtes de troupeau. » chap.206


26- Le temps de la petite politique est passé : les siècle prochain déjà apporte la lutte pour la domination universelle – l’obligation d’une grande politique. » chap.208


27- « Il existe en définitive une hiérarchie des états d’esprit à laquelle correspond la hiérarchie des problèmes ; et les problèmes les plus élevés repoussent impitoyablement tous ceux qui osent s’en approcher sans posséder l’esprit élevé et puissant qui les prédestine à les résoudre. » chap.213


28- « Est-il rien de plus beau que de partir en quête de ses propres vertus ? » [Référence manquante]


29- « […] Une intellectualité supérieure n’est rien d’autre que l’expression suprême des qualités morales […] lorsque ces qualités ont été acquises une à une par une longue discipline et une longue pratique […] » chap.219


30- « Mais il ne faut pas avoir trop raison quand on veut avoir les rieurs de son côté ; le bon goût exige même qu’on ait un tout petit peu tort. » chap.221


31- « […] peut-être, si aucune de nos œuvres n’a d’avenir, notre rire en a, lui ! » chap.223


32- « Hédonisme, pessimisme, utilitarisme, eudémonisme, toutes ces philosophies qui mesurent la valeur des choses d’après le plaisir et la douleur, c’est-à-dire d’après des phénomènes accessoires, sont des philosophies superficielles et des naïvetés […] » chap.225


33- « […] nous ne nous lasserons pas de nous « accomplir » dans notre vertu, qui seule nous est restée ; puisse son éclat s’étendre un jour, comme un rayon vespéral, ironique et doré, sur cette civilisation vieillissante, et son morne, son triste sérieux ! » chap.227


34- « […] dans toute volonté de connaître il entre déjà une goutte de cruauté. » chap.229


35- « […] un penseur ne peut pas changer d’opinion, il peut seulement découvrir jusqu’au bout ce qui est « arrêté » en lui sur ce point. Nous trouvons de bonne heure certaines solutions à des problèmes, et ces solutions nous inspirent une foi solide […] » chap.231


36- « Rien n’est d’emblée aussi étranger à la femme, rien ne lui est aussi odieux, aussi contraire que la vérité ; son grand art est le mensonge, sa grande affaire l’apparence et la beauté. » chap.232


37- « Un homme profond […] doit voir dans la femme une propriété, un bien qu’il convient d’enfermer, un être prédestiné à la sujétion et qui s’accomplit à travers elle […] » chap.238


38- « Ce qui dans la femme inspire le respect et bien souvent la crainte, c’est sa nature, plus « naturelle » que celle de l’homme, sa souplesse féline et rusée, sa griffe de tigresse sous le gant de velours, la naïveté de son égoïsme, son inéducabilité et sa sauvagerie foncière, le caractère insaisissable, démesuré et flottant de ses désirs et de ses vertus … » chap.239


39- « […] la démocratisation de l’Europe est en même temps, et sans qu’on le veuille, une école des tyrans […] » chap.242


40- « Et comme tout être aime son symbole, l’Allemand aime les nuages et tout ce qui est trouble, mouvant, crépusculaire, humide et voilé : il ressent comme « profond » tout ce qui est incertain, inaccompli, fugace, en devenir. » chap.244


41- « Il serait faux de croire que les esprits supérieurs […] soient particulièrement doués pour établir une foule de petits faits vulgaires […] ; ils ont mieux à faire que de simples découvertes ; ils ont à être quelque chose de nouveau, à signifier quelque chose de nouveau, à représenter des valeurs nouvelles. » chap.253


42- « […] vivre, c’est essentiellement dépouiller, blesser, dominer ce qui est étranger et plus faible, l’opprimer, lui imposer durement sa propre forme […] » chap.259


43- « La capacité et le devoir de garder une longue reconnaissance et de poursuivre une longue vengeance – l’une et l’autre ne concernant que des pairs, - la subtilité des représailles, le sens raffiné de l’amitié, un certain besoin d’avoir des ennemis […], autant de traits caractéristiques de la morale aristocratique […] dont nous avons de la peine aujourd’hui à saisir l’esprit […] » chap.260


44- « […] le besoin de liberté, l’instinct du bonheur et les raffinements du sens de la liberté appartiennent aussi nécessairement à la morale et à la moralité des esclaves […] » chap.260


45- « Le vaniteux se réjouit de tout jugement favorable sur sa personne (qu’il lui soit utile ou non, qu’il soit vrai ou faux), de même qu’il souffre de tout jugement défavorable : il se soumet à l’un et à l’autre, il se sent soumis à l’opinion […] » chap.261


46- « […] l’âme noble […] n’aime pas regarder vers le haut, mais seulement devant soi, horizontalement et lentement, ou vers le bas : elle se sait elle-même dans l’altitude. » [Référence manquante]


47- « Les hommes ordinaires, les hommes qui se ressemblent entre eux ont été et sont toujours avantagés ; l’élite, les plus raffinés, les plus singuliers, les plus difficiles à comprendre demeurent souvent seuls, succombent aux accidents du fait de leur isolement et se perpétuent rarement. » chap.268


48- « Le succès a toujours été le plus grand des menteurs […] ; les « grands hommes », tels qu’on les honore, sont de méchantes petites rhapsodies composées après coup ; dans le monde des valeurs historiques la fausse monnaie règne […] » chap.269


49- « Signes de noblesse morale : ne jamais songer à rabaisser ses devoirs pour en faire les devoirs de tout le monde, ne pas abdiquer sa responsabilité propre, ne pas vouloir la partager, compter ses privilèges et l’exercice de ses privilèges au nombre de ses devoirs » chap.272


50- « Celui qui refuse de voir ce qu’un homme a d’élevé scrute avant d’autant plus d’acuité ce qu’il a de bas et de superficiel – et se trahit du même coup. » chap.275


51- « […] toute communauté rend commun. » chap.284


52- « […] ils [Les philosophes] ne font que défendre, avec des arguments découverts après coup, quelque thèse arbitraire […] qu’ils ont fait passer préalablement au crible de l’abstraction. Ce sont tous des avocats sans le savoir, et par surcroît des avocats de leurs préjugés, qu’ils baptisent « vérités ». » chap.5


53- « De fait, si l’on veut comprendre ce qui a donné le jour aux affirmations métaphysiques les plus transcendantes d’un philosophe, on fera bien et sagement de se demander au préalable : à quelle morale veulent-elles (ou veut-il) en venir ? » chap.6


54- « […] sitôt qu’une philosophie commence à croire en elle-même, elle crée toujours le monde à son image, elle ne peut pas faire autrement ; la philosophie est cet instinct tyrannique lui-même, la volonté de puissance sous sa forme la plus spirituelle, l’ambition de créer le monde […] » chap.9


55- « […] courage, serrez les dents, ouvrez les yeux et tenez ferme la barre ! Nous cinglons tout droit au-delà de la morale […] –mais qu’importe notre destin ? Jamais un monde de connaissance plus profondes ne s’est ouvert à la hardiesse des navigateurs […] » chap.23


56- « Comme toute longue guerre rend venimeux, sournois, mauvais, quand elle ne se poursuit pas franchement dans la violence ! » chap.25


57- « Celui que le commerce des hommes n’a jamais fait passer par toute les couleurs de la détresse, blêmir et verdir de dégoût, de satiété, de pitié, d’accablement et de solitude, n’est certes pas un homme d’un goût très élevé ; mais s’il n’assume pas volontairement cet ennuyeux fardeau, s’il se tient à l’écart et, comme je l’ai dit, s’isole dans sa forteresse avec une muette fierté, alors la chose sera claire : cet homme n’est pas fait pour la connaissance […] » chap.26


58- « Le cynisme est la seule forme sous laquelle les âmes vulgaires accèdent à la probité […] » chap.44


59- « Les livres pour tout le monde sentent toujours mauvais ; une odeur de petites gens s’élève de leurs pages. » chap.30


60- « L’esprit de colère et de révérence propre à la jeunesse semble ne pas connaître de repos avant d’avoir si bien falsifié les êtres et les choses à sa convenance qu’il puisse enfin se déchaîner. » chap.31


61- « […] il faut impitoyablement traîner tribunal et mettre sur la sellette les sentiments d’abnégation et de sacrifice […] Ces sentiments, peut-on se demander, ne visent-ils pas à séduire ? Le fait qu’ils plaisent […] ne constituent pas un argument en leur faveur ; c’est précisément ce qui invite à la prudence. » chap.33


62- « Le bonheur et la vertu ne sont pas des arguments […] Une thèse pourrait être vraie même si elle était nuisible ou dangereuse […] » chap.39


63- « Ne s’attacher à aucune personne, fût-elle la plus aimée –toute personne est une prison, et aussi un refuge. » chap.41


64- « Ne s’attacher à aucune personne […], à aucune patrie […], à aucune compassion […], à aucune science […], ou à son propre détachement, à cette volupté du lointain qui est celle de l’oiseau volant toujours plus haut pour voir l’espace s’élargir sous ses ailes […] Ne pas s’attacher à ses vertus et ne pas sacrifier son être total à une particularité quelconque […] » chap.41


65- « […] nous croyons que la dureté, la violence, l’esclavage, le danger dans la rue et dans les cœurs, le secret, le stoïcisme, la tentation et les diableries de toutes sortes, que tout ce qui est mauvais, terrible, tyrannique en l’homme, ce qui tient en lui du fauve et du serpent, sert aussi bien l’élévation de l’espèce « homme » que son contraire. » chap.44


66- « […] reconnaissants envers le dieu, le diable, le mouton et le ver qui nous habitent, curieux jusqu’au vice, chercheurs jusqu’à la cruauté, pourvus de doigts agile pour saisir l’insaisissable […] » chap.44


67- « La philosophie « éclairée » indigne : l’esclave veut de l’absolu, il ne comprend que ce qui est tyrannique, en morale comme ailleurs, il aime comme il hait, profondément […] » chap.46


68- « Qui est magister [=professeur] dans l’âme ne prend rien au sérieux que par rapport à ses élèves –même sa propre personne. » chap.63


69- « Ce n’est pas la puissance mais la constance d’un sentiment supérieur qui fait l’homme supérieur. » chap.72


70- « Dans un être humain, le degré et la nature de la sexualité se répercutent jusque dans les plus hautes régions de l’esprit. » chap.75


71- « Une chose qui devient claire cesse de nous concerner. » chap.80


72- « Il est atroce de mourir de soif au milieu de la mer. Faut-il donc que vous saliez vos vérités au point qu’elles ne soient même plus bonnes à étancher la soif ? » chap.81


73- « L’épreuve d’expériences terribles conduit à se demander si celui qui les vit n’est pas lui-même quelque chose de terrible. » chap.89


74- « Maturité de l’homme : cela signifie avoir retrouvé le sérieux que l’on mettait dans ses jeux, enfants. » chap.94


75- « Rougir de son immoralité : c’est une des marches de l’escalier au bout duquel on rougira aussi de sa moralité. » chap.95


76- « Quand on a bien dressé sa conscience, elle nous baise en même temps qu’elle nous mord. » chap.98


77- « Nous nous faisons tous plus naïf à nos propres yeux que nous ne le sommes : cela nous repose de nos contemporains. » chap.100


78- « Le danger dans le bonheur. « À présent toute chose tourne à mon avantage, à présent, j’aime n’importe quel destin : qui a envie d’être mon destin ? » chap.103


79- « Une fois la décision prise, il faut fermer l’oreille aux meilleurs objections : c’est là le signe d’un caractère ferme. Donc, à l’occasion, il faut opter pour la sottise. » chap.107


80- « C’est quand notre orgueil vient d’être blessé qu’il est le plus difficile de faire souffrir notre vanité. » chap.111