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Cyrano de Bergerac (1897)

Edmond Rostand

Edmond Rostand est né à Marseille en avril 1868, dans une famille bourgeoise et cultivée. Il commence sa carrière littéraire comme essayiste et poète puis onnaît des débuts difficiles au théâtre. Son grand succès reste néanmoins Cyrano de Bergerac joué pour la première fois en 1897 devant un public enthousiaste. En 1900, la publication d'un second drame intitulé L'Aiglon consolide sa réputation. À la fin de sa vie, l'écrivain tourne le dos aux honneurs qui lui sont faits et se retire à Cambo, dans le Pays basque. Il meurt à Paris en 1918.

Ses contemporains ont vu en lui un héritier du théâtre romantique de Musset ou de Hugo. Le public d'aujourd'hui est, en revanche, davantage séduit par l'originalité de sa dramaturgie et la truculence de sa fantaisie verbale.


Cyrano de Bergerac

Edmond Rostand s'est assez peu soucié de l'identité du véritable Cyrano de Bergerac, écrivain du XVIIe siècle. Le Cyrano qu'il met en scène est d'abord un personnage de fantaisie. Il appartient au corps militaire des Cadets de Gascogne et s'est forgé la réputation d'être, à la fois, vaillant combattant et fin rhétoriqueur. Affligé d'un nez démesurement long, Cyrano est l'objet de multiples sarcasmes. Provoqué par le vicomte de Valvert à propos de son nez, il improvise ce monologue.



Ah! non! c'est un peu court, jeune homme!
On pouvait dire.. Oh! Dieu!... bien des choses en somme...
En variant le ton, -par exemple. tenez:
Agressif: "Moi, monsieur, si j'avais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que l'on me l'amputasse!"
Amical: "Mais il doit tremper dans votre tasse!
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap!"
Descriptif: "C'est un roc! c'est un pic! c'est un cap!
Que dis-je, c'est un cap? C'est une péninsule!"
Curieux: "De quoi sert cette oblongue capsule?
D'écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux?"
Gracieux: "Aimez-vous à ce point les oiseaux
Que paternellement vous vous préoccupâtes
De tendre ce perchoir à leurs petites pattes?"
Truculent: "Ça, monsieur, lorsque vous pétuneux,
La vapeur du tabac vous sort-elle du nez
Sans qu'un voisin ne crie au feu de cheminée?"
Prévenant: "Gardez-vous, votre tête entraînée
Par ce poids, de tomber en avant sur le sol!"
Tendre: "Faites-lui faire un petit parasol
De peur que sa couleur au soleil ne se fane!"
Pédant: "L'animal, seul, monsieur, qu'Aristophane
Appelle Hippocampelephantocamélos
Du avoir sous le front tant de chair sur tant d'os!"
Cavalier: "Quoi, l'ami, ce croc est à la mode?
Pour pendre son chapeau, c'est vraiment très commode!"
Emphatique: "Aucun vent ne peut, nez magistral,
T'enrhumer tout entier, excepté le mistral!"
Dramatique: "C'est la mer Rouge quand il saigne!"
Admiratif: "Pour un parfumeur, quelle enseigne!"
Lyrique: "Est-ce une conque, êtes-vous un triton!"
Naïf: "Ce monument, comment le visite-t-on?"
Respectueux: "Souffrez, monsieur, qu'on vous salue,
C'est là ce qui s'appelle avoir pignon sur rue!"
Campagnard: "Hé, ardé! C'est-y un nez? Nanain!
C'est queuqu'navet géant ou ben queuqu'melon nain!"
Militaire: Pointez contre cavalerie!
Pratique: Voulez-vous le mettre en loterie?
Assurément, monsieur, ce sera le gros lot!
Enfin, parodiant Pyrame en un sanglot:
"Le voilà donc ce nez qui a des traits de son maître
A détruit l'harmonie! Il en rougit, le traître!"
-Voilà ce qu'à peu près, mon cher, vous m'auriez dit
Si vous aviez un peu de lettre et d'esprit:
Mais d'esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n'en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n'avez que les trois qui forment le mot: sot!


Acte I, scène 4.

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