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LE NÉCRONOMICON

Par delà les portes du sommeil gardées par des goules,
Après les abîmes de la nuit à la nuit blafarde,
J'ai vécu des vies nombres,
J'ai sondé du regard toutes choses ;
Et je me débats et je crie jusqu'au lever du jour,
Poussé à la folie par l'épouvante.

J'ai tournoyé avec la terre au commencement des Temps,
Lorsque le ciel était une flamme vaporeuse;
J'ai vu le sombre univers béant
Ou les noires planètes roulaient sans but,
Ou elles tourbillonaient, dans leur horreur inaperçues,
Sans connaissance, lustre ou nom.

J'ai derivé sur des océans sans fin,
Sous des cieux sinistres aux nuages gris
Que déchiraient les éclairs aux nombreux zigzags,
Qui résonnaient de cris hystériques,
Des gémissements de démons invisibles
surgissant des eaux verdatres.

J'ai parcouru les caveaux des siècles,
Porté par les ailes de la peur, j'ai survolé
L'Erèbe vomissant de la fumée avec rage;
Des montagnes enneigés et lugubres;
Et des royaumes ou le soleil du desert consume
Ce qui ne peut jamais égayer

Assis dans un vallon parmi les bois
Près d'un cours d'eau bordé de roseaux
Un jour je méditais, puis je m'assoupis
Et bientôt me mis à rever

Du ruisseau une forme se dressa
Mi-homme et mi-bouc
Des sabots il avait au lieu de pieds
Et une barbe ornait sa gorge

Sur un pipeau rustique
Cet homme hybride jouait une douce mélancolie
Et j'oubliai tous les besoins terrestres,
Car je savais que c'était Pan.

Nymphes et satyres accoururent
Pour écouter la musique pleine d'entrain.
Trop tôt je me réveillai, Hélas,
Et m'en retournai vers les demeures des hommes.
Comme j'aimerais vivre dans les vallons champêtres
Et entendre à nouveau la flûte de Pan.