LA REALITE DU PENTATEUQUE
ou TORA CHEZ LES JUIFS

A travers la minutieuse construction littéraire du Pentateuque, on retrouve les traditions léguées par la personnalité et les actes d'Abraham (milieu du XIX s. avant J.Chr.) et d'autres patriarches, jusqu' à la mort de Moïse (milieu du XIII s. avant J.Chr.), c'est à dire s'étendant sur six cents ans environ. Pendant près de six siècles, elles ont circulé dans les mémoires orales, ont été méditées et enrichies par des expériences, par la foi et par la sagesse de chaque nouvelle génération d'Israélites.

Grâce à ce recueil le peuple juif a reçu pendant des siècles en héritage une conscience de sa théologie et de son histoire, englobant une préhistoire de l'humanité(Gn 1-11), sa propre préhistoire, c'est à dire une vision de son passé avant d'exister comme nation (Gn 12-50), et enfin sa naissance et la stabilisation de son histoire (Wj-Dt).

Aucune autre civilisation antique n'a créé une pareille synthèse de sa théologie et de son historique. Aucune n'a attaché une telle importance à son passé. Avec la déportation à Babylone, la nation -loin de sa propre terre- cessa de pouvoir exprimer sa foi en des formes jusqu'alors bien établies, tels les pèlerinages, les sacrifices ou la prière dans le Temple.

Après la destruction du Temple la prière recoit encore plus de valeur indépendante, sans lien direct avec les sanctuaires, les sacrifices et les prêtres. Ainsi se constituèrent les fondements de l'institution de la synagogue. La reconstruction du Temple de Jérusalem a été entreprise bien après le retour de l'exil (537), sa consécration et le rétablissement complet du service de Dieu n'eurent lieu qu'en 515 avant J.Chr.

Le Pentateuque, qui dans cette période faisait l'objet d'une rédaction définitive, a ainsi remplacé le Temple, et malgré sa reconstruction a continué à marginaliser le rôle de ce dernier. Il est à noter, que dans la description de la Fête des Tentes(Ne 8-9), en 444 avant J.Chr., présidée par le prêtre Esdras, il est fait mention de la prière et de la lecture de la Tora, comme cela était et est pratiqué dans les synagogues, sans lien avec le culte exercé par les prêtres.

Le Pentateuque est donc une immense mise en valeur du rôle des laïcs, qui dorénavant devenaient encore plus responsables de la connaissance et de la pratique de la foi. Le Livre a été une réponse à deux besoins essentiels: le besoin de sauvegarde de l'héritage spirituel de la Tradition du Peuple de Dieu et le besoin d'une autorité. C'est pourquoi ces textes ont toujours été accueillis comme normatifs pour la foi. Cela signifie leur canonisation.

Dans la Tradition toujours existait une tension entre une vision universelle, c'est à dire la vision de Dieu comme Seigneur de la nature et de l'histoire de l'humanité, et le particularisme, c'est à dire une conscience de l'élection d'Israël, de son rôle spécifique et sa mission. L'écriture a permis d'obtenir un équilibre et une unification : ainsi les deux aspects sont en elle présents et harmonieusement liés. Le rôle du Pentateuque grandissait grâce au travail des copieurs et la propagation du texte. L'oeuvre n'était plus gardée dans le Temple, où son accès était réservé aux prêtres. Son contenu était désormais transmis à chaque fidèle. Les Livres saints pouvaient faire connaître à tous les Israélites les détails de leur religion et la volonté de Dieu. Le clergé était sinon banni du moins réduit à un rôle secondaire dans la propagation de la foi et des principes judaiques.

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