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Matthias Zschokke


Das lose Glück
un article de Wilfred Schiltknecht

 

Le dernier roman du Biennois séduit par la légèreté de son écriture et son imagination intarissable.
A l'ennui du quotidien, il oppose l'attrait de vivre, qu'il convie à découvrir à chaque page. 

Par Wilfred Schiltknecht

Matthias Zschokke
Ie bonheur du détachement

De Zschokke, l'amateur de théâtre a pu garder en mémoire, grâce à la belle version française de Gilbert Musy, les développements oniriques et enchanteurs de L’Heure bleue ou la nuit des pirates (Zoé, 1993). Cette magie du langage, et la verve inventive de son premier roman Max (Prix Robert-Walser), qui l'a révélé au public de langue française (Zoé, 1988), se retrouvent maintenant dans une cinquième œuvre romanesque, Das lose Glück. Celle-ci aussi séduit par le bonheur d'une écriture qui se soustrait aux conventions du genre et se défie des histoires pour se rendre d'autant mieux aux sollicitations du mot et de tout ce que, selon le caprice ou la contrainte de l'instant, il engendre.

C'est un bateau encore, sur un lac estival que les initiés reconnaîtront comme étant celui de Bienne, qui recueille les principaux protagonistes. Une femme et trois hommes s'y retrouvent depuis des années, camarades déjà dans leur enfance. Ce soir-là, une autre femme les rejoint à la nage, par hasard. Tous quadragénaires, ils ont une profession, une carrière, mais ce monde de la routine importe peu. Seules comptent ici la distance gagnée à l'endroit du quotidien, la connivence du groupe dans le respect de l'altérité. Libre à chacun de s'exprimer à loisir. A condition de ne pas chercher à plaire ou à distraire, de "ne pas raconter aux autres, mais seulement à soi-même".

Échapper pour quelques heures aux contraintes de la routine et d'une société qui, par une surabondance d'impératifs et de distractions de toutes sortes, tente d'éviter à tout prix que ses membres puissent connaître la solitude et dialoguer avec eux-mêmes, tel est le besoin partagé par tous les personnages. Ils aspirent à se connaître et à s'éprouver librement, hors des contraintes du temps. Le récit les dépeint sur le vif, ouverts au gré de leur présent à des pensées, impressions et sentiments immédiats, pour entrer dans un rapport à l'existence personnel et prendre  conscience de la densité de leur propre temps.

De cette interrogation des états de l'âme et de l'être résulte une mélancolie, l'impression qu'avec les corps qui se fanent, les plaisirs s'affadissent et la vivacité s'atténue, tandis que s'accroissent l'impuissance et l'ignorance. Restent cependant la saveur des découvertes et le bonheur du détachement  -suggéré par le titre-   qui permettent avec l'âge d'entrevoir des correspondances de plus en plus subtiles et de se laisser surprendre par les modalités d'un moi dont on a su comprendre qu'à jamais il nous échappe.

Le plaisir de l'inattendu, voilà ce que, malgré ses accents désabusés, le roman prodigue à chaque phrase. Impossible de prévoir ce qui va survenir.

L’idée, le mot, la tournure, le geste, la pensée, tout à chaque instant étonne, semble improviser sur l’heure. Pour exemple, la définition ironique, en quelques phrase, des différents genres romanesques romanesques du Moyen Âge a nos jours; ou les propos finement allusifs d'un passage dédié à l’Amphitryon de Kleist, ceux non moins insidieux dédiés ailleurs à Melville ou encore la citation énigmatique d'un poème tardif de Hölderlin. Car il est question aussi de littérature. Parmi les personnages figure un écrivain idéaliste qui dit sa joie de voir après des heures d'attente  "un mot sortir prudemment la tête de son trou"  et n'hésite pas à évoquer face à son époque entr'aperçue  "la mer scintillante des mots authentiques" et la "prairie rutilante de la vérité"...

Peu importe ici l'histoire, dont le narrateur se raille en la résumant en quelques lignes au dernier chapitre. Le livre vit du jaillissement d'une imagination intarissable, qui inspire une composition transparente et une écriture d'une légèreté et d'une justesse sans failles. A l'ennui du quotidien et à la mort, dont un coup de théâtre soudain rappelle l'échéance, elle oppose les richesses de l'instant et l'invention féconde du moi, qui suspendent le temps et peuvent à chaque instant le rendre délectable. Le roman ne se berce pas d'illusions sur le cours du monde, mais ne renonce pas à dire l'attrait de vivre, qu'il convie à découvrir à chaque page. C'est bien assez pour se laisser tenter par les voltes insidieuses d'un art aussi suggestif que délectable.

Wilfred Schiltknecht

  "Le Culturactif Suisse"     08.10.99             "Le Service de Presse Suisse" 





Isabelle Rüf

Le doux clapotis de la «soupe aux mots»



Dans le dernier roman de Zschokke, on flotte avec un vrai bonheur sur l'eau limpide d'une écriture exacte

Matthias Zschokke
Bonheur flottant
Trad. de Patricia Zürcher
Zoé, 286 p.

Ils sont quatre à bord d'un bateau arrêté sur les eaux calmes d'un lac: trois hommes et une femme, leur hôtesse fortunée. Par cette douce soirée d'été, une inconnue se glisse à la nage dans leur petit cénacle de vieux amis. Ce qui se passe pendant ces quelques heures tient en treize lignes, un résumé malicieux à la p. 286. La félicité que procure la lecture de Bonheur flottant (Das lose Glück, Ammann, lire le Samedi Culturel du 25 septembre 1999) n'est donc pas dans l'intrigue, mais doit tout au doux clapotis de la «soupe aux mots». Encore que cette jolie image ne rende pas justice à l'écriture précise, légère et dense à la fois d'un Matthias Zschokke au sommet de son art du peu.
Ceux qui monologuent en chœur sous les étoiles n'ont plus 20 ans depuis longtemps. Ils ont renoncé à «transformer leurs projets en actes» et même leurs rêves en projets. Leurs certitudes sont tombées comme leurs cheveux, ils n'en sont que plus fréquentables. Leurs paroles ricochent sur la surface moirée du lac avec un froissement soyeux. Même l'irruption brutale de la réalité, aux dernières pages, ne réussit pas à les secouer vraiment.
Sans pédanterie, ils se hasardent sur «les collines de la culture», commentent Kleist, Hölderlin, Melville, l'art du roman, car la bonne littérature aide à vivre. La plupart du temps, pourtant, leurs propos sont dépourvus de poids – choses vues, portraits, anecdotes qui jouent à la frontière du fantastique. Parfois, l'un d'eux s'endort car «c'est épuisant d'être réveillé». Peu importe, ils ne cherchent pas à plaire ni même à être écoutés. Ils ont appris qu'un peu de distance, intérieure et physique, est indispensable au commerce des humains.
«Il ne veut rien devenir, il ne veut plus qu'être», apprend-on de l'un de ces sages. Mélancolie tchékovienne? Oui, mais avec beaucoup d'humour et une tendresse souriante. «Jusqu'à présent, nous sommes bien parvenus à rester assis au bord du trou noir du désespoir sans y être aspirés», constatent ces navigateurs du néant en parant leur silence de petites clochettes.
"Le Temps", Genève, 3o.3.2oo2



  

 

Traduire Zschokke, c'est où, c'est quoi ?

Patricia Zurcher 

  comment faites-vous pour traduire

L'animateur de radio: - Alors, Madame Zurcher, comment faites-vous pour traduire? Que se passe-t-il dans la tête d'une traductrice en pleine action? A quoi ressemble l'antre de la créatrice, le bateau de la passeuse que vous êtes? Allons, Madame Zurcher, dites-nous tout!

La traductrice: - Bon sang, mais que voulez-vous que je vous dise? Il y a mon bureau, noir, des dictionnaires allemands, français, bilingues, une lampe halogène, des bibliothèques, des livres partout… Ah, il y a un ordinateur aussi, relié à Internet, et puis un téléphone sans fil, je m'en sers pour appeler les gens qui peuvent me renseigner sur un terme précis quand je ne le trouve pas dans mes dictionnaires… Les yeux qui fatiguent à force de fixer l'écran, les douleurs dans le dos, les fourmis dans les jambes… Voilà. C'est tout. Mouais, c'est pas très gai tout ça…

Une réponse qui aurait pu figurer dans la dernière pièce de Matthias Zschokke, La Commissaire chantante, et que je pourrais faire un jour à celles et ceux qui me demandent en quoi consiste mon métier…

  Et traduire Matthias Zschokke? C'est où, c'est quoi, c'est comment?

Et traduire Matthias Zschokke? C'est où, c'est quoi, c'est comment?

C'est tout d'abord ouvrir un livre et découvrir une histoire, ou plutôt une absence d'histoire, ou mieux encore, mille et une esquisses d'histoires que l'auteur ne développera pas davantage, à quoi bon …?! C'est sourire, se réjouir, s'émouvoir à chaque page de la franchise désarmante des personnages, de leurs exigences déraisonnables, de l'absence d'illusions, d'artifices et de précautions qui les rend si fragiles et attachants … C'est s'asseoir, le dos à la fenêtre, pour échapper un instant à la vie qui passe, se plonger dans une longue suite de monologues qui refuse obstinément de devenir dialogue, et voir soudain…la vie qui passe! Pas celle des héros aventuriers, ni celle des battants gagnants au parcours grandiose, non…La vie de tous les jours, tous ces petits riens, ces petites lâchetés, ces petites hypocrisies qui, au bout du compte, auront constitué notre vie…

Mais traduire Zschokke, c'est surtout et avant tout se délecter d'une langue aussi subtile que facétieuse. Longtemps, je me suis demandé comment des textes comme ceux de Zschokke pouvaient diviser leurs lecteurs en deux camps aussi opposés… Tandis que certains leur reprochent d'être définitivement trop sérieux, trop sombres et trop pessimistes, il en est d'autres qui ne peuvent ouvrir un livre de Zschokke sans se mettre à sourire dans la minute qui suit… Eh bien, le fait de traduire Das lose Glück m'a apporté, peut-être, un début de réponse à cette énigme! C'est que les personnages de Zschokke ne sont pas des boute-en-train, que leur vie n'a rien de bien excitant, et que la vie tout court, telle que l'auteur la dépeint, n'a rien de très réjouissant… Mais la langue qu'il a créée pour parler de tout cela fourmille, elle, de clins d'œil impertinents, de tournures inattendues, de mots pris trop à la lettre, et j'en passe…

Nous voici donc face à deux lectures possibles: celle qui s'arrête à ce qui est dit, et celle qui s'attarde sur la manière dont c'est dit… Vous comprendrez sans peine pourquoi, en tant que traductrice, je pratique surtout la seconde, ce qui me propulse immédiatement dans la famille des lecteurs que les textes de Matthias Zschokke font sourire, font rire, font jubiler même parfois… Oui, je ris de nous voir si petits, si ridicules, si pitoyables, et si émouvants aussi, dans le miroir qu'il nous tend; mais si j'en ris autant, c'est parce que la langue de Zschokke nous y invite sans cesse. Toujours en léger décalage, elle ne cherche pas à restituer le langage parlé, ni à faire oublier qu'elle n'en est pas. Elle peaufine un peu par-ci, elle exagère un peu par-là, rendant impossible (du moins, il me semble) une lecture qui ne chercherait dans ces pages qu'un reflet de la vie et un mode d'emploi pour la supporter…

Pour le reste, je l'avoue, je n'ai fait que me laisser entraîner par le rythme envahissant, oui, entêtant de l'écriture de Zschokke, pour naviguer d'une bribe d'histoire à la suivante, d'une ambiance à la suivante, en tentant d'offrir le moins de résistance possible au courant qui m'emporte.

– Alors, être une traductrice de Zschokke, c'est quoi, c'est comment?

– Le bruit court que nous sommes des traîtres, j'espère que ce n'est rien de grave…

Patricia Zurcher

http://www.culturactif.ch/livredumois/livredumoismai2002zschokke.htm


samedi 27 avril 2002, Magazine/ "La Liberté", Fribourg

Matthias Zschokke définit ce qu'est le bonheur flottant


Découvert avec Max en 1981, Matthias Zschokke vit à Berlin où il partage son temps entre l'écriture, le cinéma et plus récemment la mise en scène théâtrale. Dans une traduction remarquable de Patricia Zurcher, les Editions Zoé font paraître Bonheur flottant, un roman hors norme sur la désillusion et les possibilités du récit.
Quatre quadragénaires, amis d'enfance, se retrouvent sur un yacht au milieu d'un lac tranquille. Seule règle du jeu de ces réunions: raconter des histoires qui n'ont rien de séduisant...
Un rituel de la désillusion qui sera perturbé par l'irruption d'une nageuse berlinoise, accueillie bon gré mal gré sur le bateau. On l'a compris, Bonheur flottant est un livre étonnant de par la prolifération des récits croisés qui partent de presque rien pour dire presque tout sur l'ennui, le désespoir, la vie grise, bref sur le bonheur... flottant. Mais comme toujours chez Matthias Zschokke, le récit de la désillusion est loin d'être ennuyeux. Son écriture d'une subtilité surprenante oscille toujours à la limite du réalisme et de l'onirisme. Des lignes de force se dessinent peu à peu dans la polyphonie du roman, comme l'irruption de moustiques, moucherons, d'éléments visqueux, de décharges publiques de plus en plus présentes dans le récit. Roman inracontable, maelström d'histoires en palimpseste, Bonheur flottant est aussi une réflexion sur les possibilités du récit. Car, dit Zschokke, qu'est-ce que la fiction sinon l'ardeur juvénile qui veut toujours avoir une longueur d'avance sur le réel? Plus dure est la désillusion, quand on se rend compte qu'à force de «fictionner», on passe sa vie à ne rien voir... Un grand roman révélé en traduction française. JS




Christine Tresch

Nur noch sein


SCHÖNE BEILÄUFIGKEIT
Matthias Zschokkes neuer Roman »Das lose Glück«

Man könnte sich an die Zusammenfassung klammern, die Matthias Zschokke fast am Schluss seines neuen Romans gleich selber gibt, und hielte nichts als einen locker gewobenen Rahmen in den Händen, der eigentlich nicht zum Roman taugt: Vier Freunde treffen sich regelmässig auf einer Jacht. Mitten auf dem Westschweizer Bielersee lassen sie sich von den Wellen in die Nacht schaukeln. Die vier kennen sich seit Schultagen und brauchen sich gegenseitig nichts mehr vorzumachen. Am diesem Abend wird die Runde gestört durch eine Schwimmerin, die darum bittet, sich an Bord ausruhen zu dürfen. Die Frau, sie kommt aus Berlin, geht auf das Spiel der Gesellschaft ein und beginnt ihrerseits Geschichten aus ihrem Alltag zu erzählen. Parlierend vergeht die Nacht, und als sich im Morgengrauen ein Schuss aus einer Pistole löst und einen der Freunde lebensgefährlich verletzt, er stirbt wenig später im Spital, scheint der Freundeskreis nur für kurze Zeit aus der Fassung zu geraten.

Das sind schon mehr Worte über das Gerüst des Romans Das lose Glück, als sie von Matthias Zschokke selber kommen. Denn nicht um das Woher und Warum geht es dem seit 1981 in Berlin lebenden Schweizer Schriftsteller, Theaterautor und Filmemacher in seinem neuen Buch, sondern um die Beschreibung von absolutem Stillstand, von Windstille, wie sie sich einstellen kann in der Hälfte des Lebens. Er erzählt von Männern und Frauen, »die vergessen haben, was sie einmal werden wollten ... Manchmal fällt einem nicht sofort ein, dass es so ist, dann möchte man auffahren.«

Zschokke hat sich, soweit das heute noch möglich ist, eine ideale Gesellschaft ausgedacht, die fern von jeder Alltagsverpflichtung, um des Redens und Zuhörens willen zusammenkommt. Eine moderne Tafelrunde, in der das Abenteuer nur mehr darin besteht, die Zeit - und damit das Älterwerden und den Verzicht auf fast alle Hoffnungen - würdig über die Runde zu bringen. So reden sie sich also die Nächte um die Ohren: Tana, Professorin für Komparatistik, Samuel, erfolgreicher Anwalt, Portmann, Forstingenieur, der überall auf dem Globus ökologische Gleichgewichtsanalysen verfasst, und Linus, der als Lina auf die Welt gekommen ist und jetzt »nichts mehr werden, nur noch sein« will. Die vier gehören zusammen wie Steine auf einem Spielbrett, sie sind ein festes, berührungsloses Gefüge. Am Anfang des Romans heisst es noch »sagt Tana«, »sagt Portmann«, mit der Zeit verschwinden auch diese Zuschreibungen, denn eigentlich spielt es keine Rolle, wer spricht. Die Erinnerung gerät ihnen allen zu einem »bitteren Gesöff, sie macht jede Gegenwart ranzig.«

Ellen, besagte Schwimmerin, die zur Schiffsgesellschaft stösst, scheint das stabile Gleichgewicht auf dem Boot in ein labiles zu verwandeln. Sie trägt die Weltstadt Berlin in den Mikrokosmos hinein und irritiert zunächst mit ihrer Geschwätzigkeit. Aber auch ihre Stimme verschmilzt allmählich mit dem nächtlichen Gerede der andern. Sie erzählt der Runde von ihren Begegnungen mit einem Berliner Freund. Dieser war früher einmal Schriftsteller und heisst sinnigerweise Roman. Heute schaut er nur noch auf den Hinterhof seines Wohnhauses und betreibt »Hofberichterstattung«, sucht nach »der Lichtung, wo vielleicht ein Wort sich sonnt, das stimmt, ein ganzer Satz womöglich, ein Gedanke der wahr ist, für den es sich gelohnt hat ...« Gut gebaute Erzählungen und Meisternovellen, heisst es einmal im Buch, machen Roman traurig. Er erträgt keine grossen Zusammenhänge mehr. Auch die Freunde erkennen, dass sie zwar sehr geschickt über sich reden können, dem täglichen Leben aber kaum gewachsen sind. Als Ellen einmal von ihrer Sehnsucht spricht, nach Bremen eingeladen zu werden, entgegnet ihr Tana wirsch: »Wir wollen nicht nach Bremen. Das ist Festland, und auf festem Grund ist jeder mit jedem verbunden.« Das Festland als Metapher für den Alltag: Da könnte man noch einmal Gefahr laufen, etwas zu wollen.

Es ist, als habe Matthias Zschokke für dieses Buch seinen Zettelkasten geplündert und all das, was ihm über die Jahre zugetragen wurde an heiteren Augenblicken und tristen Begebenheiten, zusammengefügt zu einem Glasperlenspiel. Eine Glaskugel allein würde übersehen, im Zusammenspiel aller Teilchen aber erzeugt der Autor einen Klang, der einen schaudern und froh machen kann in einem. Wer viel mit dem Zug unterwegs ist, kennt diesen Trost vielleicht, dass das Auge in der vorbeifliehenden Landschaft eine fremde Lebensspur erhascht. Dass sich hinter erleuchteten Fenstern Geschichten vermuten lassen, die nicht so fern sind von dem, was das eigene Leben durchzieht. Auch das gehört zum »losen Glück«, wie es in diesem Roman immer wieder aufscheint: dass Zschokke immer wieder Nichtigkeiten erzählt, die wir Lesende so oder ähnlich auch schon erlebt haben, es dem Autor also gelingt, das Gefühl zu vermitteln, lesend nicht alleine zu sein.

Vielleicht, und das wäre wirklich der einzig Makel, der diesem Text anzukreiden ist, hat sich Matthias Zschokke für die Beschreibung dieses Lebensgefühl zu viel Raum genommen und darauf vertraut, dass die Schönheit seiner Sprache über einige Längen hinwegträgt. Alles in allem ist ihm aber ein schwebendes Buch gelungen über den Schrecken des Älterwerdens, das Gepäck der Erinnerungen, das man dabei nicht los wird, und die unausgesprochene Hoffnung, was komme, berge irgendwo noch ein bisschen Geborgenheit.
"Freitag", Berlin, Nr.41/ 8. Oktober 1999




In Büchern ist die Welt etwas Wunderbares


VON STEFAN WIECZOREK

Matthias Zschokke: "Das lose Glück"

Man könnte diesen Text inszenieren. Am besten würde man wohl auf Schauspieler ganz verzichten und an deren Stelle einige Tonbandgeräte auf der Bühne platzieren. In jedes der Geräte könnte man eine der Stimmen des Romans einlegen - die von Tana, der Professorin für Komparatistik, die von Samuel, dem Anwalt für Wirtschaftsrecht, oder von Portman, der als Ökologe die Welt bereits; schließlich ist da noch Linus, ehemals Lina, der als Aufseher in einem Museum arbeitet. Die vier kennen sich von seit Kinderzeiten, jetzt sind die besten Jahre zweifelsohne vorüber. Sie reden, nebeneinander her und täuschen beinahe ein Gespräch vor. Ein Gespräch, bei dem das Surren des Tonbands wichtiger scheint, als alles Gesagte.
Matthias Zschokke konstruiert seine Versuchsanordnung, indem er die Freunde hinaus auf einen See fahren lässt. Hin und wieder treffen sie sich auf dem Boot, um alleine mit sich zu sein: »Die paar Erlebnisse aus ihren sogenannten Lehr- und Wanderjahren sind längst erzählt. Die Meinungen, was Tagesaktualitäten betrifft, sind ausgetauscht. Keiner kann den andern mit einer neuen Erkenntnis überraschen. Sie wissen voneinander, wie sie denken, wissen nicht, wie sie fühlen, sind vier ganz und gar einsame Existenzen, wie alle ganz und gar einsam sind (...)«. Die Personnage des Romans steht tatsächlich in einer Bühnentradition der geschlossenen Gesellschaft. Ihr Drama ist die Tristesse, die Enttäuschungen, das Älterwerden, der Stillstand. Darüber halten sie ihre Monologe, sonor, aber mit der Unausweichlichkeit großer Bühnenfiguren. Gegen die Einsamkeit werden Geschichten erzählt, Anekdoten, Wirklichkeitsschnipsel ohne Plot, die irgend etwas in Gang halten, das im günstigsten Fall den Figuren ein schwereloses Dämmern ermöglicht. Dieses Ritual wird diesmal unterbrochen: Eine Schwimmerin nähert sich dem Boot. Schließlich sitzt sie zwischen den Freunden. Sie kommt eigentlich aus Berlin, ist auf Reisen gegangen, um der Stadt zu entfliehen. Noch eine weitere Stimme kommt hinzu: Die von Roman, dem Freund der Schwimmerin, durchaus verwandt mit dem dicken Dichter aus Zschokkes letztem Roman, der in Berlin weiterhin auf der Suche nach Geschichten und Material ist.
In seinen Romanen arbeitet Zschokke an einem originären Erzählstil. Der Roman löst sich bei ihm auf in eine Vielzahl kleiner Erzählungen, die unerlöst - im Sinne von unaufgehoben, nicht hin zu einer Deutung geglättet - nebeneinander stehen. Zschokke schreibt Texte ohne Zentralperspektive, seine Erzähler blicken allenfalls durch die Scherben einer Sehhilfe. Mit seinem letzten Roman Der dicke Dichter entstand so einer der interessantesten Beiträge zum Genre des Berlin-Romans. In Das lose Glück wird ein wenig mit der eigenen Poetik kokettiert: »Heute sei es so, dass einer, der eine Geschichte nicht kenne, diese jemand anderem, der sie ebenfalls nicht kenne, erzähle: der moderne Roman. Weiter werde die Entwicklung dahin gehen, dass einer, der jeder Geschichte misstraut, einem anderen, der bis zu diesem Zeitpunkt noch davon ausgegangen war, wenigstens seine eigene zu kennen und ihr Glauben schenken zu dürfen, so lange lauter aus dem Leim gegangenes Zeug erzähle, bis dieser andere am Ende ebenfalls keiner Geschichte mehr traue: der postmoderne Roman.«
Zschokke montiert seine Erzählfragmente nicht einfach, er braucht Erzähler, die den Roman zusammenhalten, Sonderlinge, die eine Ästhetik des Schauens und Erzählens entwickelt haben. Er verwirft die Deutung der Erzählfragmente und stilisiert diese gleichzeitig zum einzigen, was noch zählt. In Der dicke Dichter waren die grellen, bisweilen bizarren Erzählungen tonangebend, in Das lose Glück sind es die Beiläufigkeiten, Nichtigkeiten, die zum Stoff werden. Es sind die Erzählungen, derer, die nichts Neues erwarten - »Und wäre es nur die Langeweile, die Sie bei uns in ihrer ganzen Größe erfahren sollten. Auch sie muss erst einmal gelebt sein, damit sie mehr wird als ein bloßes Wort.« Die Technik des Erzählens in quer zu einander stehenden Erzählfragmenten muss funktional gemacht werden, wenn sie nicht Routine oder Dekor werden soll. Dies gelingt Zschokke: Die Freunde haben ein Ritual des Erzählens eingeübt, das betäubt. Der Leser hat unmittelbar Anteil an dieser Praxis, auch er erfährt die Langeweile in ihrer ganzen Größe, ihre Banalität und das kleine Glück des Blitzes zwischen Wachsein und Schlaf.
Noch berichten müsste man von einem Schuss, der gegen Ende des Romans fällt und der zum Tode eines der Beteiligten führt; man nimmt ihn hin, vielleicht als überraschenden Beweis, dass die Stimmen tatsächlich Körper haben, nicht nur ein sich von selbst abrollendes Gemurmel sind. Weitere Schlussfolgerungen kann man nicht ziehen, denn schon taucht man wieder hinab - »Darum lade ich Sie ein, erzählen Sie. Wir wollen zuhören und dabei einschlafen.«
"wortlaut", Göttingen, Nr.3/2ooo




Embarquement pour un «Bonheur flottant»

A l’Orangerie, Martine Paschoud adapte un roman de Matthias Zschokke.

benjamin chaix
Publié le 03 août 2006/ Tribune de Genève

On en saura plus sur la mise en scène de Bonheur flottant après la première représentation de ce spectacle, prévue samedi soir dans l'Orangerie du parc La Grange. Gageons que Martine Paschoud, dont on connaît le sérieux, mais aussi l'humour et la poésie, saura faire quelque chose de charmant et de très soigné de son adaptation du roman de Matthias Zschokke Das lose Glück.

Martine Paschoud et Jean-Claude Maret
Martine Paschoud et Jean-Claude Maret

Elle est entourée notamment de Jean-Claude et Antoine Maret au décor, de Françoise Chavaillaz pour l'assister à la mise en scène, et de la cantatrice Magali Schwartz, responsable du travail vocal.

Rebaptisé Bonheur flottant après traduction, Das lose Glück (littéralement: le «bonheur lâche») paraît tout indiqué pour figurer dans une programmation estivale de qualité. Il y est justement question d'oisiveté et de plein air, de lac et de bavardage existentiel.

Trois hommes en bateau


Le Suisse Matthias Zschokke vit à Berlin, une ville proche de plusieurs paisibles plans d'eau très fréquentés l'été. Ancré au large, le yacht de Tana reçoit
des visiteurs entre deux âges, Linus (Vincent Aubert), Samuel (Jacque Denis) et Portman

(Armen Godel), rejoints inopinément par une femme plus jeune, Ellen (Christine Brammeier), récemment arrivée de la capitale.

Comme les trois premiers, Tana (Séverine Bujard) est passive et tournée vers elle-même. «Pour elle, explique Martine Paschoud, la parole de l'autre n'est plus qu'une musique, un déroulement sonore dans lequel on peut se laisser bercer pour mieux sommeiller.» Tana peut compter sur ses passagers, dont chacun soliloque à l'envi, «cherchant avant tout à épuiser une relation à soi qui finit par se dissiper dans le silence et dans un vide sidéral!»

Ces mornes et pittoresques estivants sont venus là pour se mettre à l'abri de l'agitation de Berlin, où se trouve encore leur ami, le bien nommé Roman (Edmond Vullioud), qui fait office de narrateur.

«C'est à ce personnage (serait-ce le double ironique de lui-même?) que Zschokke
confie le soin de raconter son expérience quotidienne d'habitant de la métropole», raconte Martine Paschoud. «Et c'est Tana, Portman, Samuel et Linus qu'il fait parler, sur le pont du bateau, de tout ce qui constitue leur quête de la vraie vie.»

Et la metteuse en scène de résumer la situation par ces mots: «Il faut parler pour ne pas mourir, alors même que ce que chacun, chacune recherche le plus ardemment, c'est le silence! Tel pourrait être le leitmotiv paradoxal des
personnages du Bonheur flottant!»


  • Bonheur flottant, Théâtre de l'Orangerie, du 5 au 22 août 2oo6 à 21 h (le 19 août à 22 h), rencontre avec l'auteur le 5 août à 17 h.



 
Matthias Zschokke: Gravement léger

   DOMINIQUE HARTMANN   

Paru le Samedi 05 Août 2006, "Le Courrier"/ Genève
.
L'auteur bernois revient à Genève avec deux pièces denses et cocasses dont «Bonheur flottant», à voir dès ce soir au Théâtre de l'Orangerie.

«Ces lectures, quelle drôle de chose, observe Matthias Zschokke, mi-amusé, mi-dubitatif. Pendant quelques instants, vous êtes le point de mire d'une salle entière. Mais vous connaissez cette étude sur l'impact d'un message? Si elle dit vrai, 70% de l'attention a été portée à ma chemise et seulement 10% à mon texte!» Deux heures plus tôt, l'auteur, dramaturge et cinéaste suisse lisait des extraits de son dernier roman, Maurice mit Huhn (Maurice à la poule) devant une salle comble. C'était aux Journées littéraires de Soleure, en mai dernier.
Gestes vigoureux, chemise jaune poussin, il lit d'une voix posée et dans un allemand sans helvétisme, charpenté de quelques rondes sonorités issues de son dialecte d'origine, le bernois. Le public guette la prochaine cocasserie, le sourire aux lèvres. Pourtant, Matthias Zschokke n'a pas toujours été reçu ainsi. «C'est vrai, aujourd'hui, le public a compris. Mais pour les germanophones, ce que j'écris a longtemps été perçu comme sombre et triste. Les francophones, eux, ont saisi mon humour.»


happé par berlin

Les signes de reconnaissance officiels se suivent et se rapprochent depuis 1981, année où il reçoit le prix Robert Walser. Au printemps 2006, coup sur coup, les villes de Soleure et Berne remettent leur prix de littérature à Matthias Zschokke, né en 1954 en Suisse mais installé à Berlin. Incontournable pour le comédien qu'il voulait être, la capitale allemande l'a happé il y a trente ans et gardé bien après qu'il se fut tourné vers l'écriture et la réalisation. Car on y vit mieux avec peu d'argent. «Quand un auteur part à l'étranger, souvent, les gens se disent qu'il n'a qu'à y rester. Mais qu'il devienne un peu plus connu, la situation change: un lien se crée, on suit ce qu'il fait.» Il choisit de souligner la solidarité très forte dont il est devenu l'objet, alors qu'il vit loin des cercles importants. Lui qui se dit trop peu sociable pour que ses textes soient joués à Berlin, où le monde du théâtre fonctionne beaucoup par relations, ne cessera de serrer des mains. «Quant à l'intérêt de la Suisse romande pour mon travail, c'est de toute façon une sorte de miracle, qui tient à quelques personnes», ajoute-t-il presque incrédule, en guettant, assoiffé, le verre de vin blanc «d'ici» qu'il a commandé. L'Heure bleue ou la nuit des pirates, L'Ami riche et La Commissaire chantante ont été montés à Genève respectivement en 1993, 1999 et 2002. Suite plus «satirique et grinçante» de L'Ami riche, L'Invitation sera créé cet automne au Théâtre de Carouge, tandis que le Théâtre de l'Orangerie met à l'affiche Bonheur flottant, dans une mise en scène de Martine Paschoud, à découvrir dès ce soir.


DÉSIR D'HUMOUR

C'est à «notre désir de légèreté» que le théâtre d'été genevois dédie sa saison. Pourtant, pour Martine Paschoud, instigatrice, déjà, des spectacles de 1993 et 2002, «Matthias Zschokke n'est pas un auteur léger. Il met en scène des personnages perdus qui peinent à vivre leur vie, dont les rêves ont été fracassés», rappelle-t-elle. «Mais il dit des choses très profondes de façon paradoxale, dans une atmosphère de tragédie douce.» Et ces paradoxes éclairent une écriture empreinte de gravité.
Car le Bernois explore le quotidien, terne matière propice au désenchantement. Et son humour fleurit justement sur la mésaventure humaine. L'un des protagonistes de Bonheur flottant, qui a décidé d'en finir, s'est muni d'un revolver. Aussitôt, ses amis s'emparent de l'objet, le manipulent, s'en amusent et l'escamotent discrètement. «Comme je voudrais avoir des amis pareils», rêve Matthias Zschokke qui vient de raconter la scène avec la drôlerie du conteur. Son humour est aussi pudeur. «En Suisse, on ne parle pas de ce qui ne va pas, on fait toujours comme si tout allait très bien. Mais à ne pas dire les choses, oui, on alourdit le malheur.» Sa voix se fait soudain plus basse, suggérant que le silence n'est jamais vaincu. «Enfants, ils n'ont appris qu'à sourire et à dire oui», écrivait-il dans Bonheur flottant. Lui-même esquive adroitement les questions graves, et s'inquiète soudain: «L'entretien ne sera pas trop sérieux, non?»


«écrire de façon droite»

Cette gravité toujours palpable peut être un écueil à la mise en scène, souligne Martine Paschoud: «Quand on monte un de ses textes, on est comme un équilibriste sur un fil: il faut courir pour ne pas tomber.» Visiblement, elle a réussi la première traversée du roman Bonheur flottant: «La version scénique qu'elle a écrite m'a fait beaucoup rire, s'émerveille Matthias Zschokke. J'ignorais que mon livre contenait tant de choses drôles. Je l'ai même soupçonnée d'être allée puiser ailleurs.»
Mais la légèreté que poursuit l'auteur bernois ne rime pas avec superficialité. Dans Bonheur flottant, ses personnages n'ont qu'une règle: on ne parle pas pour séduire. Et l'écrivain, alors? Il proteste: «On peut écrire sans chercher à plaire, de façon très droite» – il utilise le mot «sauber» (propre), que les Alémaniques emploient pour tout ce qui est droit, juste, honnête. Le mot lui va bien: au-delà des yeux prompts à s'amuser et des cheveux drus de garnement, son visage grave est celui d'un honnête homme.
Malgré le talent profondément original qu'on lui reconnaît, il travaille sans aisance, ni facilité. «Je pense toujours à la Suisse, lentement. Et je corrige tant mes textes qu'on ne sait plus ce qu'était la première version.» Il a aussi dû apprendre le détachement par rapport à ses propres textes. Il aurait même commencé par ne pas oser y toucher, persuadé de recevoir une sorte de cadeau du ciel. Le détachement est venu en relisant, raconte-t-il en riant: «J'ai vite compris que c'était mauvais et qu'il fallait bien corriger!» Matthias Zschokke le confessait à l'heure des questions qui suivent toute lecture: «Je suis plutôt quelqu'un de pesant, d'engoncé. Je tente de me dépasser.» Il faisait le geste de s'élever, de se sortir la tête de l'eau. Non, sa légèreté n'est pas de celles qui volettent étourdies au-delà de la réalité. Elle ressemble plutôt à ces bulles d'oxygène qui irisent la surface de l'eau et signalent la présence d'un être vivant.

Note : Bonheur flottant, adaptation et mise en scène de Martine Paschoud. Au Théâtre de l'Orangerie, Genève, du 5 au 22 août à 21h. Rencontre avec l'auteur le 5 à 17h, rés. tél: 076 470 77 04.
L'Invitation, mise en scène de Michel Kullmann. Au Théâtre de Carouge, du 26 septembre au 22 octobre, rés. tél: 022 343 43 43.
Maurice à la poule paraîtra en traduction française aux éditions Zoé en 2007.




Le «Bonheur flottant» navigue plan-plan

Le beau texte de Matthias Zschokke résiste à l’adaptation théâtrale.

lionel chiuch
Publié le 10 août 2006
, "Tribune de Genève"

Désolé, mais la croisière ne s'amuse plus. La vie est passée par là, le temps aussi, charriant tous deux leur lot de désillusions. Du coup, sur le luxueux yacht de Tana, ça soliloque, ça rumine, ça culmine dans le cynisme de bon aloi et la réflexion désabusée.

«Bonheur flottant» à l'Orangerie
«Bonheur flottant» à l' Orangerie

D'entrée, pourtant, le credo était dévoilé. Les quatre plaisanciers annonçaient leur «ferme intention de ne pas devenir cyniques». Vœu pieu d'un quarteron de cocus de l'existence, ayant usé jusqu'à leur absence et désormais vidés d'eux-mêmes et des autres.

Des âmes mortes

Il y a donc Tana (Séverine Bujard), riche quinqua qui fut aimée des hommes sans jamais parvenir toutefois à aimer «les» hommes. A ses côtés, un trio de misanthropes vieillissants, incarnés par Vincent Aubert, ­Jacques Denis et Armen Godel. Ils se parlent, ne s'écoutent pas, picolent plus que de raison. A l'amitié originelle s'est substituée une sorte de gentleman's agreement soumis au règne du silence.

L'arrivée – à la nage – de la jeune Ellen (Christine ­Brammeier), encore épargnée par l'aigreur, ne va guère perturber la morne inclinaison de leurs âmes. Certes, il y aura tentative de communication, mais elle se soldera par la mise en abyme de chacun des locuteurs sans que l'échange n'ait vraiment eu lieu.

Aucun doute: on est chez Zschokke et pas chez Sagan. L'oisiveté, ici, affine moins l'esprit qu'elle ne participe d'une contraction des désirs. Tana et son clan ont beau faire, le bateau revient toujours au port. Ou à la mort, qui n'est peut-être pas la pire des destinations.

Ce «non-voyage», l'auteur suisse allemand sait très bien en traduire la cristallisation. Mais son roman, qui témoigne avec lucidité et talent du naufrage des êtres, se montre réticent à toute tentative de dramaturgie.

Malgré les judicieuses interventions du narrateur (Edmond Vullioud) et la belle scénographie de Jean-Claude­ Maret, Martine Paschoud peine à maintenir la tension d'un objet qui reste avant tout littéraire. Faisant écho aux défaillances relationnelles de leurs personnages, les comédiens semblent parfois aborder en soliste une partition aussi ample que malaisée. On se prend alors à perdre le fil d'une histoire dont la matière textuelle continue pourtant de nous charmer.