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Extraits du Coir Anmann

Les trois appuis


 

Les trois appuis et les trois dieux du joug.

par Boutios

« Il y a trois fontaines sur la montagne de l’art, il y a une citadelle sur les vagues de l’océan. Adulant louangeur, donnes-moi le nom du portier de ce château. » (Taliesin – La poésie bardique de Taliesin)

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Les trois appuis et les trois dieux du joug

« Il y a trois fontaines sur la montagne de l’art, il y a une citadelle sur les vagues de l’océan. Adulant louangeur, donnes-moi le nom du portier de ce château. » (Taliesin – La poésie bardique de Taliesin) ,

Les trois fondements ou appuis de la dévotion

Le nombre trois est en relation avec Bitu, le monde, les constituants de la vie, et avec toute chose vivante. Cette obsession du nombre trois remonte à loin. Aux origines de la pensée indo-européenne, en fait. Il ne faut donc pas se surprendre de retrouver dans la pensée celtique des éléments de la transmission philosophique.

Cet extrait du Coir Anmann, « La convenance des noms », en plus d'exposer la clef des jeux de mots, expose très bien la conception druidique hibernienne des gunas alors appelés fothad. Oublions la science philologique moderne de l'étymologie, retenons simplement que les Anciens pratiquaient le jeu sacré de l'herméneutique des sons et des signes ; ce qui inclus les mots, les lettres (ogams et coelbrenns), les symboles et les signes sacrés. Le terme sanskrit guna, quant à lui, signifie littéralement "corde" et au figuré a le sens de lien, d'attache, c'est-à-dire d'attachement au monde matériel. Les gunas se combinent entre eux pour fixer solidement l'être à la vie. Les gunas sont donc l'ancrage des êtres dans le monde matériel. Les druides se les imaginaient comme des piliers soutenant l'être ou plus symboliquement comme des fatalités puisque l'homme est de nature mortelle. Bref, les gunas sont les constituants de base du Prakriti, pris au sens originel : le fondement, l’origine, la cause, puis au sens large : l’ordre naturel et la nature. Le Prakriti s’insère dans la philosophie du Sâmkhya, l’ordre primordial du monde matériel, régi par le Purusha, l’homme cosmique. Cette même idée est aussi présente dans la philosophie des Fothads : andeganna la « nature » et Andestatu : la « condition, le rang social ».

Bref, voici les trois gunas tels que décrits dans la philosophie védique :

Sattva-Guna, sattva : l'équilibre, la pureté, la vérité ;

Rajo-Guna, rajas : l'énergie, les passions, la force, le désir ;

Tamo-Guna, tamas : l'obscurité, les ténèbres, la lourdeur et l'inertie.



Les Fothads, les trois appuis ou supports



« Trois Fothades, c’est-à-dire les trois fôshuith, à savoir trois bonnes descendances. Ou bien Fothaidh, c’est-à-dire trois fotha suith « fondements de descendance » car ils étaient les premiers nés de Fuinche. Ou bien Fothaidh, c’est-à-dire en cachette, car c’est secrètement que Mac Niad, c’est-à-dire Mac Con, les engendra en Fuiche, fille de Bénne Brit, roi de Bretagne. Ou bien Fothaidh, c’est-à-dire fi « mauvais » aed « feu », à savoir qu’ils étaient un feu empoisonné, massacrant les clans et les familles. Ou bien encore Fothaidh, c’est-à-dire, fô-thàdi, ce sont de bons voleurs car toute union (non permise) est un vol. C’est de cela que le druide dit : Bienvenu est le vol dont est né ce trio, si bien que le nom de Fothaidh s’attacha à eux.

Leurs noms étaient Aendia, Trendia et Caendia. Andia était le pâtre, Trendia le conducteur de char, Candia était Fothad Canainne. C’est en une seule naissance que Fuinchi les donna à Mac Con. Fuinchi donna naissance à Aendia au début de la nuit. C’est de là que vient son nom parce qu’il était sans roi à cause de l’excellence du trésor. Trendia (naquit) au milieu de la nuit et le nom lui fut donné à cause de la force du trésor qu’avaient les dieux. Caendia (naquit au matin. À cause de la douceur et de la beauté de la lumière rouge du matin, c’est pour cela que lui fut donné le nom de Caendia.

Fothad Canann était appelé ainsi à cause d’un chien qu’il avait. C’est de là que vient Dinn Chanann dans Mag Life. Ou bien Fothad cainidae, parce que les dieux étaient beaux et élégants quand il naquit.

Fothad Airthech, le « monnayé », cela est dit parce que c’était la richesse qui était la plus proche de lui car c’est de là que venaient son bracelet de champion, ses deux anneaux et son collier d’or, son chien et son cheval.

Fothad Cairptech, « aux chars » était ainsi nommé parce que c’était la part qu’il donnait (à ses fils), des chevaux avec leurs chars. On l’appelait aussi Fergus Dolus.

Fergus Dolus, c’est-à-dire non-manifestation, non-illumination, à savoir un homme qui se promenait pendant les nuits obscures. C’est pour cela que l’on disait de lui Fergus Dolus “obscur”. »1

Les sens et jeux de mots donnés ici aux désignations gaéliques ne reflètent en rien leurs véritables étymologies. Il faut savoir aussi qu’il s’agit de commentaires tardifs faits à une époque où tout ce qui était antérieur au christianisme était en odeur de souffre. De plus, les clercs et copistes du bas Moyen Âge et de la Renaissance ne comprenaient déjà plus la langue archaïque, voire le vieil Irlandais. Ceci dit, étant donné que les règles de la versification et de la prose avaient, le long des siècles, peu changées les mêmes techniques s’appliquaient à une époque plus reculée. Les anciens, qui ne connaissaient pas la science de l’étymologie, donnaient un pouvoir aux mots en décortiquant les syllabes et les vocables de base. Pline illustre éloquemment ce procédé lorsqu’il suppose que les druides tenaient leur nom du mot grec drus pour « chêne ».

Par exemple, il est dit dans le texte que les trois Fothads sont les premiers nés de Fuinche2, la fille de Bénne Brit3, le roi de Bretagne. Quel est le sens de cette affirmation ? À savoir que les noms Fuinche et Bénné font tout les deux référence aux hauteurs, à l’élévation et aux nuances du blanc et du noir. Ces deux noms sont donc liés à l’aurore et au crépuscule. Cette idée est renforcée par les noms de Dinn Channan et de Mag Life. Il est aussi dit dans le texte que Fothaidh viendrait de Fi-aed c’est-à-dire fi « mauvais » et aed « feu ». Fi est du vieil irlandais fell, de la racine celtique ualos « méchant, vil, mauvais, médiocre ». Il semblerait qu’un copiste revanchard s’est donné beaucoup de mal à en détourner le sens ancien. L’ancien sens devait sans doute être comme suit : fota « fondation, cause » et aed « feu, ardent ». Ce qui, au niveau ancien, donnait : Uotaios « fondement, base » et Aedus « fervent », le nom du soleil du matin. Et ceci, en jeu de mots avec Uatoios Aedis, «le Feu Agissant».



D’ailleurs, les grammairiens védantistes de l’Inde, comme les druides, pratiquaient et abusaient de l’art des jeux de mots et des calembours. En ce sens, le vocabulaire sanskrit est très développé :

Arthacitra « variété de sens, jeu de mot ; çlesha ou zlesha « mot à double sense, équivoque, ambiguité, sens caché » vakrokti « allusion », un mode indirecte d’expression, une figure de style consistant à répondre pas sous-entendus ; çabdaçlesa ou zabdazlesa « calembour, jeu de mots ». Il va sans dire que la langue gaélique a aussi son vocabulaire relatif au calembour et au jeu de mots : torthaí beachta4, cleas-cainnte5, cluich-cainnt6. Jeu de mots se dit imeartas en gaélique moderne. Ce mot a pour racine le celtique ancien ambiratio ou ambirateia qui à l’origine voulait dire « réflexion » et « méditation ».

Bref, lorsqu’il est dit dans ce texte que si Fothad Canann s’appelait ainsi c’était parce qu’il avait un chien. Le raisonnement, c’est que chien se dit cù et cuan signifie « meute » en gaélique. Jeu de qui se réfère à Conn7, le père des triplets. En fait, à l’origine ce jeu de mots devait sous entendre cuing, « joug » ou « conjonction ».

Fothad est du vieux celtique Uotados « support, appui ». Les Fothad ou Gwadyn en gallois, correspondent à une ancienne divinité appelée Uotadis (Uotades au pluriel) signifiant « Fondamental ». Donc, les Fothad ou Uotades étaient les divinités fondamentales de la dévotion. Encore une série de jeu de mots : Uotados et uedon « joug », uedons « seigneur », uedontis « seigneur du joug » et uednosia « témoignage ».



Le Coir Anmann « Convenance des noms » désigne ainsi les trois Fothad :

Aendía, le pâtre, Trendía, le conducteur de char et Caendía, le possesseur de chien.

Afin d’y voir plus clair, voici les remontées étymologiques de chacun de ces noms :

Aendia < Andedeuos « Super Dieu » ; Andedios « Super Lumineux » ; Andios « super, grand, fameux » ; Andatis « Supérieur ».

Trendia < Trenodeuos / Trinodeuos « Dieu de la Lutte, Dieu Héros » ; Trenatis « Agent de force supérieure, de puissance victorieuse »; Trinos « héros ».

Caendia < Candodeuos « Dieu de Source Lumineuse, Astre Dieu, Dieu Blanc, Candide » ; nom du dieu Candiedos « Blanc Immaculé ».

Ces théonymes gaéliques ont une sonorité proche de plusieurs divinités du panthéon celtique : Ande la « Super déesse », Andecamulos « le Super Dynamique », Ander, le dieu « Bovin », Andescoxs le « Super Terminateur », Andesus le « Super Bon », Andinos, l’ « Infernal », Andlis, la « Super », Andosis ou Andossos, l’ « Invaincu », Andouna, l’ « Immortelle » ; Candiedos, le « Blanc Immaculé », Candua, la « Brillante », Trinos « Héros », Trenfer < Trenouiros « Homme Fort », un des surnoms d’Ogma et Trendorn < Trenodornios « À la Main Forte ».

À savoir que chacune de ces divinités incarne une qualité spécifique :

Andestatu « condition, rang social » ;

Trena « force supérieure, puissance victorieuse, effort dans la lutte ».

Candiedo « blancheur ».

Ou encore un aspect de la nature, du cosmos :

Andeganna « nature » ;

Cando « astre » ;

Trinuxtio « prédominance », le temps du passage du soleil dans une constellation ou un signe du zodiaque.

À savoir que chacune de ces divinités veille sur un des trois modes du joug ou yoga druidique. Fothad, c’est-à-dire uotados « support » en tant que uota « refus » ou « abstention », uotaios « fondement » ou « base » et uotepon, « refuge, asile, cachette, recours ». Tout ceci dans la pratique de la respiration : uotegô « retenir » et uotigu « au-delà de l’extrémité, jusqu’au bout et au-delà ». Ainsi, le support, uotadis, est un pilier, un étai, uotadion8.

Les trois supports définis:

  • Andeuotados, le super support ;Uotados Connonos > Fothad Canann, le support de l’intelligence, le savoir, la sagesse.

  • Trenouotados, le support vigoureux et vif ; Uotados Argantacos > Fothad Airgthech, le support argenté.

  • Candouotados, le support brillant et candide ; Uotados Carpantacos > Fothad Cairpthech, le support charpenté et Uotados Doluas > Fothad Dolus, le support de la règle de conduite et de l’image à maintenir.





TREIS UOTADIONES, les trois supports et les moments du jour

Nuit :

1. Andestatu, la condition, le rang social, (Tama-guna) ;

Uxseron : "nuit", pour le premier des triplets né au commencement de la nuit. Andia était appelé ainsi parce qu'il était supérieur. Il est né sans roi, et à cause de l'excellence de son don, Dano, possédé par les dieux.

2. Trena, la force supérieure, la puissance victorieuse, l’effort dans la lutte, trenos « vigoureux et vif » (Rajo-guna);

Medionoxs : "minuit", le second triplet, Trendia, né à minuit; Il était appelé ainsi à cause de la puissance de Dano, du Don, le trésor qui appartenait aux dieux.

3. Candiedo, la blancheur, candos, blanc, candide (Sattva-guna) ;

Barégos : "matin", le troisième triplet, Caendia, né aux petites lueurs du matin. C'était à cause de la belle apparence des lueurs rosées du matin qu'on l'appelait ainsi.

Jour :

4. Uotados Connonos, c’est de là que vient Dinn Chanann9 dans Mag Life10. Ou bien Fothad cainidae11, parce que les dieux étaient beaux et élégants quand il naquit.

Mediolatis: "midi".

5. Uotados Argantacos, le « monnayé », cela est dit parce que c’était la richesse qui était la plus proche de lui car c’est de là que venaient son bracelet de champion, ses deux anneaux et son collier d’or, son chien et son cheval.

Diiesuedon : "journée".

6. Uotados Carpantacos, « aux chars » était ainsi nommé parce que c’était la part qu’il donnait (à ses fils), des chevaux avec leurs chars. On l’appelait aussi Fergus Dolus12, c’est-à-dire non-manifestation, non-illumination, à savoir un homme qui se promenait pendant les nuits obscures. C’est pour cela que l’on disait de lui Fergus Dolus12 « obscur ».

Noxs : "Nuit".

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Notes :



  • Guyonvarc'h, Christian et Le Roux, Françoise, La Société celtique, pp. 98 – 99, citant Whitley Stokes, Coir Anmann, p. 376 - 379.

  • Fuinche < Uesniaca litt. « Toisonnée », Corneille à capuchon », cf. irlandais feannóg/fionnóg, vieil irlandais fuindchi ; en jeu de mots avec Uincia « du Sommet » et Uisucia « Corbeau femelle ».

  • Bénne Brit < Bennios « du Mont » + Brit < Britos / Brittos « Tatoué, Peint ».

  • Torthaí beachta pl. de tortha < truddos « combat, chicane » + bigtos « opinion ».

  • Cleas-cainnte < clesos cantlonos « jeu de chant didactique ».

  • Cluich-cainnt < clocios cantlonos « jeu de chant didactique ».

  • Cannan ou Connan < Connonos « fils de Connos », connos « intelligent, malin, qui s’y connait » ; cf. Mac Conn < Maqos Conni « fils de Conn ».

  • Uotadion, pilier, étai, support, pris dans le sens parapsychologique d’axe ou de colonne vertébrale (voir sanskrit guna et kundalini).

  • Dinn Channan, Dinn < Dino « aube, protection » + Connonos.

  • Mag Life < Magos Liuonos, la « Plaine de Splendeur, de Gloire, d’Éclat », un des noms de l’Autre Monde.

  • Canidae < Caneide, « venant de » canis, « principe, règle établie, pouvoir légal, autorité, loi, code, canon ».

  • Fergus Dolus < Uirogutios Doluas, Uirogustios « Homme de Choix » + Dolus < Deluas « de la Forme, Aspect, Image » ; Dolus, en jeu de mot avec Diliuo « assombrissement ».

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    par Boutios

     

    collection d’éléments fragmentaires glanés dans les textes Indiens et Irlandais avec désignations celtiques par Boutios