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Le Rocket ne voulait jamais perdre

Pas facile d'écrire un article original sur Maurice Richard. Depuis le milieu des années 1940 qu'il fait les manchettes et qu'on parle de ses exploits comme joueur de hockey.

Maurice Richard, c'est un monument inattaquable, un héros de chez nous au même titre que Félix Leclerc ou René Lévesque. Il a marqué nos vies, celles de nos parents et de nos grands-parents.
Il se plaisait à dire qu'il n'était rien d'autre qu'un joueur de hockey, mais n'était pas un athlète comme les autres. C'est pour ça que sa légende n'a jamais cessé de grandir avec les années.
Le Rocket a été au hockey ce que Babe Ruth a été au baseball et ce qu'Arnold Palmer a représenté pour le golf. Un homme presque plus grand que son sport. Un personnage plus grand que nature.
Ce n'est pas par hasard qu'on lui accord une ovation de sept minutes lors des cérémonies de fermeture du Forum de Montréal, en mars 1996. Ce soir-là, tout le monde s'est levé d'un trait pour saluer un homme qui a popularisé son sport, causé une émeute dont on parle encore de nos jours et servi d'inspiration à tout un peuple: un moment magique dans l'histoire du sport.

Par l'exemple

Jean-Guy Talbot, un athlète de Cap-de-la-Madeleine qui a connu une longue carrière dans la Ligue nationale, a joué en compagnie de son idole de jeunesse durant cinq ans et il a gagné la coupe Stanley cinq fois de suite (1956-60).
"Ce que je retiens le plus de Maurice, c'est sa fougue et son désir de vaincre, dit-il. Il ne parlait pas beaucoup, mais ses yeux disaient tout. Il prêchait par l'exemple et il poussait ses coéquipiers à se surpasser.
"De la ligne bleue au filet adverse, il était comme un bulldozer. Il n'avait qu'une idée en tête: couper vers le filet et déjouer le gardien adverse. "
Selon Talbot, c'est le Rocket qui a popularisé le hockey un peu partout au Canada et dans plusieurs villes américaines, à la fin des années 1940.
" Les gens affluaient de partout pour voir jouer ce phénomène. Premier compteur de 50 buts en une saison, c'est lui qui a bâti la Ligue nationale et la dynastie du Canadien. Dans mon livre, il est Monsieur Hockey, encore plus que Gordie Howe".
Entre 1979 et 1996, Talbot a fait de nombreux voyages avec les Légendes du Hockey. La plupart du temps, c'est Maurice Richard qui agissait comme arbitre.
" Même s'il était à la retraité depuis plusieurs années, les gens voulaient le rencontrer et lui demander son autographe. Il était plus populaire que tous les joueurs de la troupe. En fait, sa légende n'a jamais cessé de grandir, avec le temps" ajoute Talbot.

Un flair pour le dramatique

Les gens de ma génération ont surtout connu le Rocket par la magie de la radio. Quand on a enfin pu le voir à la télévision, sa carrière tirait à sa fin tandis que Jean Béliveau, Bernard Geoffrion et Dickie Moore étaient en pleine ascension.
À 36 ou 37 ans, Maurice avait ralenti à cause d'un excès de poids, mais il était encore capable d'enfiler l'aiguille durant les séries de la coupe Stanley. Il a toujours été à son mieux dans les situations corsées. Il avait un flair pour le dramatique.
Ceux qui ont eu la chance de côtoyer le Rocket savent qu'il n'était pas toujours d'un commerce facile.
Si quelque chose ne faisait pas son affaire, il ne gênait pas pour vous le dire.
Que ça plaise ou non, il livrait le fond de sa pensée. La diplomatie n'a jamais été son point fort.
En revanche, Maurice est toujours demeuré un homme simple, franc et honnête. Il avait sa fierté, mais il ne se prenait pas pour un autre.
Il y a deux ans, le cancer s'est abattu sur lui comme la misère sur le pauvre monde.
Un remède miracle a permis une guérison rapide, mais il se doutait bien que ce mal mystérieux allait revenir le hanter.
Depuis quelques semaines, c'est tout le Québec qui est à son chevet. Les légendes ne meurent pas, mais les hommes oui.
Rocket, tu peux dormir en paix.
On ne t'oubliera jamais.

André Rousseau
Cahier-souvenir (Journal de Montréal)
mai 2000