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by Michka Assayas (from Encore, November 1996)
Difficile d'imaginer deux personnalités aussi antithétiques que celles de PJ Harvey et John Parish. Avec un sourire un peu contrit et plein de bonne volonté, l'homme essaie de trouver un rapprochement : "On vient tous les deux de la campagne, et on est très sérieux, très intense dans ce qu'on fait." Cet homme avenant et posé est un peu le jeune oncle de Polly Jean Harvey. De onze ans son aîné, il a été le premier à la repérer, en 1987, à Bristol, lors d'une soirée organisée par des amis communs. "Elle avait 17 ans, et la première chose qui m'a frappé, c'est qu'elle faisait beaucoup plus que son âge." Elle jouait alors de la guitare et du saxo et chantait, accompagnée par une autre fille à la flûte. Parish animait alors ce qu'il décrit comme un "groupe de percussion expérimentale", où, six mois plus tard, il a intégré la jeune fille comme chanteuse. "Beaucoup de gens m'ont dit alors : 'C'est une grosse erreur, elle n'est vraiment pas bonne'. Et je leur répondais : 'Oui, mais attendez, elle va progresser'. Ce sont les mêmes qui se sont extasiés à ses débuts." Parish est l'un des premiers à qui PJ Harvey a fait écouter ses chansons. Il l'a aidée à réaliser ses maquettes. Il juge de façon mitigée les deux albums qu'elle a enregistrés avec son premier groupe : "Dry reste le disque de quelqu'un de très jeune. Rid Of Me rend de façon très fidèle le son de son groupe à l'époque, où il y avait de grandes tensions." Avant de rectifier : "Je suis un critique très dur parce que je trouve qu'elle est fabuleuse." Après un séjour désastreux à Londres, où une inadaptation à la vie urbaine, puis une rupture sentimentale, l'ont fait sombrer dans une sérieuse dépression, la chanteuse est retournée à la campagne pour écrire To Bring You My Love : Parish considère que ce disque, auquel il a participé comme coproducteur, avec Flood, mais aussi guitariste et percussionniste, accompagnant son amie en tournée, est le premier où elle soit totalement elle-même. Batteur de formation (il voue encore un culte à John Bonham, l'extraordinaire batteur de Led Zeppelin, mais aussi guitariste et pianiste (il joue également du trombone), Parish a connu tous les bouts de la chaîne : fils d'une famille modeste où le père chantait de l'opéra et la mère pratiquait la danse classique, tous deux en amateurs, il a participé en 1979 à un obscur groupe new-wave avant d'animer Automatic Dlamini avec PJ Harvey, puis d'aider l'Américain Marc Moreland, l'ancien guitariste de Wall of Voodoo, tout en gagnant sa vie à enseigner la musique dans une école et produire les disques des autres. Voisin de Polly Jean Harvey, il lui a fait écouter un morceau instrumental qu'il avait enregistré seul. Spontanément, elle a eu envie d'y ajouter son chant. Prise au jeu, elle a ensuite suggéré à Parish de créer d'autres morceaux et de réaliser cet album à quatre mains. Très à l'aise dans le collage de sonorités différentes - comme une guitare "slide" très blues et un cliquètement de percussions métalliques - il a juxtaposé avec une grande concision les différents éléments qui composent l'univers de PJ Harvey : blues marécageux, dissonances venues du free-jazz et, par éclairs, saturations de guitare venues d'un punk-rock avant-gardiste et déstructuré. Un travail remarquable qui rappelle la production des derniers disques de Tom Waits, ce qui n'est pas un mince compliment.
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