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II - AFFAIRE ROBERT : ÉTOUFFER LA VÉRITÉ

" La légende des "chambres à gaz" a été officialisée par le tribunal de Nuremberg, où les nazis étaient jugés par leurs vainqueurs. (...) On s’est interrogé pour savoir qui manipulait Faurisson, en soupçonnant l’extrême droite. Nous qui sommes révolutionnaires entendons en tout cas le soutenir. Et certainement pas en vertu d’un droit général à la liberté d’expression ou d’enseignement. Pas seulement non plus par réflexe de solidarité humaine, mais parce que Faurisson est attaqué pour avoir cherché et fait progresser la vérité. " La Guerre Sociale, affiche-tract Qui est le Juif ?, 1979. 

" Il y avait tabou, nous avons pris le parti de nous asseoir dessus, notamment par notre tract "Qui est le Juif ?" diffusé à Lyon. " La Guerre Sociale, De l’exploitation dans les camps à l’exploitation des camps (suite et fin), 1981.

" Un modeste agent d’un important centre de recherche, accusé de convictions négationnistes à cause de son ancienne appartenance à la mouvance de l’ultra-gauche favorable au "révisionnisme" faurissonien. " Rapport Comte, p. 33.


1-   DÈS 1979, FAURISSON REÇOIT UN SOUTIEN SIGNÉ " LA GUERRE SOCIALE ".

Quand Faurisson a déclaré que le génocide et les chambres à gaz étaient un gigantesque mensonge d’inspiration sioniste, que Hitler n’avait jamais ordonné ni admis que quiconque soit tué en raison de sa race et que le nombre de Juifs victimes du génocide était égal à zéro, il trouve ses premiers plus fanatiques soutiens dans un groupuscule rassemblé autour d’un nommé Pierre Guillaume. Ce groupuscule dispose d’une revue intitulée La Guerre Sociale, et d’une maison d’édition appelée La Vieille Taupe.

Étrangement, pour un public non averti, ce groupuscule faurissonien ne porte pas la croix gammée, mais se réclame de " l’ultra-gauche ", un vocable surprenant. Pas de la gauche, de l’extrême gauche ou de l’anarchisme qu’il déteste : de l’" ultra-gauche ", un au-delà de la gauche qui vomit la société tout entière et s’attaque d’abord au féminisme (coupable d’" inhiber " les besoins des prolétaires mâles) et à l’antifascisme (coupable d’" inventer " un ennemi plus terrible que la société démocratique : le nazisme). Pour se faire comprendre, Pierre Guillaume explique dans le journal néonazi Nationalisme et République (voir Affaire Notin) : " La gauche a tout renié et tout trahi. Elle n’est plus qu’une canaillerie et l’extrême-gauche qu’une extrême canaillerie. J’accepte à la rigueur le terme d’ultra-gauche pour signifier une continuité. " Car le gourou de cette secte est un ancien libraire dont la librairie parisienne s’appelait La Vieille Taupe et qui dès le début des années 70 était influencé par la lecture de Rassinier.

Cela n’est pas étrange pour tout le monde. Le n° 1 des Annales d’Histoire Révisionniste, paru en 1987, contient un texte du fasciste italien Carlo Mattogno (" Le mythe de l’extermination des Juifs ", traduit par Jean Plantin) qui retrace l’histoire du négationnisme. À la page 69, il explique qu’en France, l’héritage de Rassinier a été recueilli " à commencer par le groupe qui dirige la maison d’édition La Vieille Taupe " et il cite en référence les brochures de La Guerre Sociale. Le label " Guerre Sociale " est un peu moins identifié que la " Vieille Taupe " parce que la revue a cessé de paraître en 1984. Mais les deux renvoient à une seule réalité. L’une des circulaires de Pierre Guillaume affirme : " Tout ce que La Vieille Taupe avait à dire spécifiquement a été dit en 1979-1980 et publié par La Guerre Sociale. " Dans le quotidien Libération, le 25 octobre 1980, après l’attentat antisémite de la rue Copernic, l’écrivain Jacques Baynac dénonce " La gangrène " : " Il faut combattre ces éléments qui cachent leur camelote nazie sous les drapeaux de la "lutte communiste des prolétaires, de la destruction du salariat, de la marchandise et des États". " Les textes de La Guerre Sociale, publiés entre 1979 et 1982, sont diffusés en Belgique par les néo-nazis et traduits en Italie comme des textes fondateurs du négationnisme par l’équivalent transalpin de La Vieille Taupe, éditeur de Rassinier, Garaudy, Pierre Guillaume, Carlo Mattogno...
 
 

2-   UN ANCIEN DE LA GUERRE SOCIALE AU CENTRE PIERRE-LÉON.

En octobre 1993, le Centre Pierre-Léon, rattaché au CNRS et à l’Université Lyon 2, et dirigé par Yves Lequin (voir Affaire Plantin), recrute un nouvel " ingénieur d’études au CNRS " : François Robert. Ce n’est pas un inconnu sur la place : il s’agit de l’un des trois militants lyonnais de La Guerre Sociale. Son militantisme n’est pas passé inaperçu. Des témoignages affirment qu’avec Henri Brosse, membre de la direction nationale du groupe, le " comité d’orientation ", il apporte les publications dans des librairies. Son nom apparaît dans la revue et les comptes rendus de réunions. 

Ainsi François Robert assiste le 22 mars 1980 à l’assemblée générale de l’organisation qui fait le bilan des " textes importants " déjà publiés sur les femmes et sur les camps, et décide la mise en chantier d’une nouvelle brochure négationniste dont la rédaction est confiée à Pierre Guillaume. Le nom de Robert apparaît, toujours en compagnie d’Henri Brosse, au bas d’un article théorique du n° 4 consacré à la Pologne, et dans le n° 5 de la fin de l’année 1982 pour rendre compte d’une " conférence internationale ", réunie à Toulouse en avril 1982, où les deux compères étaient délégués. F. Robert et H. Brosse ne sont pas de simples adhérents : ils représentent l’organisation avec voix délibérative. Ils signent " Pour la Guerre Sociale ". Ils prennent des décisions : " La Guerre Sociale se retire de ces conférences. (...) La Guerre Sociale n’entend pas pour autant abandonner les contacts internationaux. Des réunions internationales structurées seront nécessaires. Nous prendrons les moyens pour qu’elles se réalisent sur d’autres bases. " Ils engagent la responsabilité du groupe. D’ailleurs ce même compte rendu existe sous deux formes. Imprimé dans la revue il est signé " Pour la Guerre Sociale, H.B. et F.R. " (sur la même page que l’annonce des réunions-débats du groupe sur les " questions importantes ", notamment sur " La Question juive " !), mais dans le Bulletin de Discussion Internationale n° 3 de l’été 1983, il apparaît cette fois signé : " La Guerre Sociale ". Les signatures Brosse et Robert - La Guerre Sociale sont équivalentes. François Robert a donc été un membre responsable de La Guerre Sociale, principal groupe négationniste à cette époque.
 
 

3- UN CONCOURS DE RECRUTEMENT QUI INTERROGE.

Le 9 juin 1993, le Journal Officiel publie l’annonce du concours externe du CNRS visant à recruter " un ingénieur d’études de 2ème classe en documentation scientifique ; affectation : Centre Pierre-Léon. " Au cours de l’été paraît avec la mention " achevé d’imprimer juillet 1993 " un catalogue des archives d’entreprises de F. Robert (avant-propos de Charles Millon, conclusion d’Yves Lequin). En quatrième de couverture il est spécifié : " François Robert est actuellement ingénieur d’études au CNRS (Centre Pierre-Léon) ". Ce n’est que le 7 octobre 1993 que le jury, dont M. Lequin est membre, " après délibération, a déclaré admis par ordre de mérite " M. François Robert dans le Corps des Ingénieurs d’Études au CNRS. Un concours joué d’avance ?

4- LE MENSONGE RÉPOND À DES QUESTIONS LÉGITIMES.

Le recrutement d’un ancien militant de La Guerre Sociale dans un centre d’Histoire ne pose-t-il pas problème ? Dès que la question est posée, l’institution va l’étouffer parce que F. Robert est le candidat du directeur du Centre : Yves Lequin. 

Cela s’appelle la déontologie, et c’est le bon sens : on ne recrute pas un pyromane chez les pompiers. Quelqu’un qui a milité au sein d’un groupe négationniste dans un lieu de mémoire, l’ancien siège de la Gestapo où Marc Bloch et Jean Moulin ont été torturés, pose problème. Cela s’appelle l’éthique. Peut-être François Robert a-t-il changé ? L’institution, au lieu de faire la clarté, s’engage dans la voie du mensonge. Interpellé par l’association Sos-Racisme dès juin 1993, Yves Lequin fait répondre par le CNRS que la collaboration de François Robert à La Guerre Sociale est une " allégation sans fondement ", une " rumeur injustifiée ". Pendant des mois, l’institution va mentir, avec des versions à géométrie variable. Pour faire taire les questions, est invoquée une mystérieuse " enquête-sécurité " blanchissant Robert (de quoi ?) : une enquête qui n’a laissé aucune trace et que personne n’a jamais vue, même pas la directrice du CNRS, interrogée à ce sujet. Au gré des circonstances, la position de l’institution évolue : d’abord " allégation sans fondement ", l’engagement de Robert à La Guerre Sociale devient ensuite " une collaboration limitée à un seul article ", puis une " appartenance au groupe dont il n’a jamais partagé les idées " et pour finir, dans le Rapport Comte : " l’absence de tout indice de sympathie pour elles... après 1982 " ! 

Le mensonge institutionnel s’est accompagné du harcèlement à l’encontre des protestataires : pétitions professorales, pressions sur les associations étudiantes, interventions pour empêcher des réunions. Usant de tous les moyens, même les plus répréhensibles, un noyau d’universitaires (avec les finances de l’université) se met au service d’Yves Lequin. Un de ces textes va jusqu’à prétendre que La Guerre Sociale n’était pas un groupe négationniste et antisémite ! Des listes noires fichant syndicalistes et militants des associations antiracistes, les accusant d’être " communistes " ou " trotskistes ", circulent à partir du Centre Pierre-Léon (Le Canard Enchaîné, le 1er juillet 1997).

Cette campagne est si outrée que l’affaire du Centre Pierre-Léon déborde largement les limites de l’université. 
 

5-   UN PROCÈS QUI N’A PAS BLANCHI ROBERT. 

Le Rapport Comte répète que " les diffamateurs ", c’est-à-dire ceux qui ont parlé de l’affaire Robert, ont été " lourdement condamnés " dans un procès intenté par Robert. Mais il n’évoque pas les attendus du jugement. Tous les journalistes le savent, on peut être condamné pour diffamation en disant la vérité. Précisément, le jugement dit qu’il est avéré que François Robert a adhéré au mouvement La Guerre Sociale entre 1979 et 1982, et que le caractère négationniste des textes comme De l’exploitation dans les camps à l’exploitation des camps ou Qui est le Juif ? publiés de 79 à 81 est incontestable. Le jugement dit aussi qu’il était légitime pour un historien d’informer ses supérieurs hiérarchiques du passé d’un postulant au CNRS dès lors qu’il disposait d’éléments d’information sérieux relatifs à l’appartenance de cette personne à un groupe tel que La Guerre Sociale. Il est notamment fait reproche dans le jugement d’avoir mis en cause François Robert en témoignant de l’" animosité " et en l’appelant " ce monsieur ", au lieu de donner une place prépondérante au rôle des autorités universitaires dans l’affaire. Ces arguments de condamnation ne rentrent pas dans la grille de lecture du Rapport Comte.

Le jugement (porté en cassation) n’efface ni le passé de François Robert ni la légitimité de la question éthique que rappelle le Rapport Comte : " Quelqu’un qui a milité dans un groupe de négateurs du génocide, reconnus falsificateurs de l’histoire, a-t-il sa place dans un centre d’Histoire ? Dans un centre situé de surcroît, dans ce lieu hautement symbolique, l’ancienne École de Santé Militaire où furent torturés Jean Moulin et tant d’autres, et où vient d’être inauguré le CHRD ? " (p. 38). À cette double question, le rapporteur répond visiblement oui. 

François Robert a attaqué en justice les démocrates qui combattent le négationnisme. Il a réclamé et obtenu la censure du livre Négationnistes : les chiffonniers de l’histoire . En revanche, quand Rivarol lui a apporté son soutien, en 1993, il n’a pas engagé de procès à l’encontre de ce journal. Quand, en 1994, l’avocat négationniste Delcroix (voir Affaire Plantin) l’a soutenu dans son livre La Police de la pensée contre le révisionnisme, au chapitre " La chasse aux révisionnistes s’aggrave dans les universités ", il n’a pas poursuivi. En 1999, Robert Faurisson, sur un site Internet néonazi, dénonce les historiens et universitaires qui prétendent que Lyon est la capitale française du négationnisme, " où s’est mise en place la chaîne de répresion contre Robert Faurisson (sic) aussi bien que Zind, Allard, Notin et François Robert. " Ce dernier ne porte pas plainte. Pourquoi ?

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