Ma bohème (Fantaisie) - Analyse
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Ma bohème (Fantaisie) - Analyse


Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées;

Mon paletot aussi devenait idéal;

J'allais sous le ciel, Muse! et j'étais ton féal;

Oh! là! là! que d'amours splendides j'ai rêvées!


Mon unique culotte avait un large trou.

-Petit Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course

Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.

-Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.


Et je les écoutais, assis au bord des routes,

Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes

De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;


Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,

Comme des lyres, je tirais les élastiques

Des mes souliers blessés, un pied près de mon coeur!






Le sous-titre du poème est explicite: il met en évidence l'insouciance et la liberté joyeuses de la vie évoquée, et se retrouve aussi dans l'écriture qui joue avec les codes poétiques. L'humour qui traverse ce poème, l'évidence de la dimension ludique dans le maniement des structures et des sonorités font de ce texte l'exemple parfait de bonheur rimbaldien.


Bonheur et liberté
la liberté est inséparable de la notion de bonheur. Départ, affranchissement des contraintes et errance traversent tout le poème
je m'en allais; j'allais; ma course; au bord des routes; poches crevées
cette liberté suppose un espace affranchi de tputes limites: ici, les termes qui l'énoncent évoquent l'immensité idéale ou les lieux indéfinis du vagabondage
routes; sous le ciel
la liberté dans un poème qui semble jaillir d'un départ, qui s'organise autour de l'errance et s'interdit d'évoquer la moindre destination
je m'en allais; j'aillais; mon auberge était à la Grande Ourse


Un rapport privilégié avec le monde
la nature est lieu de protection
j'allais sous le ciel; assis au bord des routes; ces bons soirs de septembre
elle se prête, par les ensations visuelles et auditives qu'elle suscite, aux rêves et aux désirs
mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
elle prend la figure d'une femme
troublante: doux frou-frou
réconfortante et maternelle Grande-Ourse
elle accueille l'enfant fugueur et lui offre l'assurance d'une complicité immédiate
des gouttes de rosée à mon front, comme un vin de vigueur


Une activité poétique facile et ludique
l'écriture devient magique, les exigences de la rime se confondant avec l'insouciance d'un geste puéril
Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course des rimes
le poète se dessine sous les traits d'un Orphée humoristique, fascinant et vagabond
Comme des lyres, je tirais les élastiques
la dimension humoristique de la poésie s'écrit à partir du contraste entre les registres de langue
évocations classiques: féal; Muse; lyres
prosaïsme: culotte; trou; paletot; souliers
les contraintes de la poésie à forme fixe sont tout à la fois respectées et joyeusement dépassées par l'abondance des rejets qui ajoutent aussi à la lecture du poème le plaisir de la surprise
j'égrenais/des rimes; je sentais des gouttes/de rosée; je tirais les élastiques/ de mes souliers


Conclusion
Un poème qui exprime:
le bonheur d'être au contact d'une nature complice et dans la liberté des sensations
le bonheur d'écrire à travers l'humour et les fantaisies du jeu verbal
le bonheur d'errer tant dans l'espace que dans l'imaginaire