Il a existé trois sortes de pirates. Trois noms différents mais parfois étroitement associés. Essayons cependant, dans l'absolu, de les différencier tout en sachant qu'ils sont souvent très proches.
Les repaires de flibustiers se comptent par dizaines! Beaucoup de capitaines ont leur refuge personnel favori. Monbars à St-Barthélémy pendant quelques temps. De Graaf à Port-de-Paix dans le nord de Haïti et juste en face de l'île de la Tortue.
Les gouverneurs de nombreuses petites îles accueuillent avec plaisir les flibustiers. Pour commencer, les flibustiers leur remettent une part du butin. Ensuite, les pays pour lesquels ils gouvernent leur île ne leur envoie presque rien pour la défendre. La présence de bon nombre de flibustiers est leur meilleure protection contre une attaque.
En plus de ces repaires, les flibustiers ont des lieux de rassemblement. L'île à Vache au sud de Haïti d'où part de très grandes expéditions. Les archipel de San Blas ou de Boca del Toro où il est facile de se cacher parmi des centaines d'îles. Les lieux de rassemblement sont choisis parce qu'on y trouve de la nourriture en abondance et qu'on peut y réparer les navires.
Mais les vrais grands repaires de forbans sont au nombre de trois. Kingston, l'actuelle capitale de la Jamaïque appelée à l'époque Port-Royal. C'est le plus immense rammassis de crapules, de forbans, d'égorgeurs qui eut jamais existé. Presque tous les flibustiers importants y ont séjournés au moins pendant quelque temps. Certains comme Morgan y ont fini leurs jours riches et puissants. D'autres comme Rock Brasiliano y ont terminés leurs vies ruinés et mendiants dans les rues.
Nassau, aujourd'hui lieu de vacances priviliégié des gens riches, est après 1700 la capitale des pirates des Antilles. Les plaisirs et la débauche y sont tels, raconte-t-on, qu'en mourant un pirate ne souhaite pas aller au ciel, mais retourner à Nassau!
Mais le premier grand repaire fut l'île de la Tortue, ou Tortuga. C'est une petite île escarpée de 300 km2 située au nord d'Hispaniola (aujourd'hui Haïti) dont elle séparée par un bras de mer large d'une dizaine de kilomètres. Elle doit son nom à une montagne dont la forme ressemble de loin à une tortue au repos. La Tortue fascine parce qu'aujourd'hui cet endroit n'a plus aucune importance. Alors que pendant 50 ans, La Tortue a été le centre de la flibusterie.
Et quand on dit repaires, il ne faut pas imaginer des endroits de tout repos. Pour commencer, les habitants sont grouillants et bagarreurs. Pire encore, les Espagnols et d'autres font de leur mieux pour chasser les flibustiers. Regardons seulement comment cela s'est déroulé pour la Tortue:
En 1625, un gentilhomme normand, Belain d'Esnambuc, avec 80 français s'installe à La Tortue pour en faire le repaire dont les flibustiers ont besoin pour attaquer les convois espagnols.
Belain d'Esnambuc est chassé par l'amiral Fadrique de Toledo. Mais en 1630, il reprend possession de l'Ile de la Tortue. La petite colonie compte bientôt en six villages, (Basse-terre, Cayonne, la Montagne, le Milplantage, le Ringot et la Pointe-au-Maçon).
En 1638, les Espagnols reviennent en force sur l'île.
En 1639, les Anglais commandés par le capitaine Wallis chassent les espagnols.
En 1640, un gentilhomme protestant, Le Vasseur, reprend l'île au nom de la France. Il fait construire le fort de La Roche. L'île devient très prospère. Les flibustiers y trouvent tout ce dont ils ont besoin; poudre munitions, vivres, rhum, femmes, mets abondants, tripots....
En 1645, les espagnols échouent dans une tentative de reprendre possession de l'île.
En 1652, Le Vasseur est assassiné. Il est devenu un tyran sadique. Le Chevalier Henry de Fontenay le remplace. Les attaques contre les possessions espagnoles augmentent encore.
En 1654, de Fontenay doit se rendre à Don Gabriel Rozas de Valle Figueroa après avoir défendu l'île avec honneur.
En 1656, Jérémie Deschamps du Rausset, obtint du roi de France, le titre de lieutenant du roi en l'île de la Tortue qui est toujours occupée par les espagnols.
En 1659, après trois ans de préparatifs, il reprend possession de la Tortue.
En 1654, du Rausset doit la rétrocéder à la Compagnie des Indes Occidentales en 1664.
À partir de ce moment, la Tortue reste une possession de la France. Plusieurs gouverneurs se succèdent qui tentent tour à tour de stabiliser la population de l'île en faisant venir des colons et des femmes. L'île de la Tortue sert à protéger les établissements français de la Haute-Terre (Haïti/Saint-Domingue).
À partir de 1683, Pierre-Paul Tarin de Cussy prend la charge d'exécuter les instructions de Louis XIV de réduire la flibuste jugée trop turbulente et gênante pour les manoeuvres diplomatiques de la France en Europe. Il offre par exemple un poste important à Grammont. Il nomme De Graaf chef de la police. Mais beaucoup de flibustiers partent courir fortune ailleurs. À partir de 1700, les flibustiers français se joignent à leurs frères anglais de la Jamaïque. L'île de la Tortue n'a plus d'utilité. Elle retourne à l'état d'île déserte.