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LES MOTS DU RAPPORT COMTE

Les mots servent à montrer, ils peuvent aussi masquer, minimiser, mais ils disent toujours quelque chose de vrai car ils nous informent sur la volonté de celui qui les utilise. Il a fallu plus de quarante ans à la France pour reconnaître l’utilisation du mot " guerre " pour les combats menés en Algérie. Jusqu’ici on utilisait le terme " événements ". Mais si le mot événements servait à masquer, il en disait beaucoup sur l’attitude de refus des responsabilités de la France.

Le rapport consacré au négationnisme à l’université par M. Comte mérite une lecture attentive. Excès de naïveté sans doute de la part de l’auteur mais les intentions inavouées qui président au rapport sont si patentes qu’il est presque redondant de les relater.

Dès le premier mot en effet presque tout est dit. " Affaires " est soigneusement mis entre guillemets. N’y a-t-il pas eu d’affaires négationnistes à l’Université de Lyon ? Cette volonté d’euphémiser ce qui s’est passé ne se départit pas tout au long du rapport. Elle se double de l’insinuation sur les intentions de ceux qui utilisent le mot affaires (sans les guillemets) : exagèrent-ils ? tentent-ils de nuire à l’Institution ?

Les qualificatifs qui décrivent les différents acteurs nous apprennent beaucoup. À tout seigneur tout honneur, le rapporteur se décrit lui-même dès l’Avertissement (p. 3).

 

1-   L’AUTEUR PAR LUI-MÊME.

Après avoir défini la tâche : " revenir des mythes aux faits ", le rapporteur évoque son métier d’historien. Les mots qu’il emploie pour se décrire sont " effort d’objectivité ", " combat contre le négationnisme ", " indépendance intellectuelle ", " liberté de jugement ", " sens critique ", " confrontation des données et explications ", "(présentation) raisonnablement équilibrée ", " servir honnêtement la vérité ". L’ambition est belle mais une question traverse l’esprit si les affaires sont entre guillemets et si l’on parle d’emblée à leur propos de mythes n’a-t-on pas déjà tranché, n’a-t-on pas déjà décidé qu’il n’y avait pas grand-chose à voir ? Un auteur dont les intentions et qualités sont si louables permettra qu’on les examine.

Les mots de " critiquable et perfectible ", s’agissant du rapport, nous autorisent à aller plus loin pour le bien de l’Université à laquelle le rapporteur se dit " attaché ".

 

2-   LES ACTEURS DE LYON III.

Les enseignants de Lyon III sont décrits (p. 10) d’une façon que le rapporteur définit certainement comme " objective ". Ainsi Pierre Vial, " soucieux de formation doctrinale ", est " actif propagandiste ", Jacques Marlaud est simplement " engagé pour l’apartheid ", les travaux de Haudry ont une " forte connotation idéologique " sans plus, Bruno Gollnisch est défini comme " catholique intégriste " et " contre-révolutionnaire ", Pierre Vial comme " disciple de Saint-Loup/Marc Augier " se réclamant du " paganisme nordique " et des " cultes solaires ", Bernard Lugan comme " historien africaniste " enfin Georges Pinault " militant celte " est proche d’Olier Mordrel qualifié d’ " autonomiste ". Ces portraits contrastés et modérés ne peuvent qu’aboutir à l’analyse : " ce serait pratiquer indûment l’amalgame que de considérer toutes ces personnalités... comme membres d’un même réseau... ils ne forment pas un bloc ".

Hélas le mot objectivité ne signifie pas édulcoration. L’essai d’objectivité consiste à dire ce qui est sans ignorer le plus grave : les noms de Saint-Loup (Marc Augier) et Olier Mordrel sans autre présentation ne disent rien. Il s’agit pour le premier d’un des chefs des S.S. français de la Division Charlemagne, et pour le second d’un pronazi réfugié en Allemagne en août 39, collaborateur pendant la guerre, condamné à mort par contumace en 1946, réfugié en Argentine et accessoirement auteur d’un poème à la mémoire d’Eichmann.

En ce qui concerne les acteurs eux-mêmes si on les définit clairement, sans contournements, on ne peut que relever qu’ils sont tous des ultras d’extrême droite, qu’ils écrivent tous dans des revues dont la doctrine est le néo-nazisme, le racisme et le négationnisme. Il n’y a là nul amalgame. C’est un fait.

Les mots qui définissent les protagonistes sont d’une telle retenue qu’ils trompent sur les individus qu’ils dépeignent. Dire que Lugan est un historien africaniste, que Marlaud est engagé pour l’apartheid, Georges Pinault un militant celte, c’est nous dire que Jean-Marie Le Pen est simplement un député européen... Un peu court pour un " rapport historique " !

On s’étonne un peu de lire ensuite l’expression " virulence des extrémistes " puisqu’on n’a presque pas relevé d’extrémisme et surtout pas de virulence dans les personnages décrits.

Le rapporteur confond l’objectivité, la modération de l’émetteur des propos (ce qui est louable en soi), avec la dissimulation de ce qui est extrême dans ceux qu’il décrit. Il trompe ainsi le lecteur. Être objectif et modéré ne consiste pas à trouver des qualités et de la modération à des militants néo-nazis.

 

3-   QUELQUES PORTRAITS D’ACTEURS NÉGATIONNISTES.

Les mots sont investis d’une charge positive ou négative. L’absence de mots revêt aussi un sens. Certaines curiosités du rapport poussent à un recensement, pour quelques personnages, des adjectifs choisis pour les définir et des omissions qui faussent leur définition. Une étude exhaustive serait trop longue, nous nous en tenons à quelques figures :

Faurisson

Vivement recommandé par des collègues prestigieux et influents " (lesquels ?), Faurisson est décrit comme un " esprit brillant " à la " méthode originale ". Toutefois cette méthode provoque des " esclandres " car l’homme est aussi " intolérant et provocateur " (quant à sa " méthode " appliquée à Rimbaud et Lautréamont). Il va s’avérer par la suite " peu intégré ", " insolite " et " procédurier " (sur des questions administratives). La " commission de spécialistes " de Lyon 2 a eu à son égard, en ne le récusant pas, " un geste de maladroite courtoisie ". Un milieu de gentilshommes...

Ce premier tableau, avant que l’on aborde le fond du sujet négationniste, dépeint un personnage sur lequel il semble que l’on n’ait pas de prise et qui finalement est extérieur à Lyon 2 car, est-il précisé, il " réside à Vichy ".

Par la suite, les historiens du génocide lui attribuent les " élucubrations d’un maniaque  enfermé dans ses lubies ", il fera une " intervention provocante " dans un colloque. Son contenu n’est pas exposé. Au fil de toutes ces descriptions psychologiques, on découvre un enseignant qui a d’étranges problèmes mais l’objet de sa présence dans le rapport est très, très succinctement traduit par " les recherches de Faurisson sur les chambres à gaz ". Le lecteur n’en saura pas plus.

Il n’est pas souligné, c’est pourtant frappant, que les protestations qui émanent de l’Université Paris III (dont Faurisson utilise le papier à en-tête) ne sont nullement relayées par l’Université Lyon 2 où il est enseignant ! Évidemment ce serait donner une image peu reluisante de l’institution car on voit quelques lignes plus loin qu’en 1978 on décide de " ne pas ébruiter l’incident " et " on obtient (sic) le silence de la presse " ! De l’incident décrit comme une " intervention provocante " rien n’est dit non plus. Taire le scandale et les carences dit beaucoup sur l’intention de celui qui tait.

Faurisson, celui qui a proféré les abominations les plus graves en matière de racisme (car elles nient la mort des morts), est ici réduit à sa plus simple expression. Le rapporteur ne dit pas ce sur quoi l’université se tait par deux fois à 4 années de distance : ce sont des propos qui prétendent que le nombre de Juifs tués par la volonté d’Hitler est égal à zéro et autres horreurs. Cela empêcherait évidemment la qualification d’" incident " qui encore une fois minimise à outrance des faits gravissimes.

Ensuite, la presse prendra en charge de dénoncer la " nature des conclusions des recherches de l’universitaire lyonnais " qu’un communiqué qualifie d’" affirmations scandaleuses ", " allégations fantaisistes ". Mais quelle est cette nature qu’on ne saurait voir ? Il est des moments où le lecteur a envie de s’exclamer : mais enfin la presse révèle le négationnisme, le racisme et l’horreur des propos de Faurisson !... L’expression " la nature des conclusions des recherches... " est une périphrase si absurdement déplacée qu’elle est inadmissible. Est-ce donc l’objectivité que de ne pas dire ce qui est encore une fois ?

La protection du " collègue " Faurisson est l’élément central des préoccupations exposées ensuite. On dénonce ses " déclarations responsables du trouble " (et en cas de " non-trouble " qu’en aurait-il été des déclarations ?) mais à plusieurs reprises on dira " en l’absence de faute professionnelle " ou de " délit " rien ne peut être fait. Ainsi non seulement aucune véritable distance n’est prise avec ce qui fut une erreur majeure de cette affaire (la faiblesse, le silence) mais on la réédite complaisamment. La faute éthique, le scandale moral sont des fautes professionnelles graves. Faurisson les commet. Un enseignant qui gifle un élève serait ainsi plus puni qu’un négateur de l’histoire ? Que la loi n’ait pas encore inscrit ce délit dans les faits (la loi Gayssot que le rapporteur conteste par ailleurs...) n’empêche pas la déontologie.

Pour terminer ses propos comme il les avait commencés, le rapporteur insiste à nouveau sur la " marginalité " et la brièveté du passage de Faurisson à Lyon. En voulant dédouaner si fort l’institution, il se prend à son propre piège et commet un contresens total : Faurisson reçoit le soutien " le plus actif " de La Vieille Taupe de Pierre Guillaume (en haut de page) et quelques lignes plus loin, " on n’a pas de preuve que se soit formé autour de lui un groupe de militants du révisionnisme durant sa brève présence à Lyon ". Or La Vieille Taupe est certes un groupe parisien (ouf !) mais son antenne lyonnaise a pour nom La Guerre Sociale, et le rapporteur ne la cite pas pour une bonne raison : François Robert qu’il défend au chapitre 5 du rapport... est un membre de La Guerre Sociale à l’époque précise qu’il décrit. Encore une absence pleine de sens.

En conclusion, l’affaire est résumée de façon proprement stupéfiante : " Le talent de R. Faurisson a donné aux thèses révisionnistes un retentissement inédit, et sa méthode de "recherche" et de publicité a fait date. " Point.

Zind

Le frère mariste Zind fascine particulièrement le rapporteur en sa qualité de catholique. Marqué par l’" autonomisme catholique alsacien " et " les drames de la guerre ", le portrait est émaillé des adjectifs les plus flatteurs : " cas exceptionnel ", il " éclaire avec érudition ", " gros travailleur ", " dévoreur d’archives ", " passionné de critique documentaire ", " professeur enthousiaste ", " admiré ", animé par un " appétit de connaître "... La place manque pour relever tous les termes élogieux qui dépeignent celui qui participe au jury de la thèse Roques.

Il serait injuste de dire que le rapporteur s’en tient là, car il lui faut avouer aussi ce qu’un aussi admirable religieux vient faire dans cette histoire. En voici les mots : Zind n’a " pas de sympathie pour le nazisme ", mais une  anthipathie envers les excès qu’il reproche aux vainqueurs de 1945, communistes notamment ". Après les " convictions passionnées ", la " passion autonomiste vécue ingénument ", viennent tout de même les " singulières relations " puis les faits : " Zind témoigne à décharge " au procès des Loups Noirs nostalgiques du IIIème Reich, il résume " sans aucun examen critique " le livre du " publiciste allemand Herbert Taege ", " présente " ... " un "excellent livre"publié à Genève par Olier Mordrel " (on notera que celui-ci est toujours " militant autonomiste breton ", simplement : il " a joué la carte allemande sous l’occupation ") ! Zind ne connaît pas Roques, affirme le rapporteur, et ce dernier se recommande auprès de lui d’Alain Decaux. Zind " se contente de dire son admiration pour la "qualité du travail" de Roques " (au plan de l’heuristique et de l’herméneutique !)... Tant de disculpations, une telle sympathie pour le sujet laissent confondus mais le coup de grâce est donné quand notre rapporteur déclare : " Il ne peut ignorer les théories faurissoniennes sur les chambres à gaz. Sait-il que Roques en est un adepte ?  " et de nous parler de sa " naïveté " de son " zèle aveugle ". C’est proprement ahurissant. Le portrait incroyable de frère Zind qui se continue par d’autres développements de la même eau ne dit pas ce qu’était réellement cette thèse Roques et combien on y a ri grassement entre membres du jury des tas de chaussures si élevés qui restaient dans les camps ! (voir Finkielkraut).

Dans le même esprit, il est dit que Jean Plantin est un " étudiant discret et travailleur " (le rapporteur l’affirme alors même qu’il n’a pas lu le mémoire) et François Robert un " modeste agent d’un important centre de recherche ". Décidément que de bonté !

Prix Nobel oblige, Alexis Carrel reçoit la palme des qualificatifs positifs : " savant prestigieux ", " illustre Lyonnais ", " chirurgien virtuose ", " concepteur original ", " orientation spiritualiste ", " homme de science ", " bienfaiteur ". Qu’est-ce que " le penseur eugéniste " face à toutes ces qualités ? Dès lors, il devient impératif " de rappeler les distinctions nécessaires contre la tentation de l’amalgame, en éclairant d’une juste lumière historique un passé brouillé par les vues simplistes ou les jugements polémiques " des associations antiracistes.

 

4- LES MILITANTS CONTRE LE NÉGATIONNISME.

La place des militants contre le négationnisme est réduite dans le rapport Comte. Mais dire que dans ces lignes ils sont maltraités est faible.

Un mot des " militants " tout d'abord. Il existe deux mondes pour le rapporteur, les " militants " et les autres. Comme si les personnes qui " militent " ne pouvaient être les mêmes que les autres (ses " collègues " par exemple...). On note avec amusement que cela est si profond qu’il " oublie " même, par deux fois, de citer une association qui a co-organisé les conférences pour la débaptisation de la Faculté Carrel et contre le négationnisme, Agir ensemble pour les droits de l’homme... devant laquelle il avait lui-même autrefois donné une conférence. Sans doute ne veut-il pas être confondu avec des " militants ".

La même raison a probablement conduit le rapporteur à prêter abusivement au journaliste Bernard Fromentin, " collègue " de Lyon 2 hostile aux associations, la " découverte " de l’affaire Plantin, alors qu’elle a été révélée dans Ras l’Front en mars 1998 par l’historien Maurice Moissonnier... trop à gauche, trop militant peut-être.

De même, lorsqu’il évoque l’" auto-dissolution " en 1998 de l’Institut d’Études Indo-Européennes de Lyon III, le Rapport Comte " oublie " de mentionner l’occupation de la présidence de l’université par les associations Hippocampe, UNEF-ID, UEJF... Une " auto-dissolution " un peu aidée. Mais l’action était peut-être déplacée ?

Pour Mai 68 il n’a pas de mots assez vindicatifs : " agitation confuse ", " activisme ", " politisation ", " liens avec l’extérieur ", " commando ", " militants de la contestation permanente ", " désordre ", " syndicalisme de contestation ", etc. Même soutenir la loi d’orientation d’Edgar Faure relève d’" un enthousiasme peu réaliste " ! La couleur rouge n’a certes pas les faveurs de l’auteur du " Rapport historique ", cela se lit en filigrane tout au long. Car au fond pour lui l’explication est bien là : tout part de 68. Non pas de la présence des idées d’extrême droite dans les facs et des négateurs du génocide qui ont trouvé un terrain d’élection à Lyon comme à Nantes. Non, la faute originelle est dans le " gauchisme " réel ou supposé des " militants " qui empêchent les braves enseignants de " pouvoir enseigner et travailler en paix ".

Deux chercheurs sont particulièrement attaqués pour avoir, dans des écrits ou des réunions tout à fait respectables (au Palais de la Bourse !) et avec des associations tout à fait reconnues, agi et parlé contre le négationnisme ou le patronyme de Carrel sur l’université de médecine.

Le passage consacré à Jean-Pierre Cambier est court mais violent. Jean-Pierre Cambier, l’un des animateurs de l’action contre Carrel, " exploite " " une phrase de L’Homme, cet inconnu ". Il est dépeint comme " ancien chercheur dans l’industrie pharmaceutique " (ce qui lui ôte la légitimité), qui " prépare " un doctorat sur la " bio-politique " (ce qui lui ne lui donne pas de crédibilité). En réalité Jean-Pierre Cambier a obtenu un doctorat en 1993 pour une thèse consacrée en partie à Alexis Carrel. Il travaille depuis des années sur ce personnage quand il prend la parole. Le Rapport Carrel auquel a participé Bernard Comte est décrit plus loin comme " sommaire faute d’archives ", alors pourquoi donc dénigrer un plus savant que soi ? C’est clairement dit : " Il s’exprime davantage en militant "... le mot est lâché, " qu’en chercheur soucieux de la rigueur historique ". On s’étonne simplement que la rigueur historique dont le rapporteur se pare dans son " Avertissement " ne lui ait pas permis de rechercher, avant de se prononcer en faveur du maintien injustifiable du nom de Carrel, les documents que de vulgaires " militants ", dont il met en doute la rigueur, ont eux étudiés.

Les mots les plus durs de tout le Rapport Comte visent l’historien Philippe Videlier. Encore une fois il s’agit d’un chercheur reconnu, spécialiste des questions discutées ici. Il est l’auteur de dizaines d’articles contre le racisme, l’extrême droite, le négationnisme, etc. Mais - cela est son grand défaut aux yeux de Bernard Comte - il a démissionné de son Centre de recherches car le directeur, Yves Lequin (voir Affaire Plantin et Affaire Robert), refusait de répondre aux questions concernant un ancien militant de La Guerre Sociale. Ainsi Philippe Videlier dont on ne dit pas qu’il a reçu l’Ordre national du Mérite pour sa lutte contre le racisme et le négationnisme, dont on ne dit pas qu’il a été invité à représenter la France dans un colloque sur le négationnisme au Sénat italien, dont on ne dit pas qu’il est engagé dans la lutte contre les inégalités et les discriminations dans les banlieues, etc., se voit affublé de la définition " militant qui s’attribue une mission d’épuration morale, fût-ce au mépris de la méthode historique et du droit ". Pas moins. Les termes sont d’une inacceptable férocité contre cet historien défenseur des droits de l’homme. La " passion ", si fréquemment invoquée à charge contre les " militants " par Bernard Comte, l’aveugle certainement ici.

On ose à peine comparer ces propos avec les qualificatifs attribués aux extrémistes de droite les plus inquiétants : Jacques Marlaud, dont on sait le racisme et la volonté précise d’épuration en Afrique n’a droit, lui, qu’au terme très nuancé de " engagé pour l’apartheid ", sans autre commentaire.

Les mots employés pour parler des (et aux) associations qui luttent contre le négationnisme sont bien étranges. Il y est question de " pressions extérieures ", " manipulation " (affaire Carrel), de " police des esprits ", de " pourchasser des complicités imaginaires " (affaire Plantin). Tout se passe comme si ces associations étaient constituées de dangereux individus totalement hostiles aux universités. Ce n’est pas le cas. Les membres des associations sont des personnes éclairées dans tous les cas et nombre d’entre eux, quand ils ne sont pas enseignants ou étudiants, sont issus des universités. Ils les connaissent parfaitement et peuvent en parler avec compétence. Quels buts poursuivraient-ils si ce n’est de défendre leur idée de la démocratie et de la justice ? Quelle conception auraient-ils de la démocratie et de la justice s’ils ne la défendaient pas pour l’université qui forme la jeunesse ?

Force est de constater que dans un travail, rendu nécessaire par le scandale causé par les affaires négationnistes traversant l’université, ce sont les groupes qui ont agi contre le négationnisme qui sont maltraités, insultés et bafoués. Le but poursuivi, on le comprend bien, est de nuire à ces personnes, qui ont le tort d’avoir une pensée claire et ferme. Mais il est aussi évident que cela nuit gravement au sérieux d’un rapport dont on décèle l’esprit partisan et le manque d’objectivité. Se tromper d’ennemi à ce point est inquiétant.

 

POUR CONCLURE

L’analyse et la solution du Rapport Comte tient en deux mots, " hasard " et " coïncidences ". Ce sont les deux mots les moins historiques qui soient. Si dix affaires en vingt années étaient dues au hasard, nous nagerions en pleine science-fiction. Nous avons montré quels sont les liens entre les personnes et les faits, nous avons montré que les responsabilités sont graves au plan éthique, politique et administratif. Nous disons encore une fois : le rapport sur le négationnisme que nous avons lu n’a pas les qualités requises. De même que la rigueur d’analyse du rapporteur est entachée de trop de préjugés.

Mais doit-on s’en étonner ? N’était-ce pas prévisible ?

Tout récemment, le 24 novembre 1999, dans une réunion publique à Lyon III (" Le Témoin : entre Histoire et Mémoire " - UNEF-ID et Mémorial des Enfants d’Izieu), M. Comte résumait sa participation au " Rapport Touvier ", commandé par l’Église à l’époque du procès du milicien. Il s’exprimait ainsi :

On essayait de retracer une espèce d’itinéraire idéologique ou psychologique, etc. d’un bonhomme assez étrange, assez singulier. Alors le portrait que ça nous a amenés à faire du jeune Touvier, du Touvier devenant milicien, sans que nous disions grand-chose de ses activités miliciennes, ce portrait là a été utile, effectivement, aux juges. (...) Je n’ai pas vu, je n’ai pas le souvenir que la presse ait dit que notre rapport consistait en un formidable élément d’accusation contre Touvier. Le portrait qu’on en faisait, bien sûr, montrait que le personnage était - on a été prudent, on n’a pas voulu porter de jugements moraux - était un personnage pour le moins ambigu et complexe, et où l’éducation religieuse et les éléments de foi religieuse apparemment authentiques, ont coexisté pendant un certain temps avec une vie de gangster, de souteneur, de toute sorte de... bon, mais enfin ça, une fois qu’on a dit ça, ça ne prouve pas que c’est lui qui est le responsable des assassinats de Rillieux pour lesquels il a été condamné. Voilà. "

Un point de vue " prudent ", sans " jugements moraux ", sur un " personnage ambigu et complexe ", " assez singulier ", à la " foi religieuse apparemment authentique ", des conclusions qui " ne prouvent pas " la responsabilité... Voilà, donc, comment M. Bernard Comte parle du milicien Touvier, condamné pour l’assassinat des Juifs de Rillieux. Alors évidemment Faurisson, Zind et Plantin... Le philosophe catholique Gabriel Marcel avait d’autres mots pour Touvier : " Cet homme est un scélérat. " Mais ces mots-là ne font pas partie du vocabulaire contourné et frileux de M. Comte.

S’il n’y avait la presse et les associations, toutes les affaires de négationnisme des universités lyonnaises seraient restées enfouies. Les missions de service public et de culture qui sont celles de l’université exigent transparence et fermeté ainsi que le recommandait la note jamais appliquée du Comité National d’Évaluation des Universités de 1992.

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