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[PARTIE II]


LES SACRIFICES RITUELS






Les rites des sacrifices qui mettent l'homme en contact avec les plus hauts aspects de l'être, avec les dieux, constituent les actes les plus importants de l'homme. Nous ne pouvons pas vivre sans participer au rituel cosmique. Toutefois cette participation n'est positive que lorsqu'elle devient consciente et est accomplie avec connaissance des rites et des mots efficaces. C'est par le rituel des sacrifices volontairement accomplis que l'homme prend sa place dans la symphonie cosmique.

Le Progéniteur créa en même temps le rituel des sacrifices et l'homme. Il dit à l'homme : " Tu progresseras par ce rituel et tes désirs seront accomplis.
Par lui, tu te rendras agréable aux dieux et les dieux te protègeront en retour. Ainsi vous aidant les uns les autres vous atteindrez la félicité. Contents de tes hommages, les dieux t'accorderont tous les plaisirs. Celui qui jouit de leurs dons sans leur payer leur dû est un voleur. Mais celui qui ne mange que les reliefs des oblations est lavé de tout mal.
Celui qui prépare à manger pour lui seul se nourrit de péché. Tous les êtres vivent des fruits de la terre. Ces fruits viennent des pluies du ciel, les pluies sont le résultat des sacrifices et le sacrifice est le fruit d'actes méritoires. La valeur d'un acte est déterminée par la connaissance des valeurs permanentes qui se trouvent dans le Livre-du-Savoir. Ce savoir est l'expression de l'Indestructible, le principe qui se manifeste dans le rite perpétuel du sacrifice qu'est l'Univers. Celui qui ne joue pas son rôle dans ce sacrifice sans fin est fait de péché ! Prisonnier de ses sens, son existence n'a pas de but. " (Bhagavad-Gîtâ)

C'est lorsque se développa le rituel du feu que sa nature universelle put être observée. Le sacrifice du feu apparut comme l'instrument essentiel de la participation de l'homme au sacrifice cosmique. Par des sacrifices gigantesques qui devinrent de plus en plus élaborés, l'homme prit sa place parmi les forces de la nature.

Les rites cherchèrent à serrer de plus en plus près les rites éternels par lesquels l'Univers existe. Le foyer était l'image du centre cosmique. L'Univers à son tour n'était qu'un vaste sacrifice dans lequel le dieu feu, puissant, violent, terrible dévorait l'oblation gigantesque, faite de tout ce qui est faible, tendre et doux.

Autour du monumental autel druidique dans lequel étaient creusées les bouches du feu, où les offrandes étaient jetées, un cérémonial complexe se développa dans lequel les divinités des directions de l'espace et les dieux des éléments avaient leur place et étaient vénérés. Des prêtres accomplissaient des rites élaborés dont les gestes précis, les invocations, les hymnes et les chants étaient susceptibles d'agir sur l'ordre même du monde et de permettre aux hommes de tenir les dieux en leur pouvoir.

Dans cet effort pour instaurer la suprématie de l'homme sur les forces cosmiques, le rituel prit des proportions inouïes. Il y eut des sacrifices dont les cérémonies duraient des années. Une fois commencée la série des rites, il fallait en suivre le cours, tout au long du cycle des mois et des saisons. Un rituel incomplet ou inexact pouvait causer des catastrophes.





  • Le sacrifice humain :

    Cette parenthèse a pour objet de replacer le sacrifice humain dans la vie religieuse quotidienne et non de le nier. De s'interroger sur une pratique exceptionnelle mais dont le sens très fort lui faisait jouer un rôle majeur dans l'imaginaire des peuples voisins.

    Si l'on s'en tient à la seule réalité archéologique, il ne faudrait même pas accorder une place à ce rite qui n'a jamais été incontestablement prouvé. Jusqu'à présent et même si la présence d'os humains à l'intérieur des l'enceintes sacrées est attestée, aucun sanctuaire n'a livré de restes prouvant une mise à mort violente, de type sacrificiel, semblable à celle relevée sur les crânes de bœuf de Gournay : violents traumatismes sur la boite crânienne occasionnés par un instrument tranchant. Tant qu'une telle preuve matérielle ne sera pas fournie, l'existence du sacrifice humain dans ces sanctuaires ne peut être formellement établie.

    Les traces relevées sur les vertèbres cervicales indiquent bien une décapitation mais qui a été faite, sur un individu déjà mort, avant l'arrivée du corps dans le sanctuaire. L'état de nos connaissances permet de ranger cette population à part : ce sont des corps d'ennemis morts ramenés dans le sanctuaire dans un rite de consécration des dépouilles.

    " Aux ennemis tombés ils coupent les crânes et les attachent au cou de leurs chevaux. Les dépouilles ensanglantées de ces ennemis tués sont emportées comme du butin par les servants d'armes auxquels ils les ont confiées, au son du péan et des hymnes de victoire ; et ils clouent ces prémices du butin à leurs maisons " (Diodore de Sicile)

    " … Dans beaucoup de cités on peut voir des tertres élevés dans des lieux consacrés avec des dépouilles … " (César) En résumé, les os des hommes sur les sanctuaires ne présentent aucune analogie avec ceux des bêtes qui furent introduites vivantes dans ces enceintes pour y être immolées. On a affaire à des cadavres déposaient dans l'espace sacré, alors qu'ils avaient déjà subi un rite sur le lieu de leur mort, le prélèvement de leur crâne.

    La fouille des grands sanctuaires du nord de la Gaule permet de tempérer les témoignages des auteurs anciens. Alors que ces derniers ne parlent jamais du sacrifice animal, omniprésent en ses lieux, ils sont prolixes envers le sacrifice humain, leitmotiv des sources écrites est absent de la plupart des sanctuaires.

    Ces textes, nombreux et de qualité très inégale, peuvent être répartis en deux ensembles. Le premier contient un petit nombre d'écrits riches dont on connaît le sens et l'efficience, tandis que le second regroupe des informations souvent isolées, imprécises et peu crédibles.

    Les auteurs de ces derniers recopièrent à l'infini une formule aussi tenace qu'imprécise qui est devenue un poncif de la littérature antique consacrée aux Gaulois : Les Gaulois sacrifiaient des victimes humaines, tantôt à Chronos, tantôt à Mercure ou à Saturne. Cette source nous vient du poète grec Sopatros qui accusait les Galates de mettre à mort leurs prisonniers de guerre.

    Les autres, tirant pour l'essentiel leur source de Posidonios, nous dressent un tableau des différents sacrifices qui vont du sacrifice divinatoire aux exécution judiciaire en passant par le sacrifice d'action de grâce.







  • Le sacrifice divinatoire :

    " Ils recourent également aux services de devins qu'ils tiennent en grande faveur. Ces derniers prédisent l'avenir d'après l'observation des oiseaux et par la mise à mort de victimes sacrificielles, c'est ainsi que toute la population est soumise à leurs oracles. Mais surtout quand ils font un examen sur un sujet important, ils ont une coutume étrange et incroyable. Un homme, qui a été consacré aux dieux, est frappé avec une épée dans une région située au-dessus du diaphragme, ils font alors leur prédiction d'après la chute de celui-ci qui a été frappé et qui tombe, d'après l'agitation de ses membres, mais aussi d'après la manière qu'a son sang de s'écouler, ayant foi dans cette observation divinatoire, ancienne et longtemps pratiquée. " (Diodore de Sicile)

    " …ainsi que les formes de sacrifice et de divination, contraires à nos lois. Un homme, consacré aux dieux, après avoir été frappé dans le dos avec une épée, c'est d'après ses convulsions qu'ils prédisent l'avenir. " (Strabon)

    On le voit, ce rite se déroule dans un but et un contexte précis. Car si la mantique privée peut s'accommoder de l'observation du vol des oiseaux ou la lecture des entrailles d'un animal quelconque, le destin d'une nation exige une haruspicine plus solennelle pratiquée sur un corps humain. Par sa consécration aux dieux la victime, " être sacré ", place le sacrifice au sein d'un culte du plus haut niveau et établit le contact avec le monde divin. Autrement dit, la victime va devenir pour quelques instants le porte-parole des dieux qui vont s'exprimer à travers lui. L'authenticité d'un tel sacrifice semble, dans ce cas, incontestable, mais n'en demeure pas moins un cas exceptionnel, justifié par de grands intérêts qui menacent la nation entière.

    Les Grecs et les Romains ont pratiqué longtemps de tels sacrifices avant l'entrée en guerre, sacrifice marqués du sceau de la mantique. On le voit, même au cours d'évènements dramatiques, ce type de sacrifice humain demeure exceptionnel, alors qu'on se trouve à une époque relativement ancienne, le début du III° siècle. C'est dire qu'à l'époque de César un tel sacrifice devait être rare, voire être le souvenir d'un lointain passé.







  • Le sacrifice d'action de grâce :

    " … Mars régit les guerres. A ce dernier, quand ils ont décidé de livrer un combat, ils font la plupart du temps vœu de consacrer tout ce qu'ils prendront à la guerre : quand ils ont gagné, ils immolent tout le butin vivant et le reste ils l'apportent en un même endroit. Dans beaucoup de cités on peut voir des tertres élevés dans des lieux consacrés avec ces dépouilles. " (César)

    " Quand le général des Barbares Galates fut revenu de sa poursuite, il rassembla les prisonniers et procéda à un acte cruel et parfaitement orgueilleux. Après les avoir couronnés, il sacrifia aux dieux ceux qui avaient le plus bel aspect et qui étaient dans la fleur de l'âge, si toutefois un dieu peut accepter de telles marques de vénérations. " (Diodore de Sicile)

    Ce schéma classique indique un rite non pas courant mais connu et dont les règles doivent être scrupuleusement respectées, ce qui exclut tout emportement conjoncturel.

    On a affaire ici à un ensemble de rites purement guerriers qu'on retrouve, dans ces grandes lignes, dans la religion romaine archaïque : le Votum. Le prix du vœu, suivant la gravité du péril, variait dans la masse et la qualité des offrandes. Il pouvait être total dans le pire des cas : butin matériel, animal et humain, ou se limiter à des prises prestigieuses : trophées d'armes, parures. Entre ces deux extrêmes, toutes les solutions étaient possibles.

    Ainsi, que son but soit divinatoire ou qu'il soit l'aboutissement d'un vœu, le sacrifice humain apparaît avant out comme un rite guerrier ou un rite conjoncturel dans une situation périlleuse. Par là il ne diffère pas des sacrifices que l'on rencontrait dans la Grèce ancienne ou à Rome jusqu'à une époque très tardive.







  • Exécutions judiciaires :

    " … Les supplices de ceux qui sont arrêtés pour vol ou pour brigandages passent pour être plus agréables aux dieux ; mais quand les ressources de ce type font défaut, on se résout à supplicier des innocents. " (César)

    " … En effet, les malfaiteurs qu'ils ont gardé prisonniers pendant cinq ans, ils les empalent en l'honneur des dieux… " (Diodore de Sicile)

    Les Gaulois ne faisaient rien d'autre que ce que font la plupart des peuples au cours de l'histoire, c'est-à-dire qu'ils mettaient à mort les malfaiteurs. Les Grecs, comme les Romains, ne procédaient pas différemment, même si la mise à mort ne se justifiait plus par la religion mais par l'application des lois. Il ne fait aucun doute que toute personne convaincue d'un crime suffisamment grave ait été sacrifiée.

    Chez la plupart des peuples gaulois, le juridique ne s'était pas séparé du religieux, non par archaïsme mais par philosophie politique. En s'occupant de toutes les affaires judiciaires, publiques et privées et en ritualisant les condamnations à mort, les druides cantonnaient le sacrifice humain à un cadre strictement pénal qui, bien évidemment, fut institutionnalisé et décrété plus plaisant aux dieux. Il est donc fort probable qu'ils aient eue lieux au cours de grandes fêtes religieuses.







  • Autres sacrifices :

    " … D'autres ont des représentations d'une grandeur colossale dont les pièces faites d'osier tressé sont remplies d'hommes vivants ; on met le feu a celles-ci et les hommes entourés par les flammes y périssent. " (César)

    " Conformément à leur nature sauvage, ils sont extraordinairement impies dans leur façon de sacrifier. En effet, les malfaiteurs qu'ils ont gardé prisonniers pendant cinq ans, ils les accrochent à un poteau en l'honneur des dieux et avec beaucoup d'offrandes les sacrifient en d'immenses bûchers qu'ils ont préparés à cet effet. Ils se servent également des prisonniers de guerre comme victimes sacrificielles en l'honneur des dieux. Certains d'entre eux tuent les animaux qu'ils ont pris à la guerre en même temps que les hommes… " (Diodore de Sicile)

    " … Mais on rapporte aussi d'autres formes de sacrifice humains : ils perçaient de traits les victimes et les accrochaient à un poteau dans les sanctuaires ; ils construisaient aussi une représentation gigantesque de bois et de paille qu'ils brûlaient après l'avoir remplie de bétail et de bêtes sauvages ainsi que d'êtres humains. " (Strabon)

    Cette dernière forme de sacrifice, à cause de sa description exotique, a plus retenu l'attention des commentateurs que les sacrifices humains qui viennent d'êtres décrits et peuvent par comparaison avec d'autres religions paraître assez banals.

    L'originalité de cet holocauste, les précisions sur la construction peux donner une certaine crédibilité au témoignage, sauf que la mention des bêtes sauvage dans le texte de Strabon paraît fort douteuse. Les autres sacrifices, mentionnés toujours par Strabon, paraissent plus suspects encore. Ainsi, il écrit, sans plus s'y attarder, deux manières parfaitement aberrantes de mettre à mort des humains. La première consiste à percer une victime de flèches, la seconde à suspendre ou accrocher à un poteau un homme dans une enceinte sacrée.

    Les récentes découvertes de dépôts osseux humains dans les sanctuaires Bellouaques, loin d'accréditer de tels témoignages, invitent plutôt à les corriger. On est en droit de se demander s'il ne s'agit pas tout simplement de la description de trophées humains construits avec des cadavres de guerriers morts au champ d'honneur.

    A l'époque de Posidonios, la confection de gigantesques trophées humains n'était déjà plus en usage dans la Gaule, c'est donc par une source intermédiaire que l'ethnographe de la Gaule a eu à connaître cette coutume. L'auteur de sa source n'a certainement pas vu l'accomplissement du rite qui devait se faire dans le secret ou dans le cercle des initiés, il n'a donc vu que le résultat ; des cadavres décharnés encore accrochés à des poteaux, et c'est à partir de cette observation qu'il a reconstruit un rite imaginaire.

    Quoi qu'il en soit, qu'il s'agisse d'un véritable sacrifice ou, comme je le crois, de la description d'un trophée, il s'agit encore une fois de rites purement guerriers.

    Au terme de cette parenthèse, nous pouvons dire en toute objectivité que le sacrifice humain a existé en Gaule, qu'il entrait dans des pratiques guerrières et prenait des formes tout à fait similaires à celle que l'on rencontrait en Grèce jusqu'au VI° siècle et à Rome jusqu'à l'Empire.

    A partir du III° siècle, sous l'influence de la philosophie druidique et sous l'effet de la transformation profonde de la société gauloise, cette pratique prend essentiellement une allure pénale, et donc, le sacrifice humain proprement dit, dont César accuse les druides, était, à son arrivée en Gaule, abolis depuis déjà fort longtemps.







  • La technique du sacrifice :

    Lorsqu'une oblation est offerte à un dieu puis jetée dans la bouche du feu accompagnée de gestes et de paroles rituels, ceci constitue l'acte fondamental du sacrifice qui comprend donc quatre éléments indispensables : l'offrande, le feu, la parole et le geste.

    Le sacrifice est une technique. Son but et sa force sont des éléments essentiels de son efficacité. " Le sacrifice accompli sans rituel, sans offrandes de nourriture et sans piété est un sacrifice noir. " (Bhagavad-Gîtâ)

    L'offrande du sacrifice varie selon la nature et le but du rituel, la divinité à laquelle le sacrifice est adressé et sa place dans le sacrifice universel. On emploie pour les oblations du blé et de l'orge, de l'huile ou du beurre, du porc, du mouton, du bœuf, de l'hydromel, du vin et du lait.







  • Les sacrifices " Néo-druidiques " :

    Dans les offices druidiques tels qu'ils se pratiquent aujourd'hui, l'acte rituel par excellence est le sacrifice : une offrande est abandonnée, tout ou en partie, au dieu dédicataire. Elle est végétale et animale, faite de beurre clarifié ou d'huile, de fleurs, d'encens, de brochettes de viande, de céréales et " d'eau-de-vie ". Crue ou cuite. Normalement, on la jette avec la main, pour les uns, et on la verse avec la louche rituelle, pour les autres, dans le feu qui brûle dans des foyers carrés creusés au sommet de l'autel ; mais on peut aussi la répandre sur le sol ou la lancer en l'air.

    Le sacrifice ne nécessite ni temple, ni idoles : il s'accomplit, à ciel ouvert, sur un autel en apparence très simple fait de briques empilées (la brique cuite étant le symbole de la terre purifiée par le feu). Parfois il s'agit d'une aire tapissée d'herbe et excavée en son centre pour former un autel-réceptacle.

    Lorsqu'il s'agit de célébrer, un terrain est choisi, délimité, apprêté, consacré. Trois feux (parfois un seul) y sont installés que l'on nomme : le Dominical, parce qu'il est le foyer du maître de maison, le Feu-Père, situé au Nord, l'Offertoire, parce que les offrandes y sont versées, situé au centre de l'aire, le Méridional enfin, qui est établi au Sud. L'espace entre les deux premiers feux constitue la jonchée où les dieux viennent prendre place.

    La structure temporaire et provisoire des autels est au service de techniques sacrificielles très élaborées. Les rites et célébrations, dont la justesse est requise, nécessitent la présence de prêtres détenteurs et spécialistes de la science liturgique ; ils sont au nombre de trois, le Gutuatre, face à l'Est, au nord de l'autel, invoque les dieux et dispose les offrandes, il est aidé par le Lituuiros chargé de toutes les manipulations. Un peu à l'écart se tient le Uerdruuis, immobile et muet. Voué au silence extérieurement, ce prêtre contrôle et rectifie mentalement les erreurs qui pourraient être commises dans l'énoncé des strophes, des hymnes et des chants. Son silence n'est pas absence de parole, mais une intense perception de la puissance impalpable et irrésistible qui se dégage du rapprochement des combinaisons savantes d'actes rituels et de paroles sacrées.

    " Le conducteur du sacrifice accomplit mentalement toute la cérémonie tandis que les officiants, le sacrificateur, le chantre et autres, prononcent actuellement les paroles. " (Chândogya-Upanishad)







  • Les anciennes commémorations traditionnelles :

    Les sacrifices sont, grâce aux druides qui les organisent et les président, la rencontre des dieux et des hommes à un moment déterminé suivant des critères très précis de temps calendaire. Le sacrifice est globalement un repère et un point fixe dans le temps et l'espace. Au contraire des choses humaines, par sa fixité et son immobilité, il se rattache à l'éternité. Sans les sacrifices les dieux nous échappent. C'est dans le cadre du sacrifice qu'ils vivent et s'organisent.

    Les sacrifices druidiques sont inscrits dans un calendrier luni-solaire et polaire, axé sur l'alternance du sombre et du clair.

    Tout comme les deux semestres composant notre année, qui sont identiques tout en étant différents, c'est-à-dire qu'ils comportent chacun six mois, et en cela sont semblables, mais dont la division interne est différente, tout comme les mois aux quinzaines inversées (claire-sombre) par rapport aux semestres (sombre-clair), les sacrifices druidiques traditionnels subissent ce que MM. D. Laurent & M. Treguer nomment " la particulière conception druidique bipolaire inversée de la mesure du temps où les deux forces antagonistes, les ténèbres et la lumière, s'organisent autour d'un point d'équilibre et non à partir ou en direction d'un point d'amplitude maximum ".

    Les anciennes commémorations traditionnelles, c'est-à-dire les Trinoxtion samoni, Ambiuolcaia, Belotennia et Luginaissatis fonctionnent de la même manière. Dans le premier semestre se trouvent deux fêtes fixes mais mobiles alors que dans le second semestre on rencontre deux fêtes mobiles mais fixes.



    Les dates fixes mais mobiles :

    Les fêtes célébraient dans le premier semestre le m. samon- 2a pour les Trinoxtion samoni et le m. anagantio- 4 pour Ambiuolcaia, sont fixes puisque commémorées toujours le même jour dans le même mois, tout au long des lustres, des siècles et des cycles. Mais astronomiquement parlant sont mobiles puisque par leur " fixité " elles peuvent se retrouver soit dans la constellation du scorpion ou de la balance pour les Trinoxtion samoni, soit dans la constellation du verseau ou du capricorne pour Ambiuolcaia.



  • Les dates mobiles mais fixes :

    A l'inverse, les fêtes mobiles situées dans le deuxième semestre se retrouvent en m. simiuisonna 7 dans les années II, IV et V, rétrogradée en m. giamoni- 7 dans les années I et III pour Belotennia, et en m. edrini- 7 dans les années II, IV, V, rétrogradée en m. elembiu- 7 dans les années I et III pour Luginaissatis. Mais, par contre, sont parfaitement fixes par rapport aux constellations dans lesquelles elles doivent apparaître, c'est-à-dire celle du taureau pour Belotennia et celle du lion pour Luginaissatis.

    En plus de cette intéressante observation astronomique, nous pouvons remarquer une autre particularité concernant ces fêtes.

    Celles-ci sont dédiées alternativement à un dieu puis à une déesse, et sont à caractère chtonienne puis lumineuse dans le premier semestre et, inversement, lumineuse puis chtonienne dans le second.



    Premier semestre
    Trinoxtion samoni Dis-atir chtonienne hiver
    Ambiuolcaia Brigantia lumineuse printemps
    Second semestre
    Belotennia Taranis lumineuse été
    Luginaissatis Maria talantio chtonienne automne





    Trinoxtion samoni sindiu :

    " Les trois nuits de retrouvaille [avec les Pères commencent] aujourd'hui ", le 2ème jour de l'atenouxtion du mid samon-, soit lors du dernier quartier de lune dans la constellation du scorpion, signe de Dis-atir, le Père-destructeur dont les Celtes se disent issus.

    Ouvrant la saison hivernale, la couleur symbolique de Samonios est le blanc. Le blanc du Nord, de la mort, qui absorbe l'être et l'introduit au monde lunaire et froid. C'est la couleur du deuil, du linceul, de tous les spectres et de toutes les apparitions. C'est la couleur des revenants, donc le l'Autre Monde.

    Samonios est une fête d'obligation, à l'universalité contraignante, et une telle fête se célèbre dignement.

    " C'était l'époque où les Ulates étaient dans la plaine de Murthemne et ils tenaient l'assemblée de Samain chaque année. Il n'y avait rien au monde qui n'était fait par eux à cette époque, si ce n'étaient des jeux, des réunions, pompe et magnificence, bonne chère et banquet. C'est de là que viennent les trois jours de Samain dans toute l'Irlande "

    " …Tout homme des Ulates qui ne venait pas lors de la nuit de Samain à Emain perdait la raison et l'on dressait son tumulus et sa pierre le lendemain matin "

    La fonction essentielle de cette assemblée est d'être une intermédiaire entre le monde humain et le monde des morts. A cette date l'autre monde est partout présent et on y accède encore bien plus vite si l'on se réunit là où il a coutume de se manifester, dans les endroits consacrés. L'éternité n'est pas non plus le lot normal des humains et, quand ils participent, il faut bien que quelqu'un les y aide. C'est à cette fin que les gens du Seduos viennent sur terre et que les druides les laissent faire.

    En effet, Samonios est le moment où les hommes ont accès à l'Autre Monde parce que l'éternité du Seduos pénètre le temps et en suspend le cours. Les messagères des dieux viennent aussi chercher les heureux mortels qu'elles ont élus parce que, précisément, la suspension du temps annihile provisoirement toute différence entre l'Autre Monde et le monde des hommes et fait tomber toutes les barrières. Le temps des Trinoxtion est celui du Seduos brièvement confondu avec celui de l'humanité. Les hommes ont, pendant quelques jours, accès au monde des dieux sans verser dans l'outrance ou le sacrilège.

    En cette occasion un grand banquet est offert. " L'année où l'on divisa la province d'Ulster en trois parties on fit le festin de Samain chez Conchobar à Emain Macha " (L'ivresse des Ulates)

    " Viande, bière, noix, andouille, c'est ce qui est dû à Samain, feu de camp joyeux sur la colline, lait baratté, pain et beurre frais " (Hibernica Minora)

    En cette nuit, la victime sacrificielle par excellence est le porc qui, associé aux boissons enivrantes donnent, par le biais de l'ivresse, accès à l'éternité.

    " fuirec, c'est le nom de la nourriture qui est apportée au seigneur avant Noël, ut est faer, fuirec, etc., c'est-à-dire le cochon de Samain " (Archiv für Celtische Lexicographie)

    En tant que dieu des " Enfers ", Dis-atir, patron de la fête, est considéré comme le libérateur des cycles des morts et des renaissances, dieu chtonien, initiateur et conducteur des âmes. Il symbolise l'effort de spiritualisation de la créature vivante à partir de la plante jusqu'à l'extase : dieu de la forêt, des animaux, de la ferveur et de l'union mystique.

    Avant lui il y avait deux mondes, le divin et l'humain, deux races, celle des dieux et celle des hommes. Dis-atir tend à introduire les hommes dans le monde des dieux et à les transformer en une race divine.

    Tout dévot de Dis-atir aspire à sortir de sa personne par l'extase et, dans les transports de l'enthousiasme, à se mettre en union intime avec le dieu dont il est pour un temps possédé. Le culte de Dis-atir est une source capitale de spiritualisme, par la notion d'âme qu'il contribue à dégager et à répandre. Grâce à lui l'idée s'est fait jour que l'âme apparentée au divin et plus réelle en un sens que le corps.

    Du point de vue de l'analyse Dis-atir symbolise la rupture des inhibitions, des répressions, des refoulements. Il symbolise les forces obscures qui surgissent de l'inconscient ; il est le dieu qui préside aux déchaînements que provoque l'ivresse, toutes les formes d'ivresses, celle qui s'empare des buveurs, celle qui saisit les foules entraînées par la musique et la danse, celle même de la folie, qu'il inspire à ceux qui ne l'ont pas honoré comme il convient. Il apporte aux hommes les présents de la nature. Il est le dieu aux formes multiples, le créateur d'illusions, l'auteur de miracles.

    Il symbolise alors les forces de dissolution de la personnalité : la régression vers les formes chaotiques et primordiales de la vie ; une submersion de la conscience dans le magma de l'inconscient. Il symbolise en profondeur l'énergie de la vie tendant à émerger de toute contrainte et de toute limite.



    Ambiuolcaia :

    " Pureté, netteté, virginité " telle est la traduction du mot Ociomu gravé sur la Table de Coligny en ce jour, le 4ème du mid anagantio-, au premier quartier de lune dans la constellation du verseau. Mot qui correspond assez bien, dans son interprétation, à Ambiuolcaia, expression signifiant, comme Imbolc, " autour du lavage ".

    Fête secondaire, car n'exigeant pas la participation du roi et des nobles, Ambiuolcaia est tout de même une étape importante du cycle annuel des grandes fêtes.

    Annonçant le printemps, la couleur symboliquement associée à Ambiuolcaia est naturellement le vert. Verte est la couleur du règne végétal se réaffirmant, des eaux régénératrices et lustrales, auxquelles l'immersion doit toute sa signification symbolique. Vert est l'éveil des eaux primordiales, vert est l'éveil de la vie.

    Ambiuolcaia, sous le patronage de la grande divinité féminine Brigantia, est une cérémonie de lustration et de purification par les eaux après les rigueurs et les souillures de l'hiver. On se lave, on se délivre des impuretés hivernales. " Goûter de chaque nourriture selon l'ordre, voilà ce que l'on doit faire à Imbolc ; se laver les mains, les pieds, la tête, c'est ainsi que je le dis. " (Glossaire de Cormac)

    A la même époque, en Inde, a lieu la Vasanta Panchani en l'honneur de Saraswatî, le " Flot [de la parole] ", déesse de la science, du savoir, de la sagesse, de l'éloquence, patronne des arts, de la musique et de la poésie, strict équivalent de notre Brigantia.

    Son nom, Saraswatî, vient du sanskrit saras-, celtique sara, voulant dire " fluide ", sarauos " qui coule " et, comme tel, s'applique à tout ce qui s'écoule ; à la parole et à la pensée aussi bien qu'à l'eau.

    Son nom est d'ailleurs celui d'une rivière mythique qui est censée couler invisiblement au cœur du Gange.
    " Les ondes salutaires de Saraswatî coulent pour nous protéger. La Déesse est pour nous comme une ville de fer. Elle va, aussi rapide qu'un char ; c'est un vaste torrent plus impétueux que tous les autres. Saraswatî est la première des rivière ; riche et pure, elle descend des collines pour couler jusqu'à la mer " (Rig Veda)

    Le symbolisme du fleuve, de l'écoulement des eaux, est à la fois celui de la possibilité universelle et celui de l'écoulement des formes, celui de la fertilité, de la mort et du renouvellement. Le courant est celui de la vie et de la mort. On peut considérer, soit la descente du courant vers l'océan, soit la remontée du courant. La descente vers l'océan est le rassemblement des eaux, le retour à l'indifférenciation, l'accès au Nirvâna ; la remontée est évidemment le retour à la Source divine, au Principe.

    Le fleuve d'en haut, la Gangâ, est le fleuve purificateur qui s'écoule de la chevelure de Shiva. Il est le symbole des eaux supérieures, mais aussi, en tant qu'il purifie tout, l'instrument de la libération. S'immerger dans les eaux c'est retourner aux sources, se ressourcer dans un immense réservoir de potentiel et y puiser une force nouvelle. Il apporte vie, force et pureté. " Vous les Eaux, qui réconfortez, apportez-nous la force, la grandeur, la joie, la vision ! … Souveraines des merveilles régentes des peuples, les Eaux ! … Vous les Eaux, emportez ceci, ce péché quel qu'il soit, que j'ai commis, ce tort que j'ai fait à qui que ce soit, ce serment mensonger que j'ai prêté " (Rig Veda)

    Dans une moindre mesure on pourrait même comparer le rite d'Ambiuolcaia à la Kumbha-melâ, au cours de laquelle les fidèles se baignent dans les eaux sacrées de Gangâ, pour se purifier, se laver de leur karma et s'assurer une renaissance favorable.

    On comprend mieux, dés lors, le lien unissant les Eaux à la déesse Brigantia, la " Très élevée [rivière du savoir] ", aspect du grand fleuve cosmique d'où tout vient et où tout retourne, image de Saraswatî, de Gangâ, de la Boyne, de Sequana le fleuve d'en haut qui descend verticalement, selon l'axe du monde, pour se répandre à l'horizontale à partir du centre, selon les quatre directions cardinales, jusqu'aux extrémités du monde.



    Belotennia

    Le 7ème jour du mid simiuisonna-, pour les années II, IV et V, et le 7ème jour du mid giamoni-, pour les années I et III, lors de la pleine lune du taureau est célébré la Belotennia qui, comme Belteine, signifie littéralement les " Feux Resplendissants ". " Beltine, c'est-à-dire feu bienfaisant, à savoir les deux feux que les druides faisaient avec de grandes incantations. Ils faisaient passer les troupeaux entre eux pour les protéger des épidémies chaque année…Bel étant alors le nom d'une idole : les premiers-nés de chaque troupeau étaient attribués en possession à Bel " (Tochmarc Emire)

    " Beltaine, feu de Bel, feu bénéfique, c'est-à-dire un feu que les druides faisaient par leur magie ou leurs grandes incantations ; et on amenait les troupeaux pour les protéger contre les épidémies chaque année à ses feux. Ils faisaient passer les troupeaux entre eux. " (Three Irish Glossaire)

    Gardons-nous, malgré ces textes, de voir une preuve " agraire " décisive dans le passage des troupeaux entre les deux feux. Cela n'est qu'un rite prophylactique parmi beaucoup d'autres.

    Belotennia est une fête de purification par le feu, mais c'est surtout l'exaltation du feu. C'est la fête de l'été et de la lumière. C'est sans doute à cette époque de l'année que les Gaulois, selon César, B.G. VI, 16, brûlaient de grands mannequins d'osier. Ainsi donc, le rite du feu semble avoir été l'élément constitutif essentiel de la célébration de Belotennia.

    Le feu correspond à la couleur rouge, à l'été, au cœur. Il symbolise l'esprit ou la connaissance intuitive, et a un symbole de purificateur et de régénérateur.

    On distingue deux constellations psychiques dans la symbolique du feu, suivant qu'il est obtenu par percussion ou par frottement. Dans le premier cas, il s'apparente à l'éclair et à la flèche et possède une valeur de purification et d'illumination ; il est le prolongement igné de la lumière. Il s'oppose au feu " sexuel ", obtenu par friction, comme la flamme purificatrice s'oppose au centre génital du foyer matriarcal, comme l'exaltation de la lumière céleste se distingue d'un rituel de fécondité agraire. Le symbolisme du feu ainsi orienté marque l'étape la plus importante de l'intellectualisation du cosmos et éloigne de plus en plus l'homme de la condition animale. En prolongeant le symbole dans cette direction, le feu est le dieu vivant et puissant qui dans les religions aryennes porte le nom d'Athor, d'Agni, et, chez les Celtes, d'Aegnis.

    Au niveau sacerdotal, Aegnis, le feu terrestre, symbolise l'intellect, c'est-à-dire la conscience, avec toute son ambivalence. La flamme montant vers le ciel figure l'élan vers la spiritualisation. L'intellect sous sa forme évolutive est serviteur de l'esprit. Mais la flamme est aussi vacillante, ce qui fait que le feu se prête également à figurer l'intellect en tant qu'oublieux de l'esprit.

    Le feu est également, dans cette perspective, en tant qu'il brûle et consume, un symbole de purification et de régénérescence. Mais le feu symbolise la purification par la compréhension, jusqu'à sa forme la plus spirituelle, par la lumière et la vérité.

    Cette fête, par sa place dans le calendrier, est aussi un axe. L'axe, autour duquel s'effectuent les révolutions du monde, reliant entre eux les domaines ou les états hiérarchisés en leur centre. Il s'agit d'unir les trois mondes : Terre, Atmosphère et Ciel. Précisément le centre du monde terrestre au centre du ciel en passant par le centre de l'espace qui est figuré par l'étoile polaire. Cette hiérarchie correspond elle-même symboliquement aux états de l'être. C'est le long de cet axe que s'élève vers les états supérieurs celui qui est arrivé au centre, c'est-à-dire à l'état primordial.

    L'axe du monde est, dans l'espace, l'axe des pôles ; dans le temps, l'axe solsticial. Ses représentations les plus fréquentes sont l'arbre et la montagne. Ce sont aussi le bâton, le phallus et le mât. Cet axe, ce pilier cosmique est figuré, dans les temples de l'Inde, par le mât traversant la porte du soleil. Ce pilier s'identifie par ailleurs à Indra lui-même, et aussi à Shiva, sous la forme d'une colonne ou d'un linga de feu. Le foudre, arme de Taranis, est un symbole axial, car il est une manifestation de l'activité céleste.

    Au cours de la fête hindoue de l'Indradhvaja, qui correspond à notre Belotennia, des mâts, identifié, ici encore, à Indra, sont dressés.

    Pour plaire au dieu, c'est la représentation cosmique de la puissance du feu, à la fois créateur et destructeur, ardent, mâle, instinctif et puissant ; le bélier, symbolisant la force génésique qui éveille l'homme et le monde et assure la reconstruction du cycle vital, qui est sacrifié en ce jour.

    Dans le Veda, le bélier est en rapport avec Aegnis, régent du feu, et notamment du feu sacrificiel. Dans le Yoga le manipûra-chakra, qui correspond à l'élément feu a pour allégorie le bélier. Et, selon la Bâskala mantra Upanishad, c'est sous la métamorphose d'un bélier que le sage Indra enseigne la doctrine de l'unicité du Principe Suprême. Le bélier est également la monture de la divinité hindoue Kuvera, gardienne du Nord et des trésors, ce qui n'est pas sans évoquer la Toison d'Or.

    De même, les prêtres correspondent, selon le Shatapatha Brâhmana, au bouc. " Les trois castes correspondent respectivement aux animaux suivants : bouc, cheval et âne dans la mesure où le bouc correspond au brahman (druide), le cheval au kshatriya (noble) et l'âne au vaishya (artisan) et au shûdra "

    La correspondance entre la caste sacerdotale et le bouc servait à évoquer une certaine forme d'association, désormais incomprise, avec le capricorne, donc avec le septentrion, la porte des dieux, symbole de la fin d'un cycle et, surtout, du début d'un cycle nouveau.

    On comprendra dés lors, que le feu, que Belotennia la fête des feux brillants, soit la fête sacerdotale par excellence, patronné par Taranis, le dieu porte foudre.

    Il est même possible de penser que quand César évoque l'assemblée des druides chez les Carnutes, elle eue lieu en ce jour.



    Luginaissatis :

    Le 7ème jour du mid edrini-, pour les années II, IV et V, et le 7ème jour du mid elembiu-, pour les années I et III, le jour de la pleine lune du lion, représentant la royauté, est proclamée l'ouverture de la Luginaissatis. Nommée Lugnasad en Irlande, cette fête est une hiérogamie, une " assemblée " obligatoire, car tel est le sens de Nasad.

    " Lugnasad, jour ou foire dont le nom est nasad, c'est-à-dire solennité ou jeux de Lug, fils d'Eithne, institués par lui au commencement de l'automne. " (Three Irish Ireland)

    " Lug à la longue main, fils de Cian, fils de Diancecht, fils d'Easar Breac, fils de Ned, fils d'Iondaoi, fils d'Allaoi, eut pendant quarante ans la royauté d'Irlande. C'est Lug qui fonda l'assemblée de Tailtiu en commémoration annuelle de Tailtiu, fille de Madhmor. Elle était la femme d'Eochu fils d'Erc, dernier roi des Fir Bolg, et après cela elle fut la femme d'Eochu le Rude, fils de Dui l'Aveugle, prince des Tuatha Dè Dànann. C'est par cette femme que Lug à la longue main fut nourri et élevé jusqu'à ce qu'il fut capable de porter les armes ; c'est pour honorer sa mémoire que Lug institua les jeux de l'assemblée de Tailtiu, quinze jours avant et quinze jours après, en ressemblance des jeux nommés " Olympiades ". Et c'est cette commémoration instituée par Lug qu'on appelle Lugnasad le premier jour des calendes d'août, nasad ou commémoration de Lug. " (History of Ireland)

    " Ô nobles du pays de Conn le Beau, attendez un peu une bénédiction jusqu'à ce que je vous aie dit la vieille histoire de l'institution de la foire de Tailtiu, fille de Magmor l'aimable, fils d'Eochu le rude, fils de Dui l'aveugle, vint ici avec l'armée des Fir Bolg, à la forêt de Cuan après une grande bataille…Grand l'exploit qui y fut accomplit à l'aide de la hache par Tailtiu ; faire des pâturages de ce qui était exactement une forêt, c'est ce que fit Tailtiu, fille de Magmor. Quand la belle forêt eut été abattue avec ses racines, jusqu'à la terre, avant la fin de l'année ce fut Bregmar ; une plaine fleurie de trèfle… Long souci, de Tailtiu après le lourd travail. Elle dit aux hommes dans sa maladie, qu'ils devaient faire une action zélée, des jeux funèbres pour la pleurer. Elle mourut aux calendes d'août ; autour de sa tombe depuis ce lundi-là a lieu la première assemblée de la belle Irlande. Elle a fait une prophétie véritable, Tailtiu au côté brillant, dans son pays : aussi longtemps qu'un prince la reconnaîtrait, l'Irlande ne serait pas sans perfection de chant. Une assemblée avec de l'or, avec de l'argent, avec des jeux, avec la musique des chars, avec l'ornement du corps et de l'esprit par le savoir, par l'éloquence. Une assemblée sans blessure, sans mensonge de quiconque, sans injure, sans querelle, sans pillage, sans contestation, sans réclamation, sans dispute, sans assemblée légale, sans évasion, sans arrestation, sans reproche, sans ruse, sans honte, sans dispute, sans saisie, sans vol, sans rachat…C'est la grande amitié de l'assemblée par l'Irlande et l'Ecosse, que les hommes y aillent et en viennent sans aucune inimité méchante. " (Dindshenchas métrique)

    L'assemblée de Lugus, dans la roue zodiacale, correspond à la saison des moissons où l'évolution printanière s'est achevée, et va laisser la place à l'involution automnale. Elle est un signe centripète comme la couleur bleue, qui va dépouiller la terre de son manteau de verdure, la dénuder, la dessécher. C'est le moment de la fête de Talantio, de la Mère.

    " Tailtiu d'où vient le nom ? Ce n'est pas difficile. Tailtiu, fille de Magmor, femme d'Echad le rude, fils de Duach le sombre, c'est elle qui fit la forteresse des Otages à Tara. Elle était nourrice de Lug, fils de Scal le muet. C'est elle qui demanda à son mari de défricher la forêt de Cuan pour qu'on tint une assemblée autour de son tombeau. Puis elle mourut aux calendes d'août. Sa plainte et ses jeux furent célébrés par Lugaid, d'où nous disons Lugnasad " (Dindshenchas de Rennes)

    Il est clair que la divinité dont on recherche les faveurs a un caractère chtonien. Le nom même de Tailtiu est caractéristique : Tailtiu, génitif Tailten, remonte à *Talantio, dérivé du même terme que talamh, le terme courant pour la terre en irlandais : *tala-mo, génitif talmhan, *talamon(os) : la racine est Tal-. Tailtiu et Trogan, nom de la terre au sens très précis de " productrice ", sont synonyme. " Trogan est évidemment la productrice, la terre féconde, tandis que talamh est le sol, la force de la terre. Il n'' a donc aucun doute que le mois d'août n'ait été, chez les anciens Irlandais, le mois consacré à la Terre-Mère. " (J. Loth)

    Sa correspondance indienne est la fête de Tîj, célébrée au mois d'août, et consacrée à la déesse Pârvatî, la puissance de procréation. Aspect spatial, permanent et paisible, Pârvatî, la Fille-de-la-Montagne-Polaire (l'axe du monde) de laquelle jaillit l'énergie terrestre, est une aimable déesse.

    Mais nous discernons en Talantio beaucoup plus qu'une simple déesse éponyme : Talantio est l'Irlande concentrée en un point que nous appellerions volontiers l'Omphalos royal.

    En cette occasion on procède au rite d'Epomequos, équivalent celtique de l'Ashvamedha indien, le Sacrifice-du-Cheval.

    " Outre leur parenté structurelle évidente, le rapprochement est garanti par l'existence dans le lexique gaulois d'un epomequos sémantiquement identique à l'ashvamedha védique " (C. Sterckx)

    Cette garantie est particulièrement fiable : epo- et asvha- désignent bien le cheval, en gaulois et en sanskrit. De même -mequos s'identifie à -medha. Le gaulois -mequos qui veut dire " en morceau " évoque, tout comme le mot sanskrit , l'idée de sacrifice.

    " …Il existe dans la partie septentrionale la plus éloignée de l'Ulster, près de Kennelcunnil, une peuplade accoutumée, par un rite barbare, à se donner un roi de la façon suivante : toute la population s'étant rassemblée au même endroit, on amène au milieu de l'assistance une jument blanche. Et celui que l'on va élevé à la dignité de prince s'unit à l'animal. La jument est tuée aussitôt après et cuite par morceaux dans l'eau qui servira de bain au roi. Tout en se baignant il mange les morceaux de viande qu'on lui présente. Cela accompli, sa souveraineté et son autorité sont consacrées. " (Giraud de Cambrie)

    Cette description, bien qu'inversée par rapport à l'Asvhamedha indien (en Inde c'est la reine qui s'accouple symboliquement avec un étalon) est conforme aux préceptes celtes qui veulent que se soit la Terre-Mère qui octroie la souveraineté au futur prince en lui faisant " l'amitié de sa cuisse ".

    Ce sacrifice, enchaînant symboliquement les principes Terre-Mère, Lune-Eau, Sexualité-Fertilité, Végétation-Renouveau périodique permet de découvrir qu'aux fils des temps les divinités chtoniennes deviennent, dans les civilisations de cultivateurs, des divinités agraires. Le cheval ne fait pas exception à la règle. A Rome, lors de l'October equus, on sacrifié, au lendemain des récoltes un cheval dédié à Mars. Sa tête était garnie de grains en remerciement de la moisson engrangée tandis que la queue de l'animal était portée à la maison du roi avec grande célérité.

    En Celtie, c'est Maria-Talantio la déesse Terre, la Jument-blanche qui assure par son sacrifice la pérennité et le bien-être matériel de son peuple. La commémoration perpétuelle et les jeux funèbres, les courses de chevaux, le marché, les concours de poésie sont la garantie et la contrepartie de ce bien-être. La non-célébration de la fête est une cause de calamité et c'est au prince régnant de veiller à ce que rien de tel ne se produise.

    Le prince agit comme moteur de la fête, et ce dernier agit en roi honorant en Talantio la Terre-Mère qui assure la subsistance de la Souveraineté. La fertilité n'intervient qu'indirectement, à travers et par le roi, dans la liturgie calendaire. C'est le roi qui est visé le tout premier : le souverain qui ne célèbre pas la Luginaissatis est l'archétype du mauvais roi, laid physiquement et moralement, qui réduit ses sujets à la misère, les accables d'impôts et s'abstient de la fonction royale essentielle : le don.

    Luginaissatis placée au moment des récoltes doit faciliter la tâche du roi mais il n'a pas le droit d'y faillir.

    Voilà pourquoi en ce jour on prie, non pas le dieu Lugus, mais la déesse Maria-Talantio, la " Plus-grande-Terre ", mère nourricière de Lugus.

    " Ce fut Lughaid à la longue main qui créa le premier l'assemblée de Tailtiu en commémoration annuelle de sa propre nourrice Tailtiu, fille de Maghmor et femme d'Eochaid, fils d'Erc, dernier roi des Fir Bolg comme nous l'avons dit plus haut, quand Tailtiu eut été ensevelie par Lughaid sous cette colline il fonda la foire de Tailtiu en souvenir d'elle. C'est pour cette raison qu'on appela Lughnasadh, c'est-à-dire nasadh ou commémoration de Lugh. " (History of Ireland)

    En résumé les relations de Lugus et de Talantio s'inscrivent dans le cadre d'une fête royale obligatoire, protectrice, garantissant la paix et l'abondance.
    Cette assemblée, selon les dates retrouvées sur la Table de Coligny, elle-même, durait très précisément dix-neuf jours.


    Le 10ème jour de l'atenouxtion du mid edrini-, pour les années II, IV et V, et le 10ème jour de l'atenouxtion du mid elembiu-, pour les années I et III, la mention Sindiu est là pour nous rappeler qu'un événement, la fermeture de la Luginaissatis, a bien lieu " aujourd'hui ". En ce dernier jour d'assemblée le roi procédait au partage ; ancienne coutume de la redistribution annuelle des biens communs du groupe, des terres de la tribu entre les hommes adultes.

    Comme nous venons de le voir ce n'est pas le dieu Lugus qui est fêté lors de cette assemblée mais bien sa nourrice : la déesse Maria-Talantio.

    Le dieu Lugus, lui, est célébré, suivant la Table de Coligny, tout les cinq ans.


    Lugouos :

    Au cours de l'année V du lustre, le 2ème jour du mid anagantio-, lors du premier quartier de lune a lieu le Lugouos " Celui-de-Lugus "

    " … En effet, les malfaiteurs qu'ils ont gardé prisonniers pendant cinq ans, ils les empalent en l'honneur des dieux et avec beaucoup d'autres offrandes les sacrifient en d'immenses bûchers qu'ils ont préparés à cet effet. " (Diodore de Sicile)

    De même, tous les cinq ans, à Rome, était offert un sacrifice expiatoire pour la purification du peuple romain ; le Lustrum. Par la suite, sous l'Empire, ce sacrifice fut remplacé par des jeux publics. Nous pouvons aussi, par analogie, le comparer à la cérémonie indienne de la Kuzhi Maatru Triruvisha, observée tous les cinq, où une centaine d'enfants sont enterrés vivants pendants une minute, pour solliciter la grâce des dieux. Bien qu'aujourd'hui il serait plus juste de la comparée à la Vishnou sahasranaman, rituel des 1008 nom du dieu Vishnou, correspondant en mode indienne du dieu Lugus.

    En ce jour, qui requière la participation de tous, nous célébrons réellement le dieu Lugus, l'Omniprésent, l'Immanent, représentant la perception de la Loi-cosmique qui est présente en toutes choses dans l'Univers et qui est révélée à l'homme par une illumination, que nous appelons Savoir et qui est comparée à la lumière du soleil, traversant en trois enjambées les sept régions de l'Univers.







    Solstice :

    Certains affirment que ce sont les populations pré-celtiques qui furent à l'origine des fêtes solsticiales et équinoxiales. Que les seules fêtes druidiques majeures sont celles des quatre temps celtiques. Et que c'est du pseudo-druidisme que d'organiser des manifestations cultuelles aux solstices ou équinoxes.

    J'ai moi-même pendant longtemps pensée de la même façon. Jusqu'au jour où un ami m'a dit qu'il avait été surpris, à la lecture de ma thèse calendaire druidique, de l'absence de lien entre les fêtes druidiques et les solstices et équinoxes. Qu'il avait l'impression, en célébrant en ces temps, de perpétuer une lignée. J'ai donc, suite à ça, repris la lecture de la Table de Coligny et, me suis aperçu que les quatre fêtes du mid riuros, c'est-à-dire les trois rites sacerdotaux : Deuortomos iugo, Petima uxa I, Petima uxa II et Brigiomu s'articulent autour du solstice d'hiver et couvrent la période dite des Douze jours qui va du 25 décembre (Noël) au 6 janvier (jour de l'Epiphanie).

    Pour ce faire la célébration de la Petima uxa I est amovible. C'est-à-dire qu'elle avance d'un mois au cours des années I et IV pour se positionner approximativement le jour de l'ascension du soleil, c'est-à-dire environ trois jours après le solstice d'hiver, soit aux alentours du 25 décembre.

    Durant le 2ème lustre du 3ème siècle du 9ème cycle de l'ère de Catui Iuga, ces quatre célébrations se répartissent comme suit :



    Année I (5106) :


    Mid dumann- 8a Petima uxa I (27-12-00) < Noël
    Mid riuros 4 Brigiomu (06-01-01) < Epiphanie
    13 Deuor. iug. (15-01-01)
    10a Petima uxa II (27-01-01)



    Année II (5107) :


    Mid riuros 4 Brigiomu (27-12-01) < Noël
    13 Deuor. iug. (05-01-02) < Epiphanie
    8a Peti. ux. (15-01-02)
    10a Peti. ux. (17-01-02)


    Année III (5108) :


    Mid riuros 4 Brigiomu (15-12-02)
    13 Deuor. iug. (24-12-02) < Noël
    8a Peti. ux. (03-01-03)
    10a Peti. ux. (05-01-03) < Epiphanie


    Année IV (5109) :


    Mid dumann- 8a Peti. ux. (25-12-03) < Noël
    Mid riuros 4 Brigiomu (04-01-04) < Epiphanie
    13 Deuor. iug. (13-01-04)
    10a Peti. ux. (25-01-04)


    Année V (5110) :


    Mid riuros 4 Brigiomu (24-12-04) < Noël
    13 Deuor. iug. (02-01-05) < Epiphanie
    8a Peti. ux. (12-01-05)
    10a Peti. ux. (14-01-05)




    Nous avons là les traces d'un sacrifice aux alentours du solstice d'hiver. Confirmé par bon nombres de commentateurs et spécialistes qui, en se basant sur les textes védiques arrivent, pour les uns, à la conclusion que dans le plus antique calendrier, l'année commençait au solstice d'hiver, et pour les autres, que le plus ancien système de calendrier était équinoxial.

    Selon Lokamanya Bâl Gangâdhar Tilak " les anciens Arya commençaient originellement leur année, qui était luni-solaire et sidéral, par l'équinoxe vernal, et que, lorsque son début fut décalé au solstice d'hiver, les deux points de repère furent maintenus, l'un pour les besoins sacrificiels (solstice), l'autre pour les besoins civils (équinoxe). "

    Bizarreries d'interprétations qui fut, d'ailleurs, adroitement résolu par les druides en faisant commencer notre année ni aux solstices ni aux équinoxes, tout en maintenant une certaine référence aux deux point de repères (nous commençons l'année après l'équinoxe d'automne pour tous les besoins civils, mais toutes les cérémonies religieuses continuent à être accomplies à partir du solstice d'hiver). Mais là n'est pas le sujet. Ce qui est intéressant de soulever est le pourquoi de la célébration de cette antique référence astronomique.

    Les sacrifices, ou plutôt le système d'offrande aux dieux, existait depuis l'époque la plus reculée, et de fait, le système a subi d'importantes modifications lorsque les races aryennes ont migré de la zone arctique à la zone tempérée. Mais les prêtres, très conservateurs, ont maintenu dans la mesure du possible, malgré les changements, les traditions de l'ancienne année dans les rites sacrificiels.

    Ce point dans l'année - Solstice d'hiver, début des sacrifices - nous renvoie, par son interprétation, à la création du monde, à la construction de l'univers, à l'acte cosmogonique.

    Or quel est le programme du Démiurge celtique ?
    En tout premier lieu il doit libérer les Vaches, car celles-ci recèlent en leur sein le germe de toutes choses. En second lieu il lui faut séparer le Ciel et la Terre, étayer le ciel, permettre à la lumière (le Soleil, les Aurores, le Feu sacrificiel) de briller. Enfin, en troisième lieu il lui faut organiser l'espace.

    Dans le Rig Veda le mythe cosmogonique prend la forme d'une histoire où l'on voit un champion, suscité par ses pairs, affronter un dragon qui tient prisonnières les Vaches primordiales et le Germe qu'elles portent en elles. Par sa victoire, le héros libère les Vaches qui permettent aux forces-de-vie de se manifester. Le Germe éclôt, la lumière se diffuse, le monde s'organise, le temps s'inaugure, l'espace se déploie, les dieux commencent à jouer leur rôle ; chaque chose, chaque être, trouve sa place dans un univers parfaitement " ajusté ".

    Voilà ce que décrivent les trois sacrifices sacerdotaux. Lors du premier sacrifice, Deuortomu iugo, le héros, Taranis, tue le dragon et ouvre la voie aux Mères. Dans le second, Petima uxa I, le Germe, dans un état virtuel n'est pas encore visible mais pressenti. Dans le troisième et dernier sacrifice solsticial, Petima uxa II, la Bouinda donne naissance à la lumière, au dieu-soleil qui, grandissant jour après jour, refoulera les ténèbres.

    Mais avant de partir accomplir ces hauts faits dans le monde inférieur, dans le monde obscure où sont retenues les Vaches, le héros doit se munir du rameau d'or qui le protègera, durant ses pérégrinations, des maléfices du dragon.
    Le rameau d'or est à rapprocher du rameau vert, qui est un symbole universel de régénérescence et d'immortalité. Le rameau d'or est la branche de gui, dont les feuilles vert pâle se dorent à la saison nouvelle.

    Virgile place un tel rameau dans les mains d'Enée, pour la descente aux Enfers. " un rameau, dont la souple baguette et les feuilles d'or, se cache dans un arbre touffu, consacré à la Junon infernale. Tout un bouquet de bois le protège, et l'obscur vallon l'enveloppe de son ombre. Mais il est impossible de pénétrer sous les profondeur de la terre avant d'avoir détaché de l'arbre la branche au feuille d'or… Enée, guidé par deux colombes, se met à la recherche de l'arbre au rameau d'or dans les grands bois et soudain le découvre dans les gorges profondes " (Enéide)

    Muni de ce précieux rameau, il pourra désormais visiter les Enfers.

    Un rite de la cueillette du gui est à observer ; le rameau ne doit pas être coupé avec un tranchant de fer. L'usage du fer est interdit dans la plupart des rites religieux, car il est censé chasser les esprits ; il ôterait au rameau de gui ses propriétés magiques. Aussi, cette branche, est-elle solennellement coupée par un druide, sur un chêne, avec une serpe d'or, le quatre du mois de riuros, le jour de Brigiomu, au premier quartier de lune réalisé.

    " Il est très rare de trouver ainsi le gui, et quand on le trouve, on le cueille dans une grande cérémonie religieuse, le sixième jour de la lune… On choisit ce jour parce que la lune y a déjà une force considérable, sans être cependant au milieu de sa course. Ils appellent le gui d'un nom qui signifie " celui-qui-guérit-tout ". Après avoir préparé un sacrifice au pied de l'arbre, on amène deux taureaux blancs dont les cornes sont liées pour la première fois. Vêtu d'une robe blanche, le prêtre monte à l'arbre, coupe avec une faucille d'or le gui qui est recueilli dans un linge blanc. Ils immolent alors les victimes… " (Pline l'Ancien)

    Le rameau d'or est le symbole de cette lumière, qui permet d'explorer les sombres cavernes des Enfers sans péril et sans y perdre son âme.

    Nous pouvons donc dire, à la suite de ses observations, que lorsque le début de l'année fut décalé de l'équinoxe au solstice, puis remanié afin de ne privilégier aucun des deux systèmes, mais favoriser la devise du " juste milieu ", les druides n'en déplacèrent pas pour autant les célébrations. Les deux systèmes continuèrent à coexister avec le nouveau système, jusqu'à ce qu'ils fussent graduellement assimilés à celui-ci.

    Il n'est donc pas faux, contrairement à ce que certains ont pu dire, d'organiser des manifestations cultuelles, du moins au solstice d'hiver.





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